Pourquoi certains annonceurs ont arrêté de faire du CRM onboarding sur Google Ads
Nicolas JaimesEt si les annonceurs qui onboardent leurs bases de données CRM dans Google Ads étaient, en fait, dans l'illégalité ? C'est la réflexion que se font certains d'entre eux dans le cadre de leurs études en marge du Consent Mode V2. On vous explique pourquoi.
“Certains de nos clients ont arrêté d’utiliser la fonctionnalité Customer Match de Google Ads depuis le 6 mars.” Le CEO de M13h, Mickael Avoledo, n’y va pas par quatre chemins lorsqu’on l’interroge sur les conséquences des nouvelles exigences que Google impose aux annonceurs, suite à l’entrée en vigueur du Digital Market Act (DMA).
Pour rappel, le DMA impose certaines contraintes aux plus grandes plateformes du Web, les fameux gatekeepers. Google en fait évidemment partie et a dans ce cadre renforcé ses exigences en matière de transmission du consentement.
C’est dans ce cadre-là que les éditeurs de site Web ont reçu pour instruction de déployer le “Consent Mode V2”, une fonctionnalité qui permet de passer de nouvelles informations de consentement à Google, via des tags. Et maintenir, ce faisant, la capacité des éditeurs de ces sites (les annonceurs) à pousser des audiences personnalisées dans Google Ads et Google Analytics. La plupart des annonceurs y sont passés.
Sauf que les exigences de Google ne s’arrêtent pas à ce cas d’usage. Le CRM est également concerné, sous peine d’être, lui aussi, bloqué par Google. Le CRM onboarding, c’est cette pratique qui consiste à importer plusieurs types de données externes au sein d’un outil Google. Par exemple, une base de données 1st party qu’un annonceur intègree au sein de Google Ads, via la fonctionnalité “Customer Match”.
“C’est, concrètement, mettre ses audiences CRM sous observation, pour permettre aux algorithmes de Google de bidder plus intelligemment”, illustre Mickael Avoledo. A la clé, un incrément de conversion non négligeable, de quelques pourcents, tout simplement parce que plus vous nourrissez l’algo en signaux pertinents, meilleur il est.
Ce peut aussi être un moyen de faire de l’exclusion de clients, pour que l’algorithme se concentre sur l’acquisition pure, ou du look-alike, pour qu’il analyse le comportement en ligne de votre base de données et en ressorte des jumeaux statistiques, qu’il s'attelle à cibler en priorité.
On retrouve dans ces bases que Google matche avec son ID graph toutes sortes de données : les clients encartés d’un retailer, les utilisateurs logués d’un e-commerçant ou la base mail d’un retailer qui fait du drive-to-store. Des données très précieuses - emails et numéros de téléphones - mais qui ont, comme l’observe Mickael Avoledo, “le plus souvent été récoltées à des fins de ciblage CRM.”
Les annonceurs qui les transvasent dans Google Ads ont, en réalité, rarement obtenu le consentement explicite de l’utilisateur à des fins de ciblage publicitaire sur Internet. Ce qui pose évidemment la question de la conformité de cette pratique au RGPD (qui, rappelons-le, impose un consentement explicite ET ciblé).
Sauf qu’ils étaient, jusqu’à il y a peu, très rares à se poser la question de la légalité de cette pratique historique. “L’essentiel du marché est aujourd’hui dans une zone grise, certains se basant sur le consentement email/téléphone, d’autres l’intérêt légitime ou l’acceptation des politiques de confidentialité”, explique Mickaël Avoledo. Sans que Google n’y trouve, jusqu’à il y a peu, grand-chose à redire. Certes, il avait mis en place une “EU consent policy”, suite à l’entrée en vigueur du RGPD. Mais cette dernière imposait simplement aux annonceurs de cocher une case pour assurer Google qu’ils avaient bien le droit d’uploader ladite base.
Les nouveaux champs explicites de consentement demandés récemment par Google changent la donne. “Ils sont, depuis cette obligation, nombreux à se demander s’ils ont vraiment obtenu un consentement valable”, note Mickaël Avoledo. Car ce n’est pas la même chose de cocher une case à la va-vite que de devoir le faire ligne Excel par ligne Excel ou implémenter de nouveaux champs API.
Raison pour laquelle plusieurs annonceurs ont déjà décidé de stopper net le recours à la fonctionnalité “Customer match”, le temps d’identifier leurs options.
Ces options, quelles sont-elles ? Pour les nouveaux clients, il s’agit d’a minima mieux expliquer les finalités de la donnée récoltée, voire d’ajouter des cases de consentement dédiées à la “publicité personnalisée”, comme ont commencé à le faire certains annonceurs dans le centre de préférences de l’utilisateur logué. Dans l’exemple ci-dessous, on voit qu’Adidas demande bien un opt-in spécifique.
On note qu’Adidas mentionne Google ET Facebook. Car si les nouvelles exigences de Google ont mis en lumière “Customer match”, “toutes les fonctionnalités qui permettent d'importer ses données CRM sur les différentes plateformes sont concernées”, assure Mickaël Avoledo.
Seul Google demande désormais des informations de consentement explicites avec le DMA, sous peine de coupure, mais le sujet est bien plus large que Google. Air France met ainsi davantage en avant le Custom Audience de Meta que le Customer Match dans son interface de création de compte.
En résumé, c'est, pour les nouveaux clients, “juste” une interface à modifier, de façon à récolter un consentement spécifique ou a minima mieux informer sur l’usage de la donnée. Pas bien compliqué en apparence, mais cela représente des chantiers autrement plus complexes que la très simple mise en place de Consent Mode V2. Cela devrait également avoir un impact sur la croissance des bases utilisables, vu que cela se fait via un opt-in.
Une fois ces évolutions mises en place, reste la question des clients et prospects existants. “Concernant les clients actifs (de moins de 3 ans par exemple), il peut être possible de se baser sur les règles en matière de prospection pour des produits ou services similaires, tout en fournissant une possibilité de s’opposer de manière simple à ces communications”, analyse Mickaël Avoledo. Même si l’idéal reste de recueillir un opt-in spécifique pour éviter tout débat, précise l’expert. Avec l’inconvénient suivant : vous repartirez de zéro, chose que peu d’annonceurs peuvent, en réalité, se permettre.
Concernant les prospects, pas d’autres choix malheureusement que de collecter un nouveau consentement s’il n’a pas été valablement recueilli initialement. De belles passes d’armes en perspective entre les équipes marketing et les départements légal ou DPO !
Les annonceurs qui voudront le faire “by the book” n’ont pas d’autre choix que de remettre à plat leurs bases de données et récolter un opt-in pour la finalité “publicité ciblée”. Un travail fastidieux qui rappelle celui qu’ont enclenché certains retailers en même temps qu’ils se sont lancés dans le retail media, pour pouvoir monétiser leur donnée encartée (alors que ce cas d’usage n’existait pas quand une bonne partie de leurs clients se sont inscrits au programme de fidélité). Un travail qu’ils seront, à n’en pas douter, nombreux à devoir enclencher s’ils veulent continuer à faire du “Customer Match”.
“Tout cela est très récent, reconnaît Mickaël Avoledo. La plupart des questionnements datent d’il y a quelques semaines ou quelques jours. Les outils de type preference center vont sans doute bénéficier de ces réflexions”.
Cela vient rappeler la nécessité, pour tout acteur qui fait du traitement de données personnelles, d’unifier le consentement de l’utilisateur autour d’un identifiant unique, avance Frank Ducret, VP stratégie produit de Didomi. “La séparation traditionnelle entre les consentements pour le suivi (trackers ou publicité) et ceux pour l'emailing ou le marketing est désormais obsolète. Il est, par ailleurs, impératif de garantir une traçabilité sans faille dans la collecte et la révocation du consentement.” Vous voilà prévenus…
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