Jed Dederick (The Trade Desk) : “Tout ce que nous faisons a un même objectif : rendre l’Open Internet aussi compétitif que les walled gardens”
Nicolas JaimesMinted. La veille de notre rencontre, vous vous êtes réunis avec certains clients français de The Trade Desk, patrons d’agences médias et annonceurs, pour leur partager votre vision pour les années à venir. Sans trahir aucun secret, comment cette vision se matérialise-t-elle ?
Jed Dederick. C’était important pour nous d’organiser un tel évènement. D’abord, pour acter l’emménagement dans nos nouveaux locaux mais aussi pour rappeler à quel point la France, dans laquelle nous investissons de manière agressive depuis plusieurs années, est importante pour nous.
La France est un marché très sophistiqué, à la pointe de l’innovation programmatique à bien des égards. Le sujet de l’identité est l’un de cela. Les partenariats que nous avons pu noués sur ce sujet, avec nos partenaires éditeurs et agences, sont les plus avancés en Europe. C’était donc l’un des thèmes clés.
De même que l’évolution du marché de la télévision vers le streaming, à des rythmes différents selon les pays, mais avec un dénominateur commun : la croissance de plateformes globales issues de la VOD, qui voient dans la publicité un nouveau relai de croissance et viennent forcément challenger les diffuseurs traditionnels sur le cœur de leur offre.
J’imagine que vous avez également parler des moyens dont dispose le buy-side pour pousser au développement de l’Open Web ?
Oui bien sûr car, vous faites bien de le rappeler, l’une de nos raisons d’être est la mise en avant d’un Internet ouvert et premium. Une mission qui passe par la nécessité d’améliorer la “supply chain” programmatique, comme l’ambition notre plateforme Kokai.
Car, comme vous le savez sans doute, lorsqu’il y a de nombreuses manières d’accéder à un inventaire mais que vous vous concentrez uniquement sur un des 80 chemins existants, il est probable que vous passiez sur l’occasion de faire des économies car il y avait sans doute une bid request avec plus de meta-données, des signaux d’identités plus riches et donc plus de valeur.
Cela donne, pour résumer, un triptyque autour de l’identité, de la CTV et du SPO. Si l’on se focalise sur le premier sujet, quelles sont les alternatives aux cookies tiers que vous trouvez les plus prometteuses ?
Je vous disais que la France était à la pointe. On le voit sur le sujet de l’identité et de l’adoption de notre identifiant partagé, EUID, qui est gratuit pour nos utilisateurs.
On le voit aussi de part la concurrence que vous font certains identifiants, comme ID5, First ID ou Utiq. Qu’est-ce qui vous différencie d’eux ?
Notre objectif n’est pas qu’une seule solution d’identification s’impose et que cette solution soit EUID. Les solutions d’identification doivent être omniprésentes pour être fonctionnelles. L'interopérabilité est, dans cette perspective, clé pour permettre à l’Internet ouvert d’être aussi compétitif que les walled gardens. C’est le sens du partenariat que nous avons noué avec ID5 en Europe.
La fin de cookies-tiers n’est pas une fatalité, loin de là. C’est aussi l’opportunité pour le marché pub de leur trouver une alternative encore plus efficace, puisqu’ils n’ont pas été pensés pour l’utilisation que nous en avons aujourd’hui et ont, à ce titre, pas mal de défauts.
Ils sont nombreux à ambitionner d’être intégrés à The Trade Desk. First ID et Utiq sont de ceux-là. C’est quoi le cahier des charges pour en être ?
Déjà, il faut rappeler que nous n’avons “que” 15 ans. Nous sommes une entreprise relativement jeune et même si la liste des partenaires interopérables est déjà longue, nous avons une feuille de route bien chargée. Le reach et le respect des normes en matière de vie privée sont évidemment deux facteurs clés.
Sur le retail media, vous êtes très actif aux Etats-Unis où vous êtes, entre autres, le DSP qui opère l’extension d’audience de Walmart. A quand des annonces de ce genre en France ?
The Trade Desk a déjà des partenariats data avec des leaders de l’e-commerce en France. Je ne peux malheureusement pas vous les citer mais je peux vous assurer que ça ne va faire que grossir puisque beaucoup de retailers suivent avec intérêt ce que fait Amazon sur le sujet. La bonne nouvelle, c’est qu’un acteur comme The Trade Desk leur offre un moyen sécurisé de partager leurs données au sein de l’Open Internet premium.
Cela fait plusieurs fois dans cette interview que vous mentionnez cette notion d’Internet premium. C’est, je dois dire, autant source d’espoirs que de craintes pour les éditeurs. Des éditeurs qui ont peur que certaines de vos initiatives, telles que le déploiement d’Open Path ou la publication du SP 500+, une liste de 500 éditeurs premiums, ne laissent une bonne partie du Web sur le bord de la route… Que pouvez-vous répondre à toute cette partie de la longue traîne qui est, à n’en pas douter, très méritante mais pas éligible pour autant à ces initiatives ?
Il faut vraiment garder à l’esprit que tout ce que nous faisons n’a qu’un objectif : rendre les acteurs de l’Open Internet aussi compétitifs que les walled gardens d’un point de vue publicitaire. Donner à ces acteurs qui produisent du contenu de très bonne qualité une infrastructure qui leur permette de répondre aux enjeux de reach, prix et liquidité de la data qu’ont les acheteurs médias. Pour aller à l’encontre de cette idée reçue que le programmatique de l’Open Internet est de moindre qualité et permettre aux éditeurs d’être rémunérés à la hauteur de leur contribution. C’est aussi notre rôle, s’assurer que l’argent va aux mieux disants.
Le but d’une liste comme le SP 500, ce n’est pas d’empêcher quiconque d’en faire partie. C’est plutôt de dire aux acheteurs “regardez comme l’Open Internet est incroyable”, capable de vous offrir des contextes de diffusion de très bonne qualité, brand safe, et évidemment très efficaces d’un point de vue publicitaire. Il n’y a évidemment pas de limite au nombre d’éditeurs susceptibles de rejoindre cette offre. De fait, plus ils seront nombreux, mieux ce sera.
Le but, c’est de faire gagner des parts de marché à l’Open Internet. C’est possible, dites-vous, en couplant le reach et la très bonne expérience utilisateur de votre plateforme. Mais est-ce suffisant quand on sait que le succès de Meta et Google s’explique aussi par leur capacité à négocier des accords globaux avec les annonceurs, de sorte que quand l’agence média locale de ces annonceurs doit faire son mediaplanning, la ventilation d’une bonne partie du budget est déjà actée…
Nous avons évidemment noué des relations avec certains annonceurs mondiaux dans cette perspective. Et je peux vous assurer que, lorsqu’ils voient ce qu’il est possible de faire au sein de l’Open Internet, ils sont très enthousiastes.
Nous n’en oublions pas, pour autant, que les agences médias restent le cœur de notre clientèle et nous ne manquons pas de rappeler aux annonceurs qu’ils ont vraiment besoin de s’appuyer sur leur expertise.
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