- Nouvelle stratégie affichée de TF1 à s’engager dans la bataille du streaming, appétits des constructeurs de TV et des services par abonnement, chamboulement des stratégies de Telcos, jusqu’à l’évolution de nos télécommandes… tout converge vers la TV connectée.
- Nouvel eldorado ? Évolution profonde des usages de la TV de demain ? Faisons le point…
Vous l’avez peut-être remarqué : les télécommandes de nos télévisions évoluent. Un détail insignifiant pour vous, mais des boutons dédiés à Netflix, Amazon Prime ou autres Disney+ fleurissent sur nos « zapettes », aux côtés des chiffres des chaînes historiques.
L’enjeu derrière tout ça : Pour 84% des foyers ayant une télévision (soit plus de 92% de la population) elle est connectée, elle a donc la capacité de recevoir Internet sans passer par la box : par Wifi ou un simple câble réseau.
Et nous, Français, avons une habitude qui nous est propre comparée à nos voisins européens : plus de 75% de notre consommation TV, actuellement, passe par le portail de notre box. En proposant des boutons dédiés aux services de TV par abonnement sur nos télécommandes, les constructeurs de TV nous proposent donc des accès directs, puisque la télévision est connectée.
Loin d’être un détail, cela peut chambouler à terme la manière dont nous accédons à ces contenus et cela peut avoir différentes conséquences, notamment publicitaires…
Un risque important pour les opérateurs de box…
Le grand risque pour les opérateurs est d’avoir des abonnés qui ne souhaitent plus souscrire à une offre Box TV dans le cadre de leur abonnement, très généralement « triple play » en France (Internet/téléphonie fixe/Tv numérique donc par box), mais seulement à un accès Internet : une perte sèche potentielle sur les abonnements et des problèmes commerciaux à gérer…
Les opérateurs en sont bien conscients et se tournent actuellement vers les constructeurs TV pour nouer des partenariats. Peut-on penser qu’à terme les box vont disparaître ? Sûrement, elles seront directement intégrées dans les télévisions.
…mais aussi pour les chaînes historiques
Ce manque à gagner pour les opérateurs de box en termes d’audience, aurait un effet dominos pour les chaînes : les opérateurs versent une redevance aux éditeurs de service TV (chaînes historiques, mais aussi services par abonnement par exemple). Si la consommation diminue via les portails de ces derniers, les négociations de distribution ne seront alors plus sur les mêmes bases. Ce manque à gagner est relatif cependant pour les grandes chaînes historiques, même s’il n’y a pas de chiffres officiels sur ces contrats, le gain serait de quelques dizaines de millions d’euro pour un groupe comme TF1.
Le risque le plus important est surtout d’accélérer la consommation de ces alternatives à la TV historique, à son détriment. Au point que l’Arcom mène en ce moment même une étude pour garantir un minimum de visibilité aux chaînes d’intérêt public (France Télévisions mais aussi du privé)
Pour ne citer qu’eux : Netflix revendique près de 10M de foyers abonnés en France et développe encore son parc avec son offre avec publicité, lancée fin 2022. Disney + déclare avoir franchi les 2M d’abonnés il y a quelques mois.
Les grands changements sont à venir
L’évolution de nos télécommandes est l’arbre qui cache la forêt de l’appétit des constructeurs TV, enfin décidés à passer à l’offensive sur la monétisation de leurs audiences. Historiquement, les chaînes de TV ont négocié des droits de distribution exclusive avec les Telcos. Cependant, vu l’évolution des usages via Tv connectée, les chaînes souhaitent faire évoluer ces accords et leur permettre d’être directement distribués sur TV connectées.
A l’image de TF1 qui déclare être dans cette stratégie, les autres groupes suivront. L’objectif est clair : jouer un rôle majeur dans la bataille du streaming.
C’est le message fort envoyé par le nouveau président de TF1, Rodolphe Belmer, dépêché après la fusion ratée de TF1/M6 de trouver une stratégie pour adapter le groupe aux nouveaux usages de la TV : sa délinéarisation.
Ce qui aura pour conséquence d’un point de vue publicitaire :
D’élargir leur potentiel de couverture, notamment en partant à la conquête de téléspectateurs qui s’étaient déjà détournés de la box
De mieux maitriser leurs datas à des fins de ciblage publicitaire : le nerf de la guerre pour une TV adressée. Alors que les chaînes aujourd’hui sont totalement dépendantes des opérateurs telco, en TV segmentée et Replay sur TV
D’accélérer dans le déploiement d’offres complémentaires : nouer des partenariats avec des constructeurs TV peut faire émerger de nouveaux services et chaînes à l’avenir
Les orientations sont données, les volontés affichées. Il reste cependant à exécuter ce virage stratégique, et cela va prendre du temps.
2 éléments majeurs :
Les accords entre chaînes et opérateurs sont généralement sur 3 ans minimum, certains ont été renouvelés il y a peu de temps et les prochaines négociations seront âpres dans cette configuration…
Les constructeurs TV ne sont pas tous prêts industriellement à répondre actuellement aux besoins des chaînes en termes de monétisation publicitaire, mais se structurent rapidement…
Quoi qu’il en soit, si on observe l’évolution du marché publicitaire aux Etats-Unis, la publicité sur TV connectées représente 21,1 Milliards de $, soit près d’un tiers du marché de la TV linéaire, et fait jeu égal avec tout le marché de la vidéo… Un potentiel gigantesque !
On peut penser, que d’ici 3 ans, le marché de la TV et de la vidéo sera très différent de celui d’aujourd’hui, avec des capacités de ciblage encore plus étendues pour les annonceurs et sur une qualité d’exposition inégalée : l’écran de TV familial…