Info Minted : Bruno Latapie passe de 20 Minutes à Dailymotion et nous explique pourquoi
Nicolas JaimesRentrée animée du côté du marché français de la publicité digitale. Il y a ceux qui se lancent dans l’entrepreneuriat, comme David Folgueira avec first.id et Fabien Magalon avec xpln.ai. Et il y a celui qui se donne un nouveau challenge de taille, comme Bruno Latapie, en passant de 20 Minutes à Dailymotion. En charge de la monétisation du média gratuit durant près de 5 ans, Bruno Latapie, qui est également passé par Audience Square et Webedia, revient à ses premiers amours : l’univers 100% digital. Il devient ainsi directeur général adjoint en charge du business chez Dailymotion France. Il rejoint l’équipe de Bichoï Bastha, chief revenue et business officer de la plateforme.
“Je pense que j’étais arrivé au bout de l’histoire avec 20 Minutes, justifie Bruno Latapie. La mission a été passionnante puisqu’il s’agissait d’accompagner un éditeur de presse dans sa transformation numérique avec d’un côté, le print qui est en décroissance et, de l’autre, le digital qui explose, mais j’avais envie d’un nouveau challenge”, justifie celui qui aspirait à renouer avec un pure-player. “Et Dailymotion, dont le produit s’inscrit parfaitement dans l’avenir de la publicité, qui sera en grande partie vidéo et, surtout, instream, était une bonne occasion”, explique le transfuge. Charge à Bruno Latapie, qui sera à la tête d’une équipe de 20 personnes, d’aider cette figure du Web français à faire grossir ses revenus, en améliorant notamment sa relation avec les annonceurs en direct et ses revenus OPS, réalisés via le studio créatif NRoll.
Dailymotion a beaucoup changé depuis son mariage raté avec Yahoo. La société est passée entre plusieurs mains (Orange hier, Vivendi aujourd'hui) et a récemment entériné un nouveau cap en se positionnant comme une “plateforme de vidéo marketing”. En d’autres termes, une plateforme qui offre un écrin de qualité aux marques en leur proposant d’associer leurs publicités à des contenus réalisés par des professionnels du contenu, soit directement au sein du site de Dailymotion, soit via son réseau de sites partenaires. Les contenus UGC, qui étaient de toute façon de plus en plus rares sur Dailymotion, ne sont eux plus monétisés.
Les contenus UGC, qui étaient de toute façon de plus en plus rares sur Dailymotion, ne sont eux plus monétisés
Un écrin de taille (49 millions de visiteurs uniques pour la partie régie publicitaire, 18,7 millions pour le site en tant que tel en juillet 2022) mais qui ne grandit plus vraiment. Celle du site a, en revanche, connu une forte croissance, puisqu’elle était à 11 millions en juillet 2020. “Ce sont aujourd’hui 9 Français sur 10 qui regardent un player Dailymotion”, rappelle Bichoï Bastha. Dailymotion équipe en effet des groupes comme Webedia, Le Monde ou Prisma Media … et espère en recruter d’autres. “On n’est pas dans une course à tout prix aux 50 millions de visiteurs uniques mais je ne pense que l’on n’a pas encore atteint notre plafond”, promet Bichoï Bastha.
L’autre enjeu : c’est bien évidemment de faire grossir le business avec les publishers qui sont déjà équipés de son player vidéo. Pour rappel, Dailymotion leur propose, en plus de sa technologie de diffusion, de monétiser celles qu’ils n’ont pas réussi à vendre à leurs annonceurs. Le player étant gratuit, Dailymotion n’a d’intérêt dans l’affaire que si l’éditeur, qui n’a néanmoins aucun engagement là-dessus, lui apporte suffisamment de business. Difficile de connaître la part de voix de la plateforme vidéo, c’est-à-dire le pourcentage d’inventaire de ses clients qui est monétisé par ses soins. “Il varie selon les éditeurs et les périodes”, prévient Bichoï Bastha. Une certitude, il est plus important que le dynamisme du marché pourrait le laisser penser. “Beaucoup pensent que c’est facile de remplir son inventaire. La réalité est différente et nous apportons un véritable complément de revenus à nos clients, grâce à notre effet réseau et à notre data”, assure Bichoï Bastha.
“Beaucoup pensent que c’est facile de remplir son inventaire. La réalité est différente et nous apportons un véritable complément de revenus à nos clients, grâce à notre effet réseau et à notre data”
En 2021, les ventes programmatiques de publicité vidéo sur Dailymotion ont progressé de 43 % par rapport à 2020, pour représenter près de la moitié des ventes, selon le rapport annuel de Vivendi. L’intégration d’une solution de header bidding serait sans doute pour Dailymotion un accélérateur de business, en cassant la dynamique de cascade et en mettant en compétition, au même moment, les campagnes vendues par l’éditeur et celles vendues par la plateforme. Elle lui donnerait plus souvent l’occasion de démontrer sa capacité à ramener des CPM plus intéressants. Mais on n’en est pas encore là à en croire Bichoï Bastha. Parce que le wrapper le plus populaire du marché, prebid, bien que compatible avec le format vidéo, n’est pas encore assez mature. “Prebid est très orienté vidéo outstream. C’est beaucoup plus complexe d’opérer un appel publicitaire au niveau du player, comme c’est notre cas, qu’au niveau de la page, comme c’est le cas en outstream.” Dailymotion y travaille néanmoins.
L’autre sujet, c’est évidemment celui de la data. “La présence de notre player chez plusieurs centaines d’éditeurs nous donne accès de nombreuses données 1s party”, rappelle Bichoï Bastha. Forcément précieux alors que les cookies tiers se font de plus en plus rares (et qu’ils disparaîtront carrément en 2024). “A défaut d’alternative fiable, on se concentre pour l’instant sur le ciblage contextuel”, explique Bichoï Bastha. En l’occurrence, le découpage du catalogue en sujets (topics), via de l’analyse vidéo et images, qui permettent aux acheteurs de définir les segments qui collent à leurs attentes. “Une pratique qui ne date pas d’hier”, rappelle Bichoï Bastha.
Ce qui change, et qui anime aujourd’hui les équipes de Dailymotion, c’est la volonté de démontrer l’impact de ce ciblage contextuel sur l’attention de l’internaute qui y est exposé. “Nous avons développé une technologie de questionnaires que nous pouvons afficher en pré-roll aux internautes exposés à la campagne, à l’issue de celle-ci”, illustre Bichoï Bastha. Dailymotion a également développé un partenariat avec Lumen, spécialiste américain de l’eye-tracking. “On regarde là où se porte le regard de panélistes, lorsqu’ils utilisent notre player, et on adapte notre offre en conséquence.”
Dailymotion a également développé un partenariat avec Lumen, spécialiste américain de l’eye-tracking, pour mesurer l'attention de ses internautes
Toujours dans cette logique de doper l’attention de l’internaute, l’accent sera mis sur la création publicitaire. Plusieurs nouveaux formats devraient être dévoilés dans les semaines à venir avec un maître-mot : l’engagement. “Nous voulons créer des formats les plus engageants possible, partant du principe que, plus un internaute peut interagir avec une publicité, plus il y porte de l’attention”, commente Bichoï Bastha. Ce qui est évidemment positif pour des KPI 100% awareness comme la mémorisation ou la préférence de marque. La data est évidemment mise à contribution, pour comprendre comment les internautes interagissent avec chaque format. “Demain, on ne parlera d’ailleurs plus de format mais d’expérience publicitaire”, estime Bichoï Batha. Un changement de paradigme symbolisé par l’essor de l’advergaming (une publicité qui est en fait un mini jeux) dont les annonceurs du secteur auto ou high tech sont, à en croire Dailymotion, très friands.
Difficile, à l’heure de clôturer notre entretien, de ne pas évoquer le sujet du moment : l’arrivée de la publicité sur Netflix, annoncée pour début novembre. Plus qu’un nouveau concurrent de poids, Bichoï Batha voit dans Netflix une plateforme qui va l’aider à évangéliser le marché. “C’est forcément positif qu’un nouvel acteur premium comme nous arrive dans l’Hexagone.” Il y a bien sûr des inconnus. A commencer par le nombre d’utilisateurs qui se laisseront tenter par cette offre hybride. De ce nombre dépendra la capacité de Netflix ou non à offrir aux annonceurs un reach suffisant. “Beaucoup pensent que tout le monde a quitté la TV pour aller sur Netflix. Je pense qu’il y aura des surprises”, prévient Bichoï Bastha.
“Tout le monde n'a pas quitté la TV pour aller sur Netflix. Je pense qu’il y aura des surprises”
Le dirigeant prêche un peu pour sa paroisse puisque la régie de Dailymotion co-commercialise l’offre digitale de Canal Brand Solutions”. C’est-à-dire tout l’inventaire publicitaire de MyCanal (Web, OTT, boxes…), qui est commercialisé par la régie de la chaîne cryptée et celle de Dailymotion, mais aussi les vidéos Canal+ qui sont déportées au sein de… Youtube. “Les annonceurs ne raisonnent plus en termes de TV d’un côté, digital de l’autre. Ils réunissent tout ça au sein de la vidéo en ligne désormais”, estime Bruno Latapie. D’où l’importance de leur proposer, comme le fait Dailymotion, une offre complète, à 360 degrés.
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