- L'ensemble des régies TV viennent de publier leurs CGV pour l'année 2024. L'occasion pour Minted de faire le point sur les stratégies des uns et des autres et de récupérer le feedback des premiers concernés : les acheteurs médias.
Une année de transition pour le linéaire non adressé
Le premier constat, c’est qu’il n’y a pas de changement radical à l’occasion de ces CGV 24 qui, de l’avis de beaucoup, marquent une période de transition.
Parce qu’il va falloir encaisser une réforme majeure dans le système de calcul des audiences par Médiamétrie, qui à partir du 1er janvier prochain, prendra en compte les foyers non équipés d’une TV (ce qui implique de redresser les référentiels de 2023 à l’aune de cette nouvelle méthodologie pour pour pouvoir comparer).
Parce qu’il va falloir préparer le changement de devise, avec un passage du GRP au CPM, initialement prévu pour début 2024. Finalement reporté pour début 2025, à la demande de l’Udecam et de l’Union des marques qui voulaient faire ça bien.
Et parce qu’à l’ère du total video, il va falloir compter avec la nouvelle mesure cross media de Médiamatrie, qui comptabilisera l’audience de la TV tous écrans confondus, pour permettre aux broadcasters de mieux valoriser l’intégralité de leurs audiences.
“Pas l’année où il fallait faire de changement trop contraignant pour le quotidien des acheteurs.”
Ca fait beaucoup et ce n’était, de l’avis de Philippe Bigot, directeur du département vidéo (multiscreen) chez Havas Media, “pas l’année où il fallait faire de changement trop contraignant pour le quotidien des acheteurs.” Notamment sur le linéaire non adressé, où les chaînes mettent l’accent sur la simplification de leurs offres commerciales (on passe de 5 à 3 packs chez M6, par exemple) et de leurs boxes (La Box TF1, My6 et Adspace sont enrichis de nouvelles fonctionnalités destinées à faciliter la vie des acheteurs), sans que cela émeuve vraiment les concernés. “Chaque nouvelle CGV est l’occasion pour les régies de nous resservir ce choc de simplification sans que cela soit autre chose que de la cosmétique”, s’amuse Charlotte de Saint Phalle, directrice TV de Values.
Une innovation retient tout de même notre attention, celle de FranceTV Publicité, qui ouvre certains écrans linéaires associés aux JO 2024 en programmatique. “On vendra ces écrans en last minute aux enchères, avec des prix plancher, pour que toutes les marques puissent s’associer à cet évènement d’envergure”, explique Vincent Salini. Un bon moyen de faire participer un maximum d’annonceurs à la fête.
Cap sur l’hybridation et le total video
“Pour pouvoir rénover sereinement, il faut pouvoir partir d’une base stable, comme nous l’ont rappelé les agence médias”, justifie Sylvia Tassan-Toffola, DGA de TF1 Pub, lorsqu’on lui fait remarquer cette relative inertie. De fait, la régie a préféré misé sur la continuité en ce qui concerne le linéaire non-adressé.
“Nous voulons installer les produits lancés en 2023 et notamment notre produit MPI hybride dont le succès ne se dément pas”, précise Sylvia Tassan-Toffola. Ce sont près de 440 campagnes dont TF1 Pub a fait basculé une partie des GRP (jusqu’à 8%) vers son inventaire de vidéo en ligne (VOL). C’est un moyen pour TF1 Pub d’alléger un peu la demande sur un inventaire linéaire qui décroit avec la baisse de la DEI tout en valorisant un autre, le replay, qui augmente lui fortement.
Le premier écran de coupure de certains des programmes phares de M6 ser dupliqué du linéaire au replay IPTV
Le sens de l’histoire alors que la consommation de contenus télévisuels s’hybride et aussi le pari pris par M6 puisque la chaîne a annoncé que le premier écran de coupure de certains de ses programmes phares serait dupliqué du linéaire au replay IPTV. Pas une mince affaire à en croire Charlotte de Saint Phalle, “puisqu’il va falloir faire accepter à ces audiences une coupe de 5 minutes peu habituelle en IPTV.”
Philippe Bigot est, lui aussi, sceptique sur la faisabilité de la chose mais note que “plus il y aura de GRP mesuré ajouté au live, mieux les chaînes défendront la valeur de leur catalogue”. Pas un luxe alors que, comme le rappelle l’expert, pour beaucoup d’annonceurs, “le digital c’est Youtube.”
La convergence est, sans surprise, au coeur de toutes les CGV. Chez TF1 Pub, qui permet par exemple d’amplifier les campagnes de TV Segmentée avec les flux live de ses chaines sur les devices OTT. Ou chez FranceTV Pub, qui veut industrialiser son produit “Brut Pub”, pour permettre à ses clients d’aller chercher du complément de couverture au linéaire sur les réseaux sociaux. “On prend la copie publicitaire TV et on l’adapte aux codes des plateformes sociales pour maximiser le reach auprès des 18-35 ans”, explique Vincent Salini.
Même volonté de capitaliser sur les audiences sociales chez M6, qui lance une nouvelle offre de parrainage cross vidéo baptisée “all screens”, qui permet à une marque de sponsoriser un programme sur tous ses points de contact : TV linéaire, 6play mais aussi réseaux sociaux : Snap et X (ex Twitter). L’offre est pour l’instant circonscite à quelques programmes : “Qui veut être mon associé”, “Mariés au 1er regard” et les programmes de téléréalité de W9.
Des plateformes de replay qui deviennent des plateformes de streaming
Ne dites plus aux grandes chaînes que leur offre de vidéo en ligne tient du replay. Non, le mot d’ordre, désormais, c’est devenir un géant du streaming. Qu’il s’agisse de TF1, qui travaille sur la refonte de MyTF1 pour mieux coller au nouveau positionnement de la plateforme. Ou de M6, qui n’est pas en reste sur ce sujet puisque, comme le rappelle Maxime André, directeur marketing, communication et innovation de la régie, “le groupe continue à investir pour faire de 6play une plateforme de destination.”
Dans le désordre : des spin-offs de marques fortes comme Top Chef, des films en exclusivité ou la retransmission de certains spots, comme la NFL. Avec, chez TF1 comme chez M6, un même objectif : compenser l’érosion du linéaire par une hausse du digital. ”Nous voulons donner envie aux internautes d’aller consommer des programmes exclusivement sur 6play”, résume Maxime André.
A noter que les velléités des chaînes ne se concentrent pas uniquement sur la production de contenus puisque deux d’entre elles, TF1 et Canal Plus, ont mis en avant des partenariats structurants. TF1 Pub commercialisera en France les espaces publicitaires du service de streaming Samsung TV Plus. “Nous espérons d’autres partenariats de ce type”, prévient Sylvia Tassan-Toffola. Canal Plus rappelle, lui, qu’il a l’exclusivité de la commercialisation d’OQEE Ciné, la plateforme AVOD 100% Ciné série de Free.
La TV segmentée dopée au retail media et aux data clean rooms
C’est la grande innovation du secteur de la pub TV, ces dernières années, et, même si elle fête sa 3e bougie, il y a encore de la place pour de la nouveauté. On vous parle évidemment de la TV segmentée, qui occupe désormais une bonne place dans les CGV des chaînes TV. Citons l’ajout de nouveaux inventaires (écrans Peak sur TF1), de nouvelles chaînes (LCI, CNews…) et même d’un nouvel opérateur puisque Maxime André nous annonce que “M6 espère pouvoir activer la donnée de Free en TV segmentée d’ici la fin de l’année 2023.”
Alors que la plupart des chaînes proposent désormais aux annonceurs de cibler en TV segmenté des non exposés au linéaire non adressé (les fameux points de couverture utile), il est temps d’aller voir ailleurs (du côté des retailers) pour enrichir la TV segmentée. Toutes les chaînes y vont donc de leur partenariat sur le retail media puisque FranceTV Pub et M6 mettent en avant leur deal avec Unlimitail quand Canal Plus se félicite de l’accord avec Valiuz et que TF1 Pub est déjà, lui, maqué avec Infinity Advertising et Retailink.
Un nouveau souffle qu’il conviendra peut-être de canaliser - pourquoi pas via le SNPTV - pour apporter un peu de structure à tout ça. “Les acheteurs n’aspirent qu’à une chose : que la data soit liquide et désilotée”, rappelle Emmanuel Crego. En d’autres termes, de pouvoir activer la donnée Unlimitail sur tous les environnements TV. C’est le sens de l’histoire. Tout comme l’avènement des data clean rooms, pour permettre à un annonceur d’onboarder sa donnée first et cibler en TV segmentée ses clients (pour continuer à travailler sa préférence de marque) ou les exclure (pour faire de la pure awareness). TF1 comme M6 peuvent s’appuyer sur une licence avec Liveramp pour onboarder la donnée des annonceurs qui le désirent. Chez FranceTV Pub, il faut déjà être client Liveramp pour le faire puisque le groupe n’a pas signé la license.
Le deal entre TF1 et Google fait beaucoup parler
L’annonce la plus marquante, c’est sans conteste le deal passé entre TF1 Pub et Google, qui voit le groupe télévisuel ouvrir son inventaire de TV segmenté aux clients du DSP de l’Américain, DV 360. Une décision qui risque de “renforcer l’hégémonie du DSP”, remarque Philippe Bigot et qui interpelle carrément Emmanuel Crego. Lequel estime “qu’il n’y a pas besoin d’être branché à DV360 pour travailler avec l’essentiel du marché des agences médias” et qui craint que “l’offre de TF1 ne devienne le faire-valoir de Youtube.”
“Nous n’avons pas de problème avec la comparaison”, le rassure Sylvia Tassan-Toffola, qui estime que c’était indispensable pour accélérer sur tous ces annonceurs qui font des gros plans vidéos non adressés par les équipes multi-screens d’agence médias.” Et qui rappelle que le programmatique prend peu à peu ses marques en TV segmentée. “Nous sommes montés à 40% de campagnes en programmatique cet été”, chiffre Sylvia Tassan-Toffola.
Canal Plus, qui devrait être intégré à Xandr et The Trade Desk d’ici la fin de l’année, commence tout juste à tester ce mode de ventes mais la chaîne a d’autres arguments pour elle. Son parc d’abonnés exclusifs lui permet d’offrir aux annonceurs de diffuser des campagnes de TV segmentée avec de la donnée custom. “Un vai plus au regard du profil CSP+ des abonnés Canal”, observe Emmanuel Crego.
Et de l’inflation, (encore) de l’inflation
Ce n’est pas parce que le sujet est peu évoqué dans les CGV (il va falloir attendre le 17 octobre pour que les chaînes publient leurs conditions tarifaires) qu’il disparait complètement des discussions. On vous parle évidemment du prix de la TV et de cet éternel débat entre 1) des chaînes qui rappellent qu’elles sont parmi les moins chères d’Europe et 2) des acheteurs qui remarquent que chaque nouvelle règle est prétexte à faire passer de l’inflation.
“Entre 10 et 15% de hausse des indices saisonniers pour les périodes les plus encombrées.”
Les CGV 24 ne font pas exception puisque Phillipe Bigot que les indices saisonniers relatifs aux campagnes achetées en garanti sont tous à la hausse. “Entre 10 et 15% pour les périodes les plus encombrées.” Autant la faute à une actualité sportive dense (JO et Euro) qu’à la volonté des régies de reprendre de la valeur. “Les régies ne le claironnent pas à tout bout de champs, comme l’année dernière, mais la volonté perdure”, observe l’expert. L’inflation touche également certains indices format (entre 15 et 28 secondes), poursuit Philippe Bigot.
Il faudra suivre attentivement le choc occasionné par cette inflation et l’entrée en vigueur de la nouvelle méthodologie de Médiamétrie qui va, elle, aussi rebattre les cartes. “Que décidera un annonceur qui estimait qu’il avait besoin de 200 GRP pour émerger dans son secteur, s’interroge Emmanuel Crego, DG de Values. Va-t-il maintenir cet indicateur, quitte à payer 10% plus cher ? Ou va-t-il le faire retomber à 160 GRP selon la nouvelle méthode de calcul, en privilégiant le statu quo ?” On ne doute pas que les calculettes fournies par les régies pour mieux appréhender cette période de transition vont chauffer. Même si, dans un secteur où on regarde beaucoup ce que font les autres, ce sera peut-être à qui tirera le premier...
Une bonne nouvelle toutefois : les régies n’ont pas été jusqu’à faire du 20 secondes le nouvel indice de référence tarifaire. “Mais ce sera sans doute pour l’année prochaine”, prévient Philippe Bigot. Ici encore, c’est la convergence du total video qui servirait d’argument tout trouvé (le 30 secondes n’ayant pas cours sur Internet).
Les CGV des chaînes :
TF1 : Total Video 2024
France TV : Destination 2024
Canal Plus : La TV ne s’éteint pas, elle s’étend
M6 : TV.video
Altice Media Ads Connect : 2024