Un NFT comme caution ? La folie des NFT backed loans
Nicolas JaimesOn peut faire de plus en plus de choses avec un NFT… On peut même le mettre en gage ! Preuve que si le Web3 a pour ambition de disrupter bien des modèles, il ne s’empêche pas, pour autant, de reprendre parfois quelques recettes de la “vieille” économie. Mettre en gage un objet de valeur, pour récupérer une somme d’argent que l’on s’engage à rembourser avec quelques intérêts (sous peine de ne pas récupérer ledit objet), est une pratique qui ne date pas d’hier. Qu’il s’agisse des monts de piété en France ou des “pawn shops” aux Etats-Unis.
A partir du moment où les NFT sont devenus de véritables actifs économiques, c’est tout naturellement que quelques entrepreneurs malins ont décidé de capitaliser sur cette pratique qui fait se rencontrer NFT et finance décentralisée, la Defi. Le leader du marché s’appelle NFTfi. La plateforme s’est lancée en juin 2020 et cumule depuis cette date plus de 5 000 prêts garantis par un NFT, pour un volume total de 85 millions de dollars. Ouverte au grand public fin janvier 2022, la plateforme Arcade revendique, elle, un total de 17 millions de dollars de prêts garantis par des NFT.
La plateforme, qui a levé 15 millions de dollars auprès de Pantera Capital, se charge de mettre en relation prêteurs et emprunteurs. Les prêts sont ensuite traités sur la blockchain d’Ethereum, via des smart contracts. Les NFT concernés sont conservés dans un compte séquestre décentralisé jusqu'à ce qu'ils soient débloqués à la fin de la période de prêt. Arcade comme NFTfi se rémunèrent via des frais sur les intérêts payés pour chaque prêt passant par leur plateforme. Comptez 2% pour Arcade, 5% pour NFTfi.
“Le marché n’est pas encore très mûr, prévient Ouriel Ohayon, fondateur du wallet crypto ZenGo. Les choses se sont accélérées il y a moins de 3 mois.” Le volume des prêts opérés via Arcade et NFTfi a augmenté de 171% entre le quatrième trimestre 2021 et le premier trimestre 2022, passant de 30,63 à 83,17 millions de dollars, selon les données de gideontay, utilisateur de Dune Analytics. NFTfi a ainsi cumulé 20 millions de dollars de prêts sur le seul mois de janvier 2022, soit la moitié de son volume d’affaires en 2021.
“Le marché des NFT n’étant pour l’instant pas très liquide, les sommes empruntées ne dépassent pas la moitié, quand ce n’est pas le tiers de la valeur du NFT”
Qui dit marché peu mature, dit conditions rarement avantageuses. D’abord en ce qui concerne les montants prêtés. “Le marché des NFT n’étant pour l’instant pas très liquide, ces montants ne dépassent pas la moitié, quand ce n’est pas le tiers de la valeur du NFT”, observe Ouriel Ohayan. On parle dans le jargon de LTV (loan to value). Idem pour les taux d’intérêts, qui varient selon la classe de NFT, mais restent dans tous les cas très élevés. Entre 10 et 25% pour des collections établies comme les Bored Apes ou les CryptoPunks, beaucoup plus et jusqu’à 50% pour des NFT moins connus. Vous l’aurez compris, il s’agit moins de regarder l’historique de l’emprunteur, comme le ferait une banque classique, que d’estimer le risque associé à l’actif qu’il met en gage, le NFT.
Au manque de liquidité du marché des NFT, s’ajoute une forte volatilité qui font du NFT un actif à risque. Cela s’explique notamment par le tropisme spéculatif de l’univers crypto. “On n’emprunte pas pour faire de la consommation courante dans cet univers mais pour faire des coups, rappelle Ouriel Ohayon. Les plateformes anticipent que l’emprunteur va multiplier ses gains grâce à elles, d’où des taux agressifs.”
Gabe Frank, le fondateur d’Arcade, en sait quelque chose. Il a, lui-même, profité de l’effet de levier permis par la mise en gage d’un NFT pour s’enrichir copieusement. Il a ainsi activé un emprunt pour mettre la main (temporairement) sur 5 Bored Apes contenus dans un vault. Ce faisant, il est devenu éligible au airdrop pratiqué par Yuga Labs, à l’occasion de la sortie de sa monnaie native le Ape Coin (chaque détenteur d’un Bored Ape recevait gratuitement des tokens). Montant du cadeau : 1,1 million de dollars.
Les cas de défaut de paiement restent très rares. L’un des plus connus avait été rapporté par le site The Block en octobre 2021. Un Américain avait mis en gage un NFT d’une valeur de 40 000 dollars pour emprunter l’équivalent de 12 000 dollars en ethers. Incapable de rembourser cette somme, il avait dû se résoudre à se séparer de son NFT… dont la valeur avait explosé entretemps, dépassant les 300 000 dollars.
Les cas d’usages sont aujourd’hui limités mais ils pourraient se développer à mesure que les NFT deviennent autre chose que de simples œuvres d’art ou profile picture (PFP NFT). Notamment du côté du crypto-gaming, où les NFT ont vocation à devenir de véritables assets au cœur de l’expérience (avatar, équipement, bout de terrain). “On peut très bien imaginer des jeux play-to-earn permettre à leurs utilisateurs de mettre des NFT en collatéral pour s’affranchir du ticket d’entrée”, suggère Ouriel Ohayon. Un moyen de débourser les 1 000 euros nécessaires à l’achat d’une sneaker Stepn ou les 10 000 dollars nécessaires à l’achat de trois des créatures d’Axie Infinity.
Mêmes possibilités du côté des lands, qui sont mis en ventes par les principaux metaverses du marché, The Sandbox et Decentraland en tête. Le marché n’en est qu’à ses débuts et Ouriel Ohayon s’attend aussi à ce que les plateformes spécialisées dans le crypto-lending, comme Nexo, Blogfi, Celsius ou Compound s’y mettent.
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