- Minted s'est entretenu avec Laurent Bliaut, directeur général adjoint de TF1 Pub, sur les ambitions de son groupe en matière de total video.
- L'occasion d'échanger sur les raisons de l'échec de la data shopper en TV linéaire non adressée, les atouts de TF1 pour gagner la bataille de l'attention et les leviers de croissance de la TV segmentée.
Laurent Bliaut est directeur général adjoint de TF1 Pub
Minted. Notre évènement “Future of TV Ads” a consacré une table-ronde au sujet du rôle de la data et de ses limites dans la publicité TV. Un vrai sujet ?
Laurent Bliaut. On pense, à tort, que la data est l’apanage du digital. C’est trop vite oublier que la télévision dispose de nombreuses data : elle est mesurée quotidiennement par Médiamétrie et les annonceurs peuvent y diffuser des campagnes sur plus de 80 cibles socio-démo. Il y a bien de la data en TV, c’est juste que son mode de diffusion broadcast ne lui permet pas d’adresser des cibles, à l’exclusion de toutes les autres.
Et puis, la TV linéaire se concentre sur des segments socio-démo, alors que le digital rayonne sur le ciblage comportemental…
Cela va faire maintenant plus de 10 ans que certaines régies TV ont lancé des cibles data (shoppers, intentionnistes, attitudinales…) avec la possibilité pour un annonceur de cibler, par exemple, les acheteurs de sa catégorie selon les données de Kantar Worldpanel. Mais ces cibles sont restées des indicateurs de contrôle.
Une raison à cela ?
C’est peut-être un sujet de “time-to-market”, avec une offre qui est arrivée trop tôt, à une époque où le ciblage data n’était pas dans les pratiques quotidiennes des marques. De sorte qu’on n’a pas réussi à faire de ces segments la monnaie de trading, même si certaines marques s’en servent pour monitorer les performances de leurs campagnes.
Les marques de la grande consommation, qui sont de gros acheteurs de TV linéaire, vendent des produits à forts volumes et forte rotation. Elles n’ont que peu d’intérêt pour le “micro-ciblage”
Mais cela s’explique surtout, à mon avis, par l’ADN de la TV, qui est d’offrir du reach instantané et de permettre une montée en couverture rapide. Les marques de la grande consommation, qui sont de gros acheteurs de TV linéaire, vendent des produits à forts volumes et forte rotation. Elles n’ont que peu d’intérêt pour le “micro-ciblage”. Bien sûr qu’elles ont des cibles privilégiées… Mais la réalité, c’est qu’on est quasiment tous acheteurs de lessive, gel douche ou yaourt… Et puis, il faut se rappeler pourquoi ces acteurs viennent en TV. C’est aussi pour travailler leur brand equity. Or une image de marque, ça se travaille autant en parlant à vos consommateurs, qu’à ceux qui ne vous achètent pas.
La stratégie du nouveau président de TF1, Rodolphe Belmer, mise sur l’accélération dans le streaming gratuit. Pourquoi ?
Parce qu’il est légitime pour TF1, leader de la TV linéaire en France, de se donner les moyens d’avoir la même position sur le digital. Nous sommes en train de transformer MYTF1 en véritable plateforme de streaming de destination. Aujourd’hui, on vient essentiellement sur MYTF1 dans une perspective de replay, notre ambition est d’en faire la première plateforme de streaming gratuit française à destination des familles. Deux arguments dont les plateformes américaines, qui sont sur un modèle payant et très affinitaire, ne peuvent pas se prévaloir.
En quoi est-ce un avantage de toucher un public familial ? Pour l’écoute conjointe ?
Bien sûr, car la plupart de nos programmes, qu’il s’agisse de divertissements comme Koh-Lanta ou The Voice, de rencontres sportives ou de JT, réunissent un public très varié. Ce qui distingue une chaîne comme TF1, c’est la largeur de son spectre, qui réunit tous les publics.
Quels sont vos objectifs d’audience sur MYTF1 ?
MYTF1 enregistre en moyenne 27 millions de streamers chaque mois. L’enjeu, c’est surtout d’améliorer le reach quotidien. L’objectif, à moyen terme, est que l’ensemble de nos assets “adressables” (TV segmentée, IPTV et tout device OTT) nous permettent de toucher au moins 50% des 25-49 ans de manière hebdomadaire. Un moyen de répondre aux attentes des annonceurs qui ont plus que jamais besoin d’un le reach massif.
Quel rôle la data aura-t-elle dans tout cela ?
Il sera central. Déjà parce que c’est ce qui nous permettra de faire de la déduplication entre différents environnements, grâce aux ID uniques. Mais aussi parce que la data sera également indispensable pour démontrer la performance de chaque levier. Il y a aussi un enjeu de valeur grâce à la data, avec une meilleure monétisation de ces inventaires.
D’où viennent les datas ?
De notre first party, pour commencer. Nous avons 23 millions de comptes actifs logués, avec encore un bon potentiel de croissance. Mais aussi de partenaires second party, comme les acteurs retail Infinity Advertising et Retailink by Fnac-Darty. Et puis de nos clients, vu que l’on commence à faire des POC d’onboarding de données annonceurs, tant sur MYTF1 qu’en TV segmentée.
Vous avez mentionné la TV segmentée. On estime que le dispositif devrait représenter près de 30 millions d’euros de revenus cette année. Est-ce le succès attendu ?
Pour que la TV segmentée continue de se développer, il va falloir du scale
Sans commenter les estimations que vous mentionnez, il faut rappeler que la TV segmentée est une formidable opportunité d’aller chercher des clients qui ne pouvaient pas diffuser en télévision, car le ticket d’entrée est trop élevé. 50% des revenus de ce dispositif proviennent de primo-accédants, la TV s’ouvre à de nouveaux annonceurs, la mission est donc réussie sur ce point. Après, pour que ça continue de se développer, il va falloir du scale. A date, la TV segmentée démontre de plus en plus son efficacité et touche environ 15 millions d’individus. Un potentiel amené à augmenter, notamment avec l’arrivée prochaine de Free et le développement du parc adressable.