Comment Addside veut réconcilier les agences médias avec l’achat de pub TV


  • Les fondateurs d'Addside expliquent comment ils veulent révolutionner une pratique, la gestion de la diffusion des campagnes pub TV, qui est devenue très chronophage en même temps que les régies TV ont complexifié leurs offres.
  • Il s'agit de permettre aux agences médias de regagner en productivité mais aussi de préparer la convergence entre TV et VOL. Autre sujet, à terme, l'intégration de nouveaux sets de data pour piloter les campagnes de TV linéaire. 

La plupart des acheteurs en agence sont unanimes : gérer la diffusion d’une campagne pub TV est devenu très compliqué. Si vous en doutez, je vous enjoins à visionner la table-ronde que l’Udecam avait consacré au sujet lors de ses dernières rencontres. L’occasion d’entendre à nouveau le cri du cœur d’Anne Thétier, responsable de l’activité trading de l’ensemble des agences médias d’Omnicom, qui rappelait qu’acheter une vague TV prenait entre 65 et 80h. 

Quand on opère une campagne, ce n’est pas tant l’acte d’achat en lui-même qui est chronophage, rappelait-elle, mais tout ce qui est autour : médiaplanning, négociation et planification des campagnes, voire ajustements de cette planification, lorsqu’ils sont nécessaires. “Les régies TV ont tellement complexifié leurs offres, en ajoutant des indices de toutes sortes à leurs GRP garantis, que chaque modification d’une campagne requiert un ou deux jours de temps homme”, expliquait-elle. 

C’est précisément ce à quoi veulent s’attaquer les fondateurs d’Addside, Pierre Watrin et Mathieu Floirat, un diplôme de Polytechnique en poche pour le premier, qui s’occupe de la partie technique, et 20 ans chez une solution d’achat média, Telmar, pour le second, qui s’occupe de la commercialisation. “Ces contraintes de productivité font que c’est devenu de moins en moins rentable pour une agence média d’acheter de la télévision”, résume Mathieu Floirat. Et d’ajouter que la bascule du monde de la TV linéaire vers le digital n’a pas été suivie par le leader du secteur, Popcorn Media, filiale du groupe Ipsos, qui est en place depuis une vingtaine d’années sans avoir vraiment modifié sa proposition de valeur. 

“C’est un euphémisme de dire que Popcorn n’a pas beaucoup évolué”, reconnaît un acheteur. Pas une surprise dès lors qu’il n’a pas beaucoup été challengé. Et, là encore, pas étonnant quand on connaît les spécificités du marché français (l’EDI est une norme que l’on ne retrouve pas ailleurs). Spécificités qui, couplées à la taille du marché adressable (Popcorn plafonne à 5 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel), n’en font pas une cible très attractive pour des géants du médiaplanning comme Mediaocean ou WideOrbit. Raison pour laquelle “Popcorn est quasiment hégémonique et les alternatives, jusque-là, inexistantes”, poursuit notre acheteur.

“C’est dommage car il  y a énormément à faire, estime Mathieu Floirat. Ne serait-ce que le fait de permettre aux acheteurs de piloter leurs campagnes TV linéaire et VOL (IPTV, catch-up, Youtube) depuis un même outil et de les réconcilier.” Et, pourquoi pas un jour leur permettre d’intégrer de la data tierce (intentionnistes, acheteurs…) à des plans médias TV. On n’en est pas encore là et Addside veut, avant toute chose, permettre au marché de l’achat de TV classique de récupérer sa marge, en gagnant en productivité. “C’est la porte d’entrée, le reste des fonctionnalités suivront”, expliquent Mathieu Floirat et Pierre Watrin. 

“On multiplie les ateliers de travail avec les agences pour qu’elles nous fassent leur retour, de façon à élaborer un outil qui s’adapte aux problématiques de chaque client”

Le duo, qui s’est lancé fin 2020, a aujourd’hui entre les mains “une première maquette opérationnelle”, qu’il désire confronter aux expertises métiers des agences médias. “On multiplie les ateliers de travail avec les agences pour qu’elles nous fassent leur retour, de façon à élaborer un outil qui s’adapte aux problématiques de chaque client”, précise Mathieu Floirat. Parmi elles, “deux agences du Big 5” et Values, l’agence média indépendante. “Addside finalise le développement d’outils que nous espérons pouvoir tester rapidement”, confirme le DG de Values, Emmanuel Crego. Dans le lot, quelques fonctionnalités natives, comme le suivi des engagements de GRP et des principaux financiers, “de façon à éviter d’avoir recours à des extracts, du retraitement et des matrices Excel, comme c’est le cas jusqu’à présent”, illustre Emmanuel Crego. Ou encore de la dataviz pour permettre aux acheteurs de Values d’identifier facilement les écrans qui sont en affinités avec leur cible socio-démo et disponibles à un instant T. 

“Les acheteurs passent leur vie à faire des exports d’un outil à un autre, à piocher dans des PDF des informations nécessaires à leurs calculs et à utiliser, in fine, des calculettes régies qui ont je ne sais combien de cellules. Ce n’est pas tenable”, poursuit Pierre Watrin. Si vous voulez savoir où en est votre campagne en digital, rien de plus simple, il vous suffit d’aller directement dans la console d’achat. Si vous voulez faire de même en TV, il vous faudra bidouiller. “Ce qu’on propose, c’est de tout réunir au sein d’une seule application qui, en un clic, vous permettra de savoir, par exemple, combien de budget vous avez déjà engagé”, illustre Marc Watrin. 

“Les acheteurs TV passent leur vie à faire des exports d’un outil à un autre, à piocher dans des PDF des informations nécessaires à leurs calculs et à utiliser, in fine, des calculettes régies qui ont je ne sais combien de cellules. Ce n’est pas tenable”

Une application qui a le mérite d’être simple d’utilisation, pour permettre au chargé média comme au patron du département TV de s’en servir. Une application qui est également proactive. “Les acheteurs peuvent, par exemple, être alertés automatiquement si la régie leur fait une proposition de spot qui n’est pas conforme aux conditions de diffusion négociées dans le cadre du GRP garanti”, ajoute Mathieu Floirat. A date, ils doivent, tous les matins, s’assurer manuellement que ce qui leur a été alloué est conforme (spoiler, ça ne l’est jamais). 

L’équipe technique d’Addside, qui se finance sur fonds propres, est constituée d’un CTO et de trois développeurs. Côté business model, on est sur une facturation via une licence annuelle, fonction du nombre d’utilisateurs et du volume de données traitées. “On reste flexibles là-dessus", précise Mathieu Floirat. Flexibles mais ambitieux. “Tant que les acheteurs n’auront pas un outil centralisé, adapté aux nouveaux environnements, le marché ne pourra pas évoluer”, estime Mathieu Floirat. C’est vrai et c’est aussi le constat fait par certains géants du digital, comme The Trade Desk et Xandr, dont les technologies d’achat programmatiques sont désormais compatibles avec les environnements de TV segmentée. “Je ne serai pas étonné que ces DSP se positionnent, à terme, sur l’achat de TV linéaire adressée ou non. Surtout si le secteur bascule au CPM d’ici début 2024, comme c’est annoncé”, prédit notre acheteur anonyme.” De la concurrence donc. 

La concurrence des DSP et le médiaplanning TV linéaire augmenté

Pour se différencier, Addside espère pouvoir vite avancer sur “ le sujet de l’optimisation des campagnes linéaires data-driven”, comme l’explique Pierre Watrin. “Agrémenter le mediaplanning TV linéaire à partir d’autres sets de datas, qu’il s’agisse de données issues des telcos ou de fabricants de smart TV, elle est là la vraie révolution”, confirme Emmanuel Crego. Et c’est surtout le seul moyen pour Addside de briser le plafond de verre d‘un marché qui se situe autour des 5 millions d’euros en l’état (soit le chiffre d’affaires annuel de Popcorn). “L’arrivée de la nouvelle mesure d’audience de Médiamétrie, couplée à l’ouverture de nouveaux jeux de données, peut venir révolutionner le marché”, conclut Mathieu Floirat.