Thomas Objois (Bcovery) : "Nous lançons un outil de détection de la provenance des audiences car cette dernière peut représenter jusqu’à 37% du poids total d’une campagne digitale"
Nicolas JaimesMinted. Vous annoncez le lancement officiel de Bcovery Audience Sources. De quoi s’agit-il concrètement ?
Thomas Objois. Bcovery Audience Sources est un outil unique que nous avons imaginé pour les éditeurs et les acheteurs de médias. Il se distingue par sa capacité à identifier, en temps réel, la provenance de chaque impression publicitaire – qu’elle vienne d’une source organique (comme le SEO, le trafic direct, ou le referral non-payé) ou d’une source payante (comme le SEA, les réseaux sociaux ou d’autres formes de publicité).
Pourquoi avez-vous voulu apporter cette information là au marché ?
Parce que l’origine de l’audience impacte autant la performance publicitaire que l’empreinte carbone des campagnes. Les impressions générées via des sources organiques (SEO, trafic direct) sont beaucoup moins énergivores que celles issues de canaux payants. Tout simplement parce que ces dernières ont nécessité des efforts techniques et financiers 100 à 1 000 fois plus importants en termes de poids carbone. La provenance de l’audience peut représenter jusqu’à 37% du poids total d’une campagne digitale, selon les calculs de notre partenaire de mesure, DK.
En privilégiant par exemple les sources organiques, Audience Sources aide les annonceurs à réduire cette empreinte. Surtout, il les aide à atteindre des audiences plus engagées et pertinentes. Les visiteurs organiques sont souvent plus avancés dans leur parcours de décision, ce qui augmente l’efficacité de la publicité diffusée. Par ailleurs, on est toujours moins enclin à engager à un contenu publicitaire lorsqu’on vient, quelques secondes auparavant, d’être exposé à un autre, comme c’est le cas dans le cadre d’une source de trafic payante.
Comment obtenez-vous cette information concrètement ? Via les bid requests ? Via les analytics des éditeurs ?
Nous nous intégrons directement aux sites des éditeurs via un script. Ce script analyse, en temps réel, la provenance de chaque impression et passe cette information dans les adunits et les bidrequests. De façon à ce qu’elle soit disponible dans les outils de trading. Cela nous permet d’obtenir une visualisation immédiate de ces données et nous permet d’affiner les stratégies d’achat média à la volée.
Les médias sont-ils enclins à partager cette information ? Quel discours tenez-vous pour les inciter à jouer le jeu ?
Les médias comprennent de plus en plus l’intérêt de partager cette information, car Audience Sources permettra aux acheteurs d’éviter de voir leurs campagnes diffusées au sein de sites MFA ou des sous-domaines, qui ont en commun de faire beaucoup d'acquisition d’audience.
Montrer patte blanche quant à l’origine de son trafic est donc un bon moyen de valoriser son inventaire et, in fine, attirer davantage de budgets médias. Nous espérons contribuer de cette façon à l’amélioration de la rémunération des sites qui ont un vrai travail éditorial.
Quels éditeurs ont déjà dit oui ?
Le déploiement d’Audience Sources est progressif. L’outil est déployé en beta sur une poignée de sites. On peut citer : Orange, E-santé, PagesJaunes/Ooreka, Motorsport…L’objectif, c’est bien évidemment d’en faire profiter un maximum à terme.
Le fait d’avoir intégré Audience Sources au script de notre outil de recyclage des impressions publicitaires, qui est déjà déployé au sein d’une vingtaine de sites, devrait nous permettre d’aller vite…
Avez-vous parlé aux plus gros d’entre eux, comme Prisma et Reworld ?
Nous devons discuter prochainement avec Prisma. En ce qui concerne Reworld Media, un test est prévu prochainement.
J’ai échangé avec le directeur des activités digitales du groupe, Jérémy Parola, qui a accueilli la solution avec enthousiasme pour la raison que j’ai évoquée plus haut. Cela leur permettra de démontrer aux annonceurs la provenance de leur audience.
Une question importante quand même, est-ce que l’achat de trafic est si démocratisé que ça chez les médias généralistes ? Est-ce que vous ne vous attaquez pas à un épiphénomène ?
Détrompez-vous, l'achat de trafic est aujourd'hui très courant dans l'industrie des médias. Pour des bonnes raisons, lorsqu’il s’agit de pousser un article que l’on a envie de valoriser, dont on espère qu’il permettra de recruter de nouveaux lecteurs. Pour des raisons un peu plus discutables, lorsqu’un site média a une pression pour délivrer certaines campagnes et doit absolument atteindre des quotas d’impressions qu’il ne peut pas atteindre de manière organique.
Comme vous l’aviez d’ailleurs rappelé dans votre article, ces achats peuvent représenter jusqu’à 90% de l’audience d’un domaine. Mais d’un point de vue plus réaliste, on note que la part de trafic acheté chez les éditeurs SMB tourne autour de 5 à 30% en moyenne. Ce qui reste néanmoins un gros facteur d’émissions carbone et qui, dans un contexte où la responsabilité sociale et environnementale prend de plus en plus d'importance, soulève des questions.
Il y a un réel besoin de transparence. Les éditeurs ont tout intérêt à valoriser leurs audiences organiques et moins énergivores pour se différencier et attirer les budgets publicitaires d'annonceurs sensibles aux enjeux RSE. Audience Sources aide à faire ce lien entre l’efficacité publicitaire et l’engagement environnemental, en encourageant une meilleure répartition des investissements entre sources d’audience payantes et organiques.
Où en êtes-vous concrètement du déploiement d’Audience Sources ? Avez-vous déjà mené des tests et, si oui, pour quels résultats ?
Nous avons effectivement mené des tests avec quatre éditeurs. Pour tous l’audience remonte correctement et nous pouvons prendre ces informations dans nos tradings quotidiens. Ces tests nous permettent de mesurer l'impact d’Audience Sources en conditions réelles et de confirmer l’efficacité de notre outil, notamment en termes de performance et de réduction d’empreinte.
Nous avons mené un premier AB test sur le site d’Orange, pour le compte d’Aldi. Nous avions d’un côté 1 million d’impressions display achetées après avoir activé Audiences Sources et de l’autre, 1 million achetées sans ce travail de filtrage. Le taux de clic augmente de 0,03 points, le taux de visibilité de 12 points et l’impact carbone est divisé par trois dans le premier cas. Tout bénéfice !
Quel est le modèle économique d’Audience Sources ?
Audience Sources est offert sans frais supplémentaires à notre réseau d'éditeurs partenaires. Notre objectif est que la transparence de l’audience devienne une norme, et que les 20% de budgets dépensés en moyenne chaque année sur des sites MFA reviennent dans le giron de vrais éditeurs tout en permettant aux annonceurs de diffuser des campagnes performantes et responsables.
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