Mais que diable les marques vont-elles faire dans le métavers ?
Benoit ZantePour Stéphane Guerry, président et CEO de l’agence Havas Play, il faut être indulgent avec les marques qui se contentent d’effets d’annonce. “Le métavers n’existe pas encore ! Les marques ont beau avoir acheté des terrains dans The Sandbox, elles restent dépendantes de ses releases et celles-ci prennent du temps”, rappelle l'expert.
Le groupe Casino en sait quelque chose, lui qui a annoncé début avril un jeu play-to-earn qui doit permettre aux membres du Club Leader Price de gagner des promotions exclusives. Le jeu est prêt depuis plusieurs semaines mais le retailer attend toujours que The Sandbox ouvre ses portes.
Ces problèmes de calendrier ne doivent pour autant pas faire oublier qu’il est déjà possible de mener des opérations pertinentes dans les mondes virtuels, en particulier les univers issus des jeux vidéo, qui réunissent déjà des audiences massives. “Les utilisateurs n’y vont plus seulement pour jouer. Que ce soit dans Fornite ou GTA, il y a désormais des serveurs à part, dédiés aux interactions sociales", assure Stéphane Guerry.
S’adresser à une cible difficile à toucher sur les autres canaux…
Pour les entreprises qui ont commencé à investir le métavers, au-delà du “buzz” généré, l’un des enjeux premiers est d’entrer en contact avec une cible bien particulière, difficile à toucher sur d’autres canaux. Les répondants d’une étude menée récemment par Sortlist auprès de 200 entreprises expliquent en effet que le métavers permet de parler majoritairement aux hommes (64%), la génération Z (60%), ainsi que leurs aînés, les millennials (52%).
“Le métavers est intéressant pour les marques car il leur permet de développer leurs bases de clientèle, en s’adressant à des personnes qui ne viendraient pas spontanément vers elles ou qui n’auraient jamais passé les portes d’une de leurs boutiques,” confirme Stéphane Guerry, qui cite notamment l’exemple de Ralph Lauren dans Roblox avec l’expérience “The Winter Escape”. Pendant un mois, les participants pouvaient y faire du patin sur glace, rôtir des chamallows au coin du feu ou décorer un sapin de Noël… mais aussi découvrir des vêtements et accessoires Ralph Lauren et repartir avec leurs versions numériques.
… ou parler à ses fans de la première heure
Pour Sébastien Borget, le créateur de The Sandbox, l’intérêt premier des marques dans le métavers est aussi de créer des expériences pour les membres de leur communauté existante et leurs fans les plus fidèles. Dans l’idéal, en proposant des expériences qui ne sont pas possibles dans le monde réel et en récompensant les fans pour leur engagement en développant des logiques “play-to-earn”.
“Considérez le métavers non pas comme un espace où vous allez vendre plus, non pas comme un endroit propice au commerce, mais comme un espace où vous donnez réellement de la valeur à vos fans, à votre communauté, à vos utilisateurs fidèles. Faites-le en vous posant cette question très simple : qu'est-ce que mes fans attendent de moi ?” expliquait-il au festival SXSW, avant de citer en exemple Snoop Dogg, qui a créé une version numérique de son “manoir” californien dans The Sandbox.
Dans ce “Snoopverse”, les fans peuvent visiter les lieux créés par Snoop Dogg, participer à des “pools parties” privées, acheter des NFT de ses voitures de collection, assister à des concerts exclusifs ou encore jouer à différents jeux. De quoi nourrir leur lien avec l’artiste entre deux concerts ou sorties d’album.
Générer de nouveaux revenus
Évidemment, si les marques sautent à pieds joints dans le métavers, c’est avant tout parce qu’elles y entrevoient de nouvelles sources de revenus à court ou à long terme, que ce soit par de la vente de produits ou services à leurs fans ou auprès d’une nouvelle base de clientèle.
“Il y a un vrai business de la virtualisation de la vie. De plus en plus de gens sont prêts à dépenser beaucoup pour la réputation de leur avatar, pour bien l’habiller, etc. Contrairement au digital qui a détruit de la valeur dans beaucoup de catégories, le Web3, représente un vrai potentiel de création de valeur pour les marques,” estime ainsi Stéphane Guerry, non sans préciser “à condition de bien le faire.”
“À condition de bien le faire”... La communauté Web3 est en effet particulièrement critique envers les marques opportunistes qui débarquent dans cet écosystème avec une approche jugée trop mercantile, c’est-à-dire sans intégrer les codes et les usages du Web3. Un moyen de contourner les critiques est par exemple de s’associer avec des projets et des artistes respectés ou de déployer une vision long terme, avec une feuille de route claire.
Lorsque la démarche de la marque n’est pas perçue comme authentique, ses premiers pas dans le métavers risquent bien de s’avérer contre-productifs... Mais là encore, il s’agit d’être indulgent. “Pour l'instant, aucune marque ne coche toutes les cases. Sauf peut-être Adidas, qui arrive avec une approche très humble, en discutant avec les créateurs et en demandant à la communauté comment elle peut l’aider et contribuer,” poursuit Stéphane Guerry.
Construire une courbe d'apprentissage
Et si, finalement, à l’heure actuelle, l’intérêt principal du métavers pour les entreprises était plutôt dans la construction d’une courbe d’apprentissage, pour être prêt le moment venu ? Du Chief Metaverse Officer au développeur spécialisé blockchain en passant par les “virtual material designers”, le métaverse nécessite de nouvelles compétences et expertises qu’il peut être intéressant de cultiver dès aujourd’hui, afin de prendre une longueur d’avance.
Stéphane Guerry cite un exemple : “Comme le Web2 a besoin de Community Managers, le Web3 a besoin aujourd’hui de gens capables de gérer des serveurs Discord pour le compte des marques.” Autant dire qu’il s’agit aujourd’hui d’une compétence encore rare… tout comme les juristes et les directeurs financiers au fait des subtilités du monde des NFTs et des crypto-monnaies. Dans beaucoup de secteurs, la culture du Web3 gagne donc à se construire dès maintenant, même si son déploiement prendra des années.
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