Alban Schleuniger (Infinity Advertising) : “Nous pouvons accueillir d'autres retailers de l’alimentaire dans notre alliance publicitaire”
Nicolas JaimesMinted. Quel bilan tirez-vous de cette première année d’activité pour Infinity Advertising ?
Alban Schleuniger. Le bilan business est plus que positif puisque nous avons travaillé avec l’intégralité du top 100 des FMCG présents en France en 2022 et que plus de 65% de ces annonceurs se sont déjà engagés à dépenser des budgets équivalents, voire supérieurs, en 2023. En 2022, notre revenu a dépassé celui que réalisaient les enseignes du groupe Casino et d'Intermarché, avec leurs précédents partenaires retail media en 2021.
“L’objectif, c’est d’atteindre une part du retail media qui est de 3% du chiffre d’affaires e-commerce”
Pour rappel, l’activité d’Infinity Advertising s’inscrit en complément des accords négociés entre les centrales d’achats et les industriels. Nous ne récupérons aucun budget de trade marketing et sommes sur un revenu purement incrémental et nous voulons continuer à capitaliser là-dessus puisque nous visons les 45% de croissance cette année. L’objectif, c’est d’atteindre une part du retail media qui est de 3% du chiffre d’affaires e-commerce.
Pourquoi 3% spécifiquement ?
Pourquoi est-ce qu’un annonceur qui vient nous voir nous demande un ROAS minimum de 4 ? Et pourquoi une agence média nous demande un CPC inférieur à 50 centimes d’euros sur le search sponsorisé ? Parce que nous sommes dans un marché où ce pionnier ultra-leader qu’est Amazon donne la marche à suivre. C’est un peu pareil pour le ratio retail media sur e-commerce, qui avoisine les 7% chez Amazon et qui donne le ton.
Quand on s’était parlé au lancement d’Infinity Advertising, vous aviez dit ne pas fermer la porte à d’autres retailers mais vouloir d’abord vous concentrer sur le fait de “bien faire ça à deux”. Depuis il y a eu le rapprochement entre Carrefour et Citrus Ad pour créer “une alliance de leaders”. Ca vous incite à revoir votre position ou pas ?
Si nous avons réussi le pari en année 1, je pense que cette alliance à deux n’est pas suffisante et qu’il faut continuer à faire des rapprochements dans l’alimentaire. Je n’ai, en revanche, aucun intérêt à me rapprocher d’un acteur du secteur du bricolage et du jardinage. Ce ne sont pas du tout les mêmes annonceurs ! Il me faudrait créer une nouvelle régie. C’est pour ça que j’ai du mal à comprendre l'intérêt du projet de Criteo et Citrus Ad pour les annonceurs. Quel serait l’intérêt, pour les marques, de réunir des retailers appartenant à des verticales différentes au sein d'une même offre ? Il n’y aucune synergie, aucun annonceur en commun.
Ce que les acheteurs veulent, ce sont des gains de productivité, dans la mise en place et le suivi de leurs campagnes médias. Un annonceur comme Danone ne voudra pas perdre son temps à faire 5 briefs différents pour autant de retailers. Pas plus qu’il ne voudra recevoir 5 bilans de campagne différents.
Carrefour est déjà pris. Il reste Auchan, E-Leclerc, Cora, Système U… Possible de voir l’un de ces quatre rejoindre un jour Infinity Advertising ?
C’est en tout cas mon souhait ! Aujourd’hui, si vous avez moins de 10% de part de marché, vous n’existez pas. Je pense que, dans notre secteur, seuls E.Leclerc et Carrefour ont la taille suffisante pour rester seuls. L’exemple Amazon le démontre : plus vous êtes gros dans l’e-commerce, plus votre part de marché retail media est élevée.
Votre activité est structurée autour de quatre produits : la promo personnalisée, l’activation on-site, l’extension d’audience et le promotion gaming. Quels sont, dans le lot, vos principaux leviers de croissance ?
Le meilleur accueil reçu, c’est indéniablement du côté du display on-site, avec une demande qui a été, d’entrée, très forte, mais un plafond de verre qui n’est pas très loin puisque la croissance de cette activité dépend de celle de nos sites e-commerce. Sites dont l’audience a stagné en 2022, après deux années d’euphorie, et dont la croissance sera, dans le meilleur des cas, à un chiffre en 2023.
“Du search sponsorisés sur nos quatre sites en 2023”
C’est la raison pour laquelle nous voulons accélérer sur le search sponsorisé en 2023. Cela va nous permettre de créer de nouveaux emplacements publicitaires, tout en proposant aux annonceurs un levier très orienté performance. Ce format est proposé depuis le lancement d’Infinity Advertising chez Monoprix mais il a fallu attendre il y a quelques semaines pour qu’il fasse son apparition chez Intermarché. Il nous faut encore le déployer chez Casino et Franprix pour être à même de le proposer de manière plateformisée.
Comment expliquer un tel délai alors que c’est, aujourd’hui, la vache à lait du retail media ?
Il y a deux raisons principales. D’abord, le fait que c’est technologiquement plus compliqué à faire qu’un affichage display puisqu’il faut faire appel à un algorithme capable de hiérarchiser les affichages, en intégrant en plus la notion d’enchères en temps réel. Nous avons eu quatre mois pour nous lancer, il a fallu prioriser.
D’autant que les acheteurs alimentaires, agences médias et industriels, sont beaucoup plus matures sur le display. On n’est pas, comme chez Amazon ou Cdiscount, qui réalisent plus des trois-quarts de leur chiffre d’affaires sur ce format puisque le secteur du high-tech en est très friand. Notre secteur a trois à quatre ans de retard sur celui du high-tech là dessus et c’est compréhensible puisqu’on n’a pas les mêmes capacités de bidding et de suivi des performances quand on vend des yaourts à 3 euros plutôt que des TV à 300 euros. Quels seront les niveaux de CPC ? On verra bien
Vous n’en avez pas encore vendu ?
Si quelques campagnes sur la première année mais elles étaient vendues au forfait, avec des marques qui achetaient en exclu certains mots-clés. Là, on bascule sur la logique d’enchères au temps réel.
L’autre levier de croissance, c’est la promotion personnalisée. Vous avez, après une bonne année 2022, encore de grosses ambitions là-dessus. Pourquoi ?
Parce que le contexte actuel d’inflation favorise ce type d’offres, qui plaît autant au consommateur à la recherche de bonnes affaires, qu’aux marques qui veulent faire du volume. Et puis il ne faut pas oublier que c’est l’une des dernières années du prospectus papier, un levier qui, quoi qu’on en pense, permettait aux marques de toucher facilement des millions de foyers. Les marques vont avoir besoin d’alternatives et la promotion personnalisée en digital est l’une d’entre elles. Raison pour laquelle nous espérons faire x3 là-dessus cette année.
Comment faire mieux ?
En travaillant main dans la main avec les marques pour les inciter à augmenter leurs montants de générosité. Et en faisant de même avec nos retailers, pour améliorer la visibilité de ces opérations. Elles sont, selon moi, trop souvent cachées. Nous pouvons faire beaucoup mieux.
Avec des pop-up sur site ? Du push ?
Par exemple. Nous envoyons désormais, tous les lundi, un email avec un ensemble de promotions adaptées aux comportements de chacun des encartés de Monoprix et Casino. Il faut continuer dans ce sens.
Récupérer les budgets du catalogue papier, c’est se rapprocher du trade marketing. Allez-vous travailler main dans la main avec les acheteurs du groupe Casino et d'Intermarché ?
Non, ce n’est pas le modèle d’Infinity Advertising que de travailler avec les acheteurs. Nous nous concentrons sur la relation, en direct, avec les marques. 2023 est une année de transition, la baisse du papier sera effective à partir du second semestre, voire la fin de l’année, alors que les négos entre acheteurs et industriels, qui ont lieu en ce moment, seront terminées.
Il y a aussi l’extension d’audience et ce partenariat avec TF1 Pub. D’autres pistes en cours ?
Oui parce que, comme je vous l’ai dit, nous ne sommes pas loin du plafond de verre pour la monétisation on-site. L’extension d’audience, ou l’offsite, est un levier adapté aux problématiques de la plupart des marques. Pour autant, il faut continuer à évangéliser sur ce produit. Ce sont aujourd’hui 30 groupes qui font 80% de mes revenus là-dessus. C’est plus compliqué avec les PME, les cycles de vente sont plus longs. Nous allons avoir besoin des agences médias, de multiplier les case studies et les partenariats avec les grosses régies qui, comme TF1 Pub, ont pignon sur rue. J’ai 8 commerciaux, TF1 Pub en a 10 fois plus…
D’autres partenaires à venir donc ?
Nous avons un accord d’exclusivité avec TF1 Pub sur la vidéo et pensons qu’il y a encore beaucoup à faire sur la TV segmentée avec eux. Pour les autres formats, notamment l’audio, je profite de cet échange pour jeter une bouteille à la mer. J’aimerais creuser la piste de l’audio car je pense qu’il y a des choses à faire. J’écoute, à titre personnel, énormément de podcasts et je suis franchement effaré par la qualité des annonces.
A quel niveau ?
Sur le ciblage. Je me retrouve souvent avec des pubs inintéressantes, voire des pubs adressées aux anglophones.
Et le développement du retail media sur la marketplace ?
L’offre de marketplace concerne surtout le non alimentaire or nos volumes sont surtout sur l’alimentaire. Ce n’est donc pas une priorité pour l’instant.
Quid de l’in-store ?
Infinity Advertising fait de l’e-retail media donc nous n’irons pas sur tout ce qui existe depuis des dizaines d’années, merchandising et PLV. Le seul levier qui pourrait nous intéresser, c’est le DOOH, parce qu’on voit que les magasins de nos enseignes commencent à s’équiper d’écrans. Mais c’est encore fait de manière disparate ! Je pense que ce sont à peine 30% des magasins qui sont dans ce cas de figure. Et puis certains, dont les franchisés, ont souvent déjà fait appel à un réseau partenaire. C’est impossible, dans ces conditions, de proposer un guichet unique pour nos 4 magasins, ce qui est la raison d’être d’Infinity Advertising.
Un dernier mot ?
Les annonceurs nous challengent de plus en plus sur notre capacité à optimiser les campagnes médias efficacement. Nous sommes dans un marché encore naissant, qui ne se développera que si les annonceurs y trouvent leur compte, comprennent où va l’argent. Raison pour laquelle nous avons doublé notre équipe customer success management en 2023. Parce que, si c’est bien de plateformiser la mise en ligne des campagnes, ill faut quand même garder de l’humain pour l’accompagnement post-campagne. Vous pouvez automatiser tous les reportings post campagne du monde, si vous n’aidez pas l’annonceur à les comprendre, il passera à autre chose.
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