Rémi Cackel (Teads) : “Nous allons bientôt permettre à nos clients d'acheteur de la TV segmentée depuis notre plateforme”
Nicolas JaimesMinted. Teads, acteur historique de l’outstream sur le Web, veut accélérer sur la TV connectée (CTV). Pourquoi ?
Rémi Cackel (Teads). C’est vrai que cela peut paraître incongru de proposer deux formats à l’UX que tout oppose. Parce que notre produit phare, la vidéo outstream, est un format in-read, intégré au cœur de pages articles, avec du sound off par défaut et qu’il est facilement skippable, là où la pub CTV est instream, difficilement skippable. Mais ce sont justement ces antagonismes qui en font des formats complémentaires. Complémentaires au moment de répondre aux objectifs marketing des annonceurs. Parce qu’un utilisateur qui consulte un article de presse avec de l’outstream, dans les transports, n’est pas du tout dans le même état d’esprit que quand il est dans son salon, devant sa smart TV. C’est la même personne mais à différents moments de la journée.
Ce déploiement, c’est, au fond, le prolongement de notre promesse historique qui est le fait d’engager les utilisateurs de façon responsable. On l’a fait sur l’outstream, sur desktop et mobile. On veut le faire sur la CTV. Et on ne le fait pas parce que c’est un “écran” qui buzze.
Afficher de la pub sur un écran TV, ce n’est pas une fin en soi. C’est surtout un moyen d’améliorer l’efficacité des campagnes médias de nos clients, qu’il s’agisse de générer des visites sur site Web, un KPI lower funnel sur laquelle la CTV est très performante, comme l’ont démontré des campagnes que nous avons menées aux Etats-Unis, ou de combiner outstream et pub CTV, pour booster la réceptivité d’un message publicitaire.
Vous avez des chiffres qui vont dans ce sens ?
Nous voulons prouver que le fait d’exposer un même utilisateur sur deux devices différents, son mobile et sa CTV, est plus efficace que de le faire deux fois sur le même device. Nous avons mené deux tests aux Etats-Unis, où nous sommes déjà live, qui le démontrent. Mais qui ne sont pas suffisamment significatifs d’un point de vue statistique pour en faire une vérité. Pour l’instant.
Et en Europe ?
C’est prévu pour les prochaines semaines. Nous venons tout juste de lancer l’offre CTV en Amérique latine, après les Etats-Unis
Quels sont les éditeurs avec lesquels vous travaillez ?
Aux Etats-Unis, je peux citer Paramount Plus, Hearst, la MLB, Scripps, Cheddar, Tegna… Nous discutons avec les principaux broadcasters, fabricants de smart TV et acteurs du Fast, pour proposer rapidement un inventaire “at scale”. Nous espérons faire des annonces prochainement en Europe mais je peux d’ores et déjà annoncer qu’Altice, notre actionnaire, sera de ceux-là.
Vous n’avez pas peur que cette affiliation à Altice vous ferme des portes côté broadcasters, notamment en France ?
On aurait pu le craindre mais ce n’est pas le cas pour le moment. La plupart des broadcasters avec lesquels nous échangeons sont plutôt ouverts et ce n’est pas vraiment surprenant au vu de leurs problématiques de remplissage de l’inventaire catch-up.
La France a clairement du retard sur les Etats-Unis en termes d’usage, non ?
Oui, c’est intéressant de voir la différence de maturité selon les pays. Les Français consacrent encore plus de 50% du temps de visionnage à la TV linéaire, contre à peine 15% outre-Atlantique. C’est la raison pour laquelle, dans l’Hexagone, nous allons pousser une offre combinant écrans TV et inventaire éditorial instream premium (c’est-à-dire avec du click to play et de l’audio "on" par défaut selon les standards de l’IAB).
Et faire un peu d’évangélisation ?
Oui, la CTV reste un sujet relativement neuf en Europe. Je ne parle pas uniquement en termes de reach… mais aussi de compréhension. Il y a toute une sémantique à expliquer et c’est d’ailleurs ce que font nos commerciaux sur le terrain lors de rendez-vous où il s’agit moins de vendre Teads que d’expliquer ce qu’est le Fast, l’Avod ou l’OTT.
Une application AVOD, qui est pas mal utilisée en dehors des TV connectées, sur ordinateur et tablette, est, par exemple, à considérer même si on est, dans ce cas, plus dans l’OTT que la CTV. Je pense qu’il faut raisonner de manière plus globale. Et même regarder du côté de la TV linéaire, qui peut nous permettre d’enrichir notre offre CTV.
C’est-à-dire ? Permettre à un annonceur de passer par Teads pour acheter de la TV segmentée chez Altice ?
Tout à fait. Nous avons des discussions en ce sens.
Faire de la CTV, c’est, grâce à l’omnicanalité, améliorer la réceptivité d’un message, dites-vous. C’est aussi favoriser une metrique qui vous est chère chez Teads, l’attention…
Forcément, vu qu’il s’agit d’une plateforme vidéo by design. Mais, à nouveau, c’est surtout l’aspect omnicanalité qui nous intéresse dans cet environnement. Je pense notamment à un autre indicateur de performance qui intéresse les acheteurs TV, la notion de reach incrémental. On sait tous qu’un plan média TV plafonne tôt ou tard en matière de taux de couverture sur cible. Chaque point additionnel coûte de plus en plus cher et la CTV est, dans ces conditions, un environnement idéal pour toucher les gens que l’on n’arrive pas à exposer en linéaire.
Faire de la CTV, c’est donc un bon moyen pour Teads de se positionner sur les budgets TV et notamment ceux qui se digitalisent ?
On le faisait déjà avec une offre baptisée “TV extend” qui permettait aux annonceurs de faire de l’extension en outstream. Ça peut paraître étonnant, au vu des différences de formats que l’on évoquait plus haut, mais ça a bien marché dans des pays comme le Royaume-Uni et la France.
Notamment parce que c’est très compétitif côté prix. Disons que notre offre CTV est un bon moyen de renforcer notre légitimité sur le sujet, de gagner en attractivité auprès des acheteurs TV. Car plus qu’un changement de budgets médias, c’est un changement d’interlocuteur. On ne parle absolument pas de la même façon à un acheteur TV qu’à un acheteur digital.
Pierre Venture et Maxime Cerda, les fondateurs d’Alma TV, déploraient justement dans nos colonnes, que l’univers de la CTV soit, “côté contenus, en pleine révolution, mais que côté achat, il reste bloqué dans des pratiques d’un autre âge.” Vous souscrivez ?
Le problème, c’est que certains acheteurs, pas tous évidemment, reproduisent certaines mécaniques héritées de la TV linéaire, en disant à leurs partenaires de prioriser tel ou tel réseau, pour X raisons. Cette approche contextuelle est malheureusement assez éloignée de ce qu’un environnement comme la CTV peut leur apporter.
A nouveau, je rappelle que faire de la CTV ne doit pas être une fin mais un moyen. Un moyen de faire du ciblage d’audience pertinent, de livrer une impression pub au bon moment ou d’optimiser un KPI de campagne via de l’IA. Un moyen d’aller piocher dans la promesse de personnalisation du digital… mais sur grand écran. Sur le volet mesure comme l’activation.
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