Fin des cookies tiers : les revenus Prebid des éditeurs français chutent d’au moins 50% sur Chrome
Nicolas JaimesSi l'on sait désormais que Google n'est pas prêt à supprimer les cookies tiers de Chrome, une étude menée en exclusivité pour Minted par la plateforme d’ad management Pubstack nous apprend que les éditeurs français ne le sont guère aussi. L'étude s’est attachée à analyser, une semaine durant (du 20 au 27 février), l’impact de la disparition des cookies tiers de Chrome, qui est déjà effective pour 1% des utilisateurs du navigateur.
Les chiffres sont implacables : le revenu pour 1 000 enchères (RPM) des éditeurs chute de 55% en moyenne. Il convient de préciser que Pubstack s’est concentré sur les enchères gérées depuis Prebid. Ne sont donc pas concernés : les campagnes gérées via l’ad-server, notamment celles issues du gré à gré, et celles qui le sont via les outils de header bidding server-side, comme Open Bidding ou TAM d’Amazon.
La plateforme a, par ailleurs, pu analyser l’impact de la présence de la Privacy Sandbox, cette suite d’API pensée par Chrome, pour permettre aux éditeurs de concilier leurs besoins de ciblages publicitaires avec la protection de la vie privée des utilisateurs. Surprise, il est négatif sur les revenus dégagés via Prebid, puisque la chute des RPM est de 55% sans Privacy Sandbox et de 59% avec Privacy Sandbox.
“Le bid rate de Prebid, c’est-à-dire sa capacité à ramener au moins une offre par enchère à l’adserver, et le CPM moyen obtenu pour cette offre, ne sont pas impactés”, précise Lucas de Sola, data analyst chez Pubstack. Ce qui explique ce différentiel : c’est le taux d’impression de Prebid, c’est-à-dire le nombre de fois que ce dernier remporte l’enchère finale dans l’adserver. “Il baisse légèrement”, ajoute Lucas de Sola.
Qu’en déduire, à ce stade ? Pas grand-chose, assure le cofondateur de Pubstack, Loïc Sfiligoi. “L’échantillon et les écarts contestés sont trop faibles pour en tirer un quelconque enseignement. D’autant que l’on n’a pas accès aux données de l’adserver.” Et qu’un bug technique peut, aussi, expliquer la différence. “Privacy Sandbox ne proposant pas une option pour tracker les impressions publicitaires, nous n’avons pas la certitude de toutes les retrouver”, complète Lucas de Sola.
Ce qui ne fait pas de doute, en revanche, c’est que la disparition des cookies tiers sera préjudiciable aux éditeurs, si le marché ne corrige pas le tir. On s’en doutait franchement, vu la monétisation difficile des inventaires liés à Safari et Firefox, où les cookies tiers ont disparu depuis des années. On en a encore la preuve.
“Si Google appuyait sur le bouton, dès demain, la plupart des éditeurs perdraient 50% de leurs revenus liés à Prebid”, observe Loïc Sfiligoi. Ce n’est, pour autant, pas une surprise, à en croire le dirigeant. “C’est comme si on interdisait subitement les voitures thermiques, il n’y aurait plus grand monde sur les routes. C’est pareil pour les cookies tiers, c’est toute une industrie qui doit bouger.”
La vraie question, c’est donc de savoir combien de temps le secteur va avoir besoin pour se mettre en ordre de marche alors que la disparition des cookies tiers de Chrome est annoncée depuis… 2020. L'occasion de voir, aussi, si le délai supplémentaire octroyé par Google a un effet bénéfique, en donnant le temps à chacun de corriger le tir, ou négatif, en incitant la plupart à remettre le dossier cookieless en dessous de la pile de leurs priorités. “Nous allons suivre l’évolution de ces chiffres, précise Loïc Sfiligoi. Il sera intéressant de voir si d’ici trois mois, par exemple, l’érosion sera un peu enrayée.”
Elle devrait, en tout cas, l’être à mesure que les solutions d’ID partagés gagnent en popularité. Car, l’autre enseignement de l’étude menée par Pubstack, c’est que les RPM obtenus via Prebid, en l’absence de cookies tiers, sont 20% plus élevés lorsqu’il y a un ID.
“Cela varie évidemment selon les bidders, les ID et les devices… Mais il y a un vrai avant - après”, complète Loïc Sfiligoi. Et cela permet, à défaut de pouvoir mettre en place un AB test suffisamment étanche pour garantir un lien de causalité (plutôt qu’une simple corrélation), de donner des premiers gages aux éditeurs.
“La certitude qu’on a, à ce stade, c’est que les ID partagés ne peuvent fonctionner qu’en capitalisant sur un effet réseau. Les éditeurs doivent jouer le jeu, même s’ils ne sont pas encore capables d’en mesurer les bénéfices concrets”, analyse Loïc Sfiligoi. Ce sujet de la mesure d’incrément est d’ailleurs une des priorités de Pubstack pour les mois à venir.
Dernier point analysé, l’impact de la disparition des cookies tiers sur les stratégies d’enchères des différents SSP. “Parce qu’ils enchérissent moins souvent et à des niveaux de CPM moins élevés, leur BPM, c’est-à-dire les revenus qu’ils rapporteraient pour 1 000 impressions, chute à de rares exceptions près, de 70 à 85%”, observe Luca de Sola.
Ces exceptions, ce sont ces partenaires qui, soit font du ciblage de contexte plutôt que du ciblage d’audience, comme c’est le cas d’Invibes ou GumGum, soit ont déjà mis sur pied des solutions de ciblage cookieless, comme c’est le cas de Teads ou d’Ogury. Pour GumGum, Teads et Ogury, la chute du BPM n’est “que” de 10 à 25%. Le BPM est carrément en hausse, de 5%, chez Invibes.
“On voit que la fin du cookie tiers peut permettre de rebattre certaines cartes, observe Loïc Sfiligoi. Les positions de certains leaders risquent d’être challengées.” Ici encore, rien de définitif, selon le dirigeant. “Il sera essentiel de suivre tout cela au cours des prochains mois.”
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