Summer hits 22 : les actus marquantes de l'été selon Minted
Nicolas JaimesPub : Apple avance de moins en moins masqué
Pas de congés dans le conflit qui oppose Apple à l’écosystème publicitaire. La création de nouveaux emplacements publicitaires au sein de l’App Store a en effet apporté un peu de grain à moudre à ceux qui, l’Alliance Digitale en tête, accusent Apple d’avoir affaibli la concurrence avec la sortie d’IOS 14.5 pour satisfaire ses propres ambitions en la matière. Rien de bien révolutionnaire pourtant. On parle d’un nouvel emplacement au sein de la page d’accueil de l’App Store et d’un autre au sein de chaque page de présentation d’application avec des perspectives de ciblage très limitées (il ne sera, par exemple, pas possible pour Instagram de cibler celle de TikTok par exemple). Pas vraiment de quoi remédier aux lacunes désormais bien connues de l’offre pub d’Apple (essentiellement des formats “direct response” et un reach discutable) mais suffisant pour relancer les spéculations sur une société qui cache de moins en moins son intention de devenir un poids lourd du secteur.
Apple ambitionne de dépasser les 10 milliards de dollars de revenus pubs dès l’année prochaine et va lancer sa DSP
Apple, qui cumulerait près de 4 milliards de dollars de revenus pubs en 2022, ambitionne de dépasser les 10 milliards dès l’année prochaine selon Bloomberg. Le groupe cherche d’ailleurs un senior product manager, en charge de mettre sur pied une demand-side platform (DSP). Il n’est pour l’instant question que d’aider les annonceurs à afficher des publicités au sein des services Apple (News+, Music, Podcasts, Books et Card). La suite logique ? De la pub au sein de Plans, comme le fait Google avec Maps, et de TV+, son offre de vidéo. Il ne serait pas étonnant de voir Apple suivre les traces de Netflix et Disney+, en intégrant de la pub pour alléger la facture du client. Ce qui lui permettrait d’aller sur des formats plus upper funnel, qui répondent aux enjeux de notoriété des annonceurs.
Difficile, en revanche, d’imaginer Apple aller plus loin et essayer, par exemple, de ressusciter sa régie publicitaire iAD, 10 ans après une première incursion ratée, en permettant aux annonceurs d’utiliser ses données sur l’Open Web. Ce sera difficilement tenable au regard du discours tenu par la firme à la pomme, qui a fait de l’interdiction du tracking cross-site et de la protection de la vie privée de ses utilisateurs l’un de ses principaux arguments de vente.
De Disney à Warner Bros, en passant par Walmart, la vague AVOD
On vous en parlait à l’occasion de notre évènement Future of TV Ads, le secteur de l’AVOD (advertising video on demand ou vidéo financée par la publicité) s’apprête à exploser en même temps qu’il recevra deux renforts de poids : Netflix et Disney+. L’échéance est désormais connue pour ce dernier. Disney+ lancera son offre d’abonnement avec de la publicité en décembre prochain à un tarif de 7,99 dollars par mois (contre 10,99 dollars sans publicité). Un moyen pour Disney+, qui a annoncé avoir recruté 14,4 millions de nouveaux abonnés au dernier trimestre (pour un total de 152 millions d’abonnés), d’alléger la facture client dans un contexte de plus en plus concurrentiel, sans pour autant impacter sa capacité à investir dans du contenu (33 milliards de dépensés en 2022). Un moyen aussi de damer le pion à son grand rival, Netflix, dont les débuts dans l’AVOD sont attendus pour 2023.
Disney+ lancera son offre d’abonnement avec de la publicité en décembre prochain à un tarif de 7,99 dollars par mois (contre 10,99 dollars sans publicité)
L’arrivée du duo devrait créer un sérieux appel d’air pour le marché pub, autant pour les annonceurs qui auront accès à des inventaires considérables, que pour les adtech qui vont, elles, se battre pour commercialiser ces derniers. La première manche a été remportée par Xandr, récemment racheté par Microsoft, et qui a été choisi par Netflix dans le cadre d’un partenariat exclusif. Mais il y en aura d’autres puisque Disney+ n’a toujours pas officialisé ce point et qu’un autre poids lourd du secteur, Warner Bros - Discovery (Discovery a acheté WarnerMedia pour 43 milliards de dollars en avril dernier), a lui aussi annoncé cet été son intention de lancer un service de streaming gratuit et financé par la publicité. C’est le troisième studio, après NBCUniversal avec Peacock et ViacomCBS avec Pluto TV, à s’y mettre. Rappelons que Warner Bros - Discovery est déjà bien présent sur le terrain de la VOD, mais avec des offres payantes, via HBO Max et Discovery +.
Autre news liée à la publicité et à la vidéo. Selon le New York Times, Walmart discute avec Paramount, Disney et Comcast pour intégrer l’un de ces services de streaming aux avantages fournis par son programme relationnel (qui est vendu 98 dollars par an). Il s’agit, un peu comme les telcos à leur époque, d’ajouter des services additionnels à son offre principale pour la rendre plus attractive. C’est un peu le modèle porté par Amazon avec Prime (qui intègre Prime Video) dans le retail et c’est d’autant plus stratégique pour Walmart que son programme relationnel est devenu le fuel de sa stratégie retail media. Plus il a de clients inscrits, plus il sera capable de tracker leur comportement d’achat et de monétiser ces informations auprès des industriels dont il distribue les produits (pour des études, de la pub ciblée…). Il sera intéressant de voir si les grandes régies retail françaises, Carrefour Links, Infinity Advertising et Retailink en tête, suivront cet exemple.
NFT : Tiffany & Co. mise (avec succès) sur la communauté des Cryptopunks
C’est dans un marché des NFT qui a atteint son plus bas cet été, une prouesse qu’il convenait de signaler. Début août, Tiffany & Co a proposé aux 10 000 détendeurs de Cryptopunks (une des collections de NFT les plus valorisées au monde) de faire partie des 250 heureux élus qui recevraient un pendentif sur-mesure, réalisé par les artisans de la maison de joaillerie, aux contours de leur avatar NFT. Comptez tout de même 30 Ethereum, soit près de 50 000 euros à l’époque, pour en profiter, avec une livraison prévue pour début 2023. Un tarif et un délai qui n’ont manifestement pas refroidi la communauté puisque cette collection, baptisée “NFTTiff”, a été sold out.
Derrière cette initiative, on retrouve Alexandre Arnault, “fils de” et directeur exécutif produits et communication de la maison de joaillerie. Un dirigeant qui a su sortir de la logique “top-down” de ce milieu très hermétique qu’est le luxe, en partageant début avril la version pendentif de son propre Cryptopunk et en interrogeant la communauté sur son envie de faire de même. Un dirigeant qui a donc “mouillé le maillot” et qui est donc un exemple à suivre pour les dirigeants des autres marques, qui doivent prendre le temps de s’investir personnellement dans l’écosystème pour ne pas être taxés d’opportunistes.
C’est indispensable pour garantir le succès du projet : les détenteurs de Cryptopunks auraient pu refuser d’associer leur image à celle de Tiffany et faire du lancement de la collection un bide. Il n’en a rien été puisque, comme souvent dans ce secteur, les détenteurs de Cryptopunks y ont vu l’opportunité d’augmenter la valeur de leur NFT. Les volumes et prix de vente ont d’ailleurs décollé dans les jours qui ont suivi l’annonce de Tiffany.
La collection a permis à Tiffany de générer près de 12 millions de dollars de revenus via les ventes primaires et secondaires. Cela classe le joaillier dans le top 3 des opérations NFT de marque les plus juteuses. C’est bien sûr une paille pour un groupe qui a réalisé près de 9 milliards de dollars de ventes en 2021 mais l’enjeu était ailleurs. En l’occurrence, dépoussiérer l’image de marque d’un groupe racheté par LVMH début 2021 et qui s’adresse historiquement à des femmes CSP+, âgées entre 35 et 50 ans. Le lancement de cette collection lui a évidemment offert un beau coup de projecteur auprès des 10 000 détenteurs de Cryptopunks, pour la plupart des millennials aux moyens conséquents (un Cryptopunk se monnaie à partir de 200 000 dollars) mais pas que… Il lui a également permis de toucher les millions de lecteurs des médias qui se sont fait l’écho de cette opération.
En réunissant des internautes autour de passions ou de valeurs communes, les NFT vont, à terme, permettre aux marques de retrouver leurs “personas marketing”.
Alexandre Arnault aurait pu essayer d’évangéliser sa clientèle historique aux NFT, en proposant aux personnes qui achètent l’un de ses produits d’accéder à un NFT, comme le font la plupart des marques du Web2. Mais le dirigeant a pris le contrepied de cette approche, en s’efforçant de transformer une niche jusque-là hors d’accès (les millennials crypto friendly) en clients potentiels. On peut parler, dans ce cas de figure, de marketing par les NFT et c’est bien la preuve que, comme l’a rappelé Peter Huang, business operation executive chez Coinbase, “les NFT deviennent des identifiants de communauté.”
En réunissant des internautes autour de passions ou de valeurs communes, les NFT vont, à terme, permettre aux marques de retrouver leurs “personnas marketing”. Forcément précieux dans un monde digital où disparition des cookies tiers et volonté d’anonymat obligent, les internautes sont devenus de plus en plus difficiles à identifier qu’il s’agisse de leur âge, de leur genre ou de leurs centres d’intérêts. Et on peut imaginer à l’avenir que, tout comme Tiffany a proposé un produit exclusif aux Cryptopunks holders, Nike, Accor ou Calvin Klein feront de même auprès de certaines communautés de NFT pour travailleur leur perception de marque.
La levée de bouclier contre les projets d’Instagram de devenir un TikTok bis
Si vous êtes un utilisateur d’Instagram, vous avez sans doute vu fleurir, aux débuts de l’été, ce message lapidaire “Make Instagram Instagram again, stop trying to be like TikTok” relayé par des milliers d’utilisateurs, Kylie Jenner en tête. Une réponse aux changements apportés par les équipes d’Instagram à l’expérience utilisateur au cours des derniers mois, avec l’apparition dans le feed des utilisateurs, de photos et vidéos de profils qu’ils ne suivent pas (mais qui leur sont recommandés) et la présence de plus en plus visible d’Instagram Reels, ces vidéos qui s’affichent en plein écran.
Ces tests s’inscrivaient dans le cadre d’un projet nommé Panavision, qui aurait pu aboutir à la présence de Reels en homepage et à la disparition des onglets Shopping et Explore, nous a appris The Information. Il s’agissait, vous l’aurez compris, de rendre Instagram un peu plus comme TikTok en passant d’une logique de social graph, où l’on voit des contenus émis par ses connections, à une logique d’open graph, où un algorithme affiche les contenus les plus susceptibles de nous plaire, d’où qu’il viennent.
Copier les fonctionnalités de concurrents qui ont le vent en poupe est presque devenu un mode opératoire pour ce groupe qui, depuis l’invention du social graph, semble cruellement manquer d’innovation. Les plus anciens se rappellent que le format “Stories” aujourd’hui massivement utilisé sur Instagram vient de Snap. Ca n’a évidemment pas toujours été fait avec succès (cf la mort de deux applications stand alone, IGTV et Instagram Threads) mais c’est la première fois que le groupe se heurte aussi violemment au refus de ses utilisateurs. Et ce n’est pas vraiment une surprise. Alors que le déploiement du format “Stories” leur offrait une nouvelle manière de communiquer avec leurs amis, les récents changements transigent, eux, avec l’ADN d’Instagram puisqu’il s’agit d’ouvrir le feed des utilisateurs à tout le monde. La communauté l’a rappelé, elle veut juste continuer à “voir les jolies photos de ses amis”.
"Instagram n'est plus une application de partage de photos carrées"
Et cela met forcément Mark Zuckerberg dans une position inconfortable alors que son navire amiral, Facebook, a été ringardisé par TikTok et son milliard d’utilisateurs actifs, et qu’il est aujourd’hui déserté par les jeunes. Oui, Instagram reste l’une des plateformes sociales les plus populaires au monde mais ses dirigeants doivent prendre les devants pour lui éviter de connaître le même sort. Meta a vu ses revenus baisser d’une année sur l’autre pour la première fois de son existence cet été, son cours de bourse est en baisse de 50% depuis le début de l’année (ce n’est évidemment pas le seul dans ce cas de figure) et, tant qu’il n’a pas cracké le sujet de la monétisation de WhatsApp, que son metaverse reste un sujet d’happy few acheteurs d’Oculus Rift, Instagram reste sa meilleure bouée pour rester à flot. Adam Mosseri l’a rappelé en juin 2021, “Instagram n’est plus une application de partage de photos carrées”. On est en plein dans l’éthos de la Silicon Valley : “Pivot or die”. A condition de ne pas transiger avec l’ADN de la plateforme, comme l’a rappelé la communauté…
En bonus, deux signaux faibles préoccupants :
Y Combinator, dont on a (presque tous) lu le mémo adressé à ses alumni pour préparer les jours difficiles à venir, a réduit de 40% le nombre de membres de sa nouvelle promotion.
Le congrès américain veut que la FTC crée un bureau consacré à la vie privée des utilisateurs. Une loi fédérale américaine sur la vie privée (à date une dizaine d’Etats, dont la Californie, ont sorti leur équivalent du RGPD) n’a jamais été aussi proche et il est encore difficile d’en mesurer les conséquences.
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