Veasybl, ce si discret acteur historique du retail media français
Nicolas JaimesC’est dans un secteur du retail media où chaque nouvel arrivant rivalise d’ardeur pour se faire connaître, presque une anomalie. Une entreprise qui a déjà 3 ans d’existence et dont la technologie équipe des figures de l’e-commerce français : Leroy Merlin, depuis des années, But et Conforama, depuis la création de leur alliance retail media ainsi que Brico-Privé, le “Veepee du bricolage", et Electro Depot. Mais une entreprise dont vous n’avez sans doute jamais entendu parler.
Vous voyez de qui je parle ? Non ? Pas si étonnant tant Aniss Boumrigua, fondateur de la plateforme de retail media Veasybl, semble avoir inscrit l’adage “Vivons heureux, vivons cachés” dans les statuts de l’entreprise. Au point de ne lui avoir toujours pas créé de page LinkedIn dédiée. Ni même d’avoir mis son propre compte à jour. Une anomalie, on vous disait.
“C’est vrai qu’on pourrait faire les choses un peu mieux côté communication”, reconnaît le dirigeant, interrogé par Minted. Côté business, c’est une autre histoire. Ce vétéran de l’e-commerce - il a passé près de 13 ans chez Rue du Commerce - a très tôt senti la vague retail media puisque les statuts de Veasybl ont été déposés en décembre 2020, à une époque où Criteo était un peu seul sur ce marché encore bourgeonnant en France.
Aniss Boumrigua s’associe à l’époque à Florin Tebrean, autre expert du secteur, pour mettre au point “une technologie qui devait permettre aux retailers de prendre le virage du retail media sans pour autant devoir passer par un network.” Autant un enjeu d’autonomie, pour leur permettre de monter en compétences sur un sujet amené à prendre du poids dans les années à venir, que de récupération de la valeur, pour les aider à s’affranchir des taux de régie de ces réseaux, nous explique-t-il. Et, ici encore, un parti pris plutôt étonnant alors qu’à l’époque, le marché peu mature, faisait surtout la part belle aux networks et leur offre intégrée : régie + techno.
Ce n’est pas le choix fait par Veasybl, qui se concentre sur la dimension technologique (la plateforme est vendue en SaaS aux retailers). Même si la société a quelques accointances avec AdRetail, une régie retail media qui accompagne certains de ses clients puisque le fondateur d’AdRetail, Jacques Hemmendinger, est actionnaire (très) minoritaire de Veasybl (il détient 3% du capital). C’est d’ailleurs lui qui a introduit Aniss Boumrigua et son équipe à Marie Amsellem, la patronne du retail media chez But. “On faisait le tour des principaux acteurs du secteur, comme Citrus et Mirakl, pour trouver la technologie qui allait équiper notre alliance retail media avec Conforama, Retailium Media. Et c’est Veasybl qui nous a convaincus qu’il était la bonne solution à l’instant T”, confie la dirigeante.
Pourquoi ? Il y a d’abord la rapidité d’exécution. “Ça a été l’affaire de quelques semaines, se souvient Marie Amsellem. Le plus long, c’est de normer le catalogue produit. L’intégration technique se résume, elle, à passer par Google Tag Manager et avoir un responsable tracking sous la main.” “On propose généralement de commencer par un POC, avec une intégration client-side très légère qui va permettre au retailer d’être opérationnel en à peine 6 semaines, sans trop d’investissements IT”, confirme Aniss Boumrigua. Et de justifier son propos : “On sait que les DSI ont des roadmaps chargées et que les e-commerçants ont généralement beaucoup de difficultés à intégrer de nouveaux outils”, justifie Aniss Boumrigua.
C’est cette approche “lean” qui a permis à Veasybl de gagner la confiance de Retailium Media. Rien n’empêchera néanmoins Retailium, une fois le partenariat consolidé, de basculer sur une intégration server-side, comme l’a fait Leroy Merlin. “On encourage tous nos clients à faire de même, car c’est plus efficace d’un point de vue expérience utilisateur et chargement de la page”, précise Aniss Boumrigua.
Veasybl, qui réunit une dizaine collaborateurs, a l’avantage des “petits” : proximité et réactivité. “Les équipes m’ont dit que c’était le jour et la nuit par rapport à l’ancien prestataire, témoigne Marie Amsellem. “La réalité, c’est qu’on propose un peu tous le même produit, les mêmes fonctionnalités. Alors ce SAV c’est évidemment un de nos facteurs différenciants”, estime Aniss Boumrigua. Un SAV qui implique également de bâtir des fonctionnalités custom pour les clients qui le demandent, là où les plus grandes plateformes ont parfois le défaut de la rigidité : c’est-à-dire de la standardisation à tout va.
Reste une interrogation : comment assurer le développement de l’entreprise, sans pour autant rien sacrifier de ces atours de réactivité et flexibilité ? “C’est plus facile d’être aux petits oignons quand vous avez trois clients que quand vous en avez plusieurs centaines, comme c’est le cas de Criteo”, s’amuse un connaisseur du marché. Et pourtant il va sans doute falloir continuer à grandir ! Surtout si Veasybl veut rester compétitif face aux poids lourds que son Unlimitail (alliance Publicis - Carrefour), Criteo et, dans une moindre mesure, Kamino Retail (qui a tout de même déjà levé 1,25 million d’euros). Sans compter d’autres acteurs, tout aussi ambitieux, comme RetailSpot ou Trygr.
La concurrence s’est en effet grandement accrue depuis le lancement de la société fin 2020. Si l’entreprise a logiquement perdu quelques appels d’offres (Sephora, Marionnaud….), on peut s’interroger sur sa capacité à rester compétitive tout en restant indépendante et auto-financée. “C’est encore tôt pour la levée de fonds”, balaie Aniss Boumrigua. Lequel préfère plutôt se concentrer sur l’amélioration du produit. La plateforme finalise les contours de sa brique vidéo, qui devrait être accessible à ses clients d’ici la fin du mois d’octobre.
Un rapprochement avec Biggie, nouveau build-up de la com’, a néanmoins été envisagé courant 2022, selon nos informations. Sans que cela ne se fasse finalement. Aniss Boumrigua, qui ne veut pas commenter l’information, nous en dit néanmoins un peu plus sur ses ambitions. “Si demain, je devais me rapprocher avec un autre acteur, ce serait éventuellement pour améliorer mes chances de travailler avec un géant de la distribution alimentaire.”
Sans doute le sens des discussions avec Biggie, puisque son trading desk, Gamned, avait l'exclusivité de la commercialisation de la donnée de Valiuz (alliance data des enseignes Mulliez) jusqu’à début 2023. Valiuz qui a, entretemps, repris la main sur le sujet, créé une régie intégrée, Valiuz Adz et qui a lancé une consultation… à laquelle Veasybl a, selon nos informations, participé. Ici encore, pas de commentaire d’Aniss Boumrigua. Une autre échéance importante pour l’entreprise sera sans doute le nouvel appel d’offres lancé par son principal client Leroy Merlin, qui devrait vraisemblablement intervenir en 2024.
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