- Minted a pu échanger avec le patron France de The Trade Desk, en marge de notre évènement "Future of TV Ads", concernant le développement de la data retail en CTV et le rôle que le DSP américain peut jouer dans cette pratique.
Françoix-Xavier Le Ray est GM France et Belgique de The Trade Desk
Minted. Aux Etats-Unis, Macy’s vient d‘annoncer qu’il permettrait à The Trade Desk d’exploiter sa data en extension d’audience sur l’Open Web. Un partenariat qui fait suite à ceux signés avec Walmart, Albertson’s et Walgreens. L’activation de la data retail semble être un vrai sujet pour vous ?
François-Xavier le Ray. C’est vrai que nous multiplions les partenariats aux Etats-Unis. Sur différents modèles d’ailleurs. Qu’il s’agisse de proposer notre technologie en marque blanche, comme on le fait avec Walmart, de bidder sur de l’inventaire on-site d’un retailer ou d’activer sa donnée en extension d’audience, comme pour Macy’s.
En France, c’est plus compliqué…
Nous avons beaucoup d’échanges mais rien de concret à date. Disons que les retailers français les plus matures ont pris le parti d’internaliser la gestion du volet extension d’audience pour l’opérer via leur propre trading desk. Il y a une certaine appréhension à mettre leur data disponible dans notre plateforme, notamment parce que proposer sa data en self-service, c’est sacrifier une partie de la marge que l’on génère via l’activité de managed services. Il y a bien évidemment aussi le fait qu’il est plus difficile de vendre de la data brute qu’en la couplant avec du média. Et il y a aussi, ce que je peux comprendre, une crainte de perte de contrôle.
Les choses changent un peu…
Oui, on voit qu’un acteur comme Carrefour s’ouvre peu à peu via des connecteurs Liveramp, par exemple. Et c’est une bonne chose car les gros annonceurs globaux, notamment côté FMCG, veulent avoir accès à cette data, depuis une même interface. C’est compliqué pour un annonceur de se dire qu’il va devoir passer par autant d’interfaces qu’il y a de retailers. C’est un enjeu de productivité.
Il faut dire que la donnée retail a tout pour s’imposer en extension d’audience. Notamment du côté de la CTV, où on voit des acteurs comme Retailink ou Infinity Advertising multiplier les partenariats avec des régies comme Teads ou TF1 PUB…
C’est vrai ! La donnée retail dans un environnement CTV, c’est vraiment la rencontre du meilleur des deux mondes. La précision et la granularité du premier, la qualité de l’écrin du second. La donnée retail peut permettre d’améliorer tous les types de campagnes CTV, qu’on soit dans une approche haut de funnel ou bas de funnel. Haut de funnel, parce que cela peut permettre à une marque CPG d’améliorer son taux de couverture sur les acheteurs de sa catégorie ou des acheteurs potentiels, en exploitant des segments “moments de vie”. Par exemple, un fabriquant automobile qui peut pousser sa nouvelle familiale à un nouvel acheteur de couches. Bas de funnel parce qu’une marque peut tout simplement recibler en CTV les acheteurs de son produit chez les principaux retailers.
Il y a quand même le sujet du prix...
C’est un sujet pour la plupart des datas vendues en self-service et c’est la raison pour laquelle, chez The Trade Desk, on fait en sorte que le coût de la data soit proportionnel à celui du média. C’est un pourcentage, de sorte que le CPM data varie en fonction du CPM media, même si nous avons ajouté un plafond pour que les annonceurs ne dépensent pas trop en donnée pour les impressions les plus coûteuses, en CTV, par exemple.
Il y a aussi le sujet du matching.
Ici encore, c’est un écueil auquel on essaie de remédier avec le projet d’ID publicitaire partagé que nous avons initié, qui s’appelle Unified ID 2.0 outre-Atlantique et EUID en Europe. Unilever est la première marque à avoir testé l’intégration de cet ID au sein de l’inventaire de Disney, notamment sur l’inventaire AVOD de Disney+.
La donnée retail pourrait-elle, à terme, jouer un rôle dans le développement de la TV segmentée, voire de l’optimisation des campagnes de TV linéaire ?
Peut-être mais il faudrait, pour cela, que la TV segmentée se mette vraiment au programmatique. Ce qui, pour le moment, est loin d’être le cas. On est encore loin d’un mode d’achat en essor sur ce canal.
C’est aussi parce que, tant que la data restera du côté des vendeurs, on restera plus sur de l’automatisation d’achat que de l’audience planning comme cela se fait sur l’Open Web. Et que 10 à 15% du fee DSP, juste pour automatiser, cela ne vaut pas le coup…
C’est sûr que les limitations sont, à date, trop importantes. Nous appelons d’ailleurs de nos vœux au développement du protocole Open RTB sur les environnements TV pour pouvoir y amener de l’intelligence. Mais nous sommes le dernier maillon de la chaîne et soumis au bon vouloir des telcos et broadcasters.
Or, on sent que ces deux acteurs veulent pouvoir garder la main sur le sujet. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un œil aux politiques tarifaires pratiquées. Les prix sont plus avantageux en gré à gré qu’en programmatique chez certaines régies.
L’inventaire des chaînes TV est contraint, là où celui de leurs plateformes Web est extensible quasiment à l’infini. On peut comprendre qu’elles veuillent garder la main pour mieux le monétiser.
Peut-être. Mais tant qu’elles le feront au GRP et qu’elles “crameront” donc inutilement énormément d’impressions (en TV, une régie ne facture que les spots diffusés auprès de la cible demandée par la marque, ndlr), elles y perdront au change. Alors qu’en basculant au CPM, voire au CPM qualifié, elles pourraient tout mieux monétiser.
Alors oui changer de modèle de commercialisation, c’est prendre un risque. Notamment celui de pouvoir être comparé à d’autres plateformes vidéos. Mais c’est déjà ce que font les agences avec des équivalences et c’est, de toute façon, le sens de l’histoire puisqu’on voit que TV et vidéo en ligne convergent. On le voit même chez les broadcasters qui veulent se plateformiser en allant vers les nouveaux modes de consommation, FAST ou AVOD. Regardez les déclarations du nouveau patron de TF1, Rodolphe Belmer.