- Webedia se lance dans le Web 3. Stéphane Arnoult, le patron de l'activité, nous explique pourquoi et comment.
- Il revient également sur la période très difficile que traverse le secteur, qu'il s'agisse de la désaffection du metaverse, des pertes de Meta ou de la chute de FTX.
Minted. Vous avez annoncé le lancement d’une nouvelle entité dédiée au Web 3, aux NFT et au métavers mi-octobre,. Le timing peut surprendre alors que la hype est considérablement retombée. Pourquoi y aller malgré tout ?
Stéphane Arnoult. Déjà parce que cette officialisation n’est que l’aboutissement d’une réflexion entamée fin 2021, à une époque où certains clients nous demandaient ce que nous proposions là-dessus. Et que, si nous avons pris le temps de trouver la bonne approche, nous n’en avons pas moins la conviction que le sujet du Web 3 et, avec lui, ce sous-jacent qu’est la propriété des contenus, s’inscrit dans le prolongement de deux de nos promesses aux utilisateurs : consulter du contenu et participer à sa production. Pour qu’un groupe média comme Webedia, qui s’articule autour de communautés et de verticales très fortes, c’est indispensable de continue à creuser le sujet, même si la hype est retombée.
D’autant que vous avez, en réalité, déjà initié des choses….
C’est vrai ! Notre plateforme JV Tech propose une rubrique dédiée aux sujets Web 3 depuis cet été. Les articles, qui doivent sensibiliser le grand public à ce sujet, comptabilisent déjà plus de 500 000 sessions. Participer à la vulgarisation de cet écosystème doit être, à mon avis, une des missions de Webedia. Nous avons également lancé une opération de gamification baptisée JV Fan Contest, qui nous permettra d’aborder le sujet des NFT de façon ludique, tout en redonnant de la valeur à l’engagement de notre communauté.
Un peu comme ce que propose Reddit ?
C’est effectivement une bonne inspiration. Nous allons faire gagner des points aux utilisateurs, en fonction de leur contribution aux forums, aux articles. Chaque action est scorée, du commentaire de news au like d’un autre commentaire. Autant de points qui alimentent un leaderboard qui reprend les codes du gaming, avec notamment 9 catégories. Chaque utilisateur se verra attribuer un badge, différent selon sa performance, à la fin du concours, le 30 novembre. Ceux qui le souhaitent pourront transformer ce badge en un NFT qui sera une déclinaison du logo de JV. C’est facultatif, notamment parce que le sujet est très clivant chez les gamers, une audience que l’on retrouve en nombre chez JV Tech.
Quels seront les avantages associés à ces NFT ?
Nous sommes encore en train de les formaliser. Nous réfléchissons à la mise en place de mécaniques “utilities based”, qui permettent de déclencher des récompenses lorsque l’utilisateur participe à X drops ou qu’il détient son NFT depuis X mois. Un loyalty program un peu dans l’esprit que celui que Starbucks en mis en place.
D’autres projets ? Avec des clients externes ?
Nous n’en sommes qu’aux débuts de l’histoire. Des discussions ont lieu avec des acteurs du secteur du divertissement et du cinéma mais nous n’avons pas de projet externe à proprement parler. Cela prend du temps.
Quel est le socle technologique choisi ?
Nous avons tout développé en interne pour rester vraiment indépendants. La V1 de notre module NFT devrait sortir d’ici la fin du mois. C’est un module que nous avons pensé pour qu’il soit facilement intégré à nos sites, ou ceux de nos clients. Nous avons gommé toutes les frictions habituelles, pour répondre aux attentes de nos clients les plus mainstream. Un utilisateur pourra participer à un airdrop avec son adresse Gmail et récupérer son NFT sans avoir besoin d’un wallet non custodial.
Chaque projet NFT aura un espace dédié, pour présenter les contours de sa démarche, le calendrier des drops annoncés, les récompenses associées. L’utilisateur pourra renseigner son email, pour être tenu au courant des actualités du projet.
Avez-vous déjà identifié des cas d’usage, notamment du côté du token gating ?
Nous y réfléchissons mais rien de concret à ce stade. C’est un modèle forcément intéressant que de conditionner l’accès à un contenu à la détention d’un NFT particulier mais il faut faire en sorte que cela ne nuise pas au modèle Webedia, qui est de monétiser des audiences conséquentes.
Ceci étant rappelé, pourquoi pas imaginer, dans le cadre d’une OPS, le lancement d’une collection de NFT qui permet d’accéder à du contenu exclusift… Dans tous les cas, il vaut mieux ne pas rester dans le “one shot” et imaginer des projets qui vivent bien dans la durée.
Les temps sont durs pour le secteur. On réalise qu’il y a peu de monde sur les métavers de Sandbox et Decentraland, que les investisseurs de Meta, l’un de ceux qui ont le plus participé à sa démocratisation, doutent aujourd’hui de sa stratégie et que le marché de la crypto est sous le choc de la chute de FTX. Qu’est-ce que ça vous inspire ?
Plusieurs choses. Qu’effectivement, comme vous l’avez dit en préambule, c’était hyper bien vu d’aller dans le métavers en janvier 2022 et que ça l’est beaucoup moins aujourd’hui. A tel point que l’un des fondateurs du Web, Tim Berners-Lee, nous dit de l’oublier.
L’autre problème, selon moi, c’est que le Web 3 est aujourd’hui beaucoup trop lié à l’état de santé du marché crypto. Quand ce dernier s’envolait, c’était l’euphorie. Maintenant que nous sommes en bear market, c’est beaucoup plus calme. Et c’est bien dommage car c’est très réducteur de limiter cet environnement aux seules considérations financières de la crypto. Parce que la technologie des NFT répond à de nombreuses problématiques, qu’elles soient industrielles, comme le sujet de la traçabilité et de la lutte contre la contrefaçon, ou économique, comme le sujet de la propriété du contenu UGC.
J’imagine que ça a un impact sur l’engouement des marques pour les sujets liés au Web 3…
L’enjeu d’acculturation - comprendre ce que c’est et ce que ça peut apporter à une entreprise - reste là. Mais c’est sûr qu’on passe d’une logique de “je fais une opération et je suis encensé quoi qu’il arrive” à une logique de “je fais une opération et je me demande quel sera mon KPI”.
“Les marques passent de “je fais une opération et je suis encensé quoi qu’il arrive” à “je fais une opération et je me demande quel sera mon KPI”.
Les marques sont beaucoup plus regardantes sur le retour sur investissement. C’est bien légitime et c’est même sain puisque ça remet du rationnel à un secteur qui en manquait cruellement. On voit d’ailleurs qu’il y a eu un certain écrémage dans les prestataires présents, depuis que le soufflé est retombé. C’est une bonne chose : on oublie un peu la bulle des NFT PFP. Et on se concentre enfin sur la technologie et ce qu’elle apporte en termes d’animation des communautés et d’engagement one-to-one.
J’ai lu que vous visiez entre 20 et 25 millions d'euros de chiffre d'affaires d'ici 2023 sur les nouvelles activités Web 3. C’est peu à l’échelle de Webedia mais pour ce secteur très bourgeonnant, cela me paraît énorme…
Disons que c’est une ambition, un cap pour mobiliser l’ensemble des troupes. Et puis c’est au niveau du groupe, pas qu’en France. Or il y a des pays, comme le Brésil ou le Mexique, qui sont beaucoup plus matures que nous sur ces sujets et pour lesquels nous pouvons nous appuyer sur des correspondants locaux.