19 March 2025

Temps de lecture : 4 min

Tendance média: la revanche de la matière

Incarnation, expérientiel, directs... la matérialité revient en force, face à un monde de plus en plus numérique et synthétique.

Atomes et molécules - CyrilleFrank v/ @MidJourney

Nous occupons une bonne part de notre vie devant un écran, qu’il soit mobile, de télévision ou d’ordinateur.

En 2022, selon l’Arcep, un adulte français passait environ 4,6 heures par jour devant un écran, que ce soit pour des raisons professionnelles ou personnelles. Cela représente un peu moins d’un tiers (29%) du temps disponible, hors sommeil.

Au total, on passerait 15 ans de notre vie devant les écrans.

  • Smartphones : les Français y ont passé environ 3,6 h par jour en 2023. Un chiffre en légère baisse par rapport à 2022 (3,9 heures)
  • Télévision : La télévision demeure un des appareils les plus utilisés des Français, avec une moyenne estimée à 2,42 heures par jour.
  • L’ordinateur : Les Français (de 12 ans et plus) y consacrent en moyenne 2h52 par jour (slide 51) selon l’étude We Are Social/Meltwater 2023.

Si le total dépasse 4,6 heures par jour, c’est que la consultation de ces différents supports est en partie simultanée.

Au plan professionnel, le télétravail qui concerne un quart des salariés du tertiaire (26%), a généralisé l’usage des outils de visioconférence

En somme, nous vivons de plus en plus à distance et en différé. Ce, à l’instar des contenus délinéarisés que nous consultons sur les plateformes de streaming vidéos, musicales ou de rattrapage via les box.

  • En 2024, 15% des internautes français ont un abonnement au streaming musical payant ( soit dit en passant, c’est deux fois plus aux États-Unis).
  • Plus d’un tiers (36%) de la consommation vidéo des Français se fait sur une plateforme de rattrapage. Celles proposées par les chaînes de télévision sont de plus en plus visitées. Près de 8 Français sur 10 (79%) se sont rendus au moins une fois par mois sur une de ces plateformes, au cours de l’année 2024.

La force du synchrone: le succès des directs

Les succès d’audience des événements sportifs en direct ne se démentent pas : Coupe de Monde de rugby, Tournoi des six nations, mondial de football, etc. Les J.O. de l’été dernier ont été plébiscités et vécus comme un véritable bol d’air par les Français dans une période très anxiogène.

Il y a dans le succès d’audience de ces événements le goût pour le sport et le plaisir un peu cocardier de voir nos équipes réussir dans la compétition mondiale.

Mais on y trouve aussi le besoin de nous re-synchroniser aux autres. La fragmentation des usages consécutive à l’explosion de l’offre numérique, nous isole aussi.

La variété de l’offre de contenus, la personnalisation extrême de notre consommation culturelle ou d’informations via les algorithmes satisfait nos goûts. Ils favorisent aussi la socialisation auprès de notre tribu. Mais cette personnalisation nous isole aussi des autres groupes et tend à renforcer une forme de séparation, voire de séparatisme.

Ce n’est pas pour rien que de nombreuses plateformes sociales ont créé des outils de live ou de webinaires comme X, LinkedIn, Instagram ou même Substack.

Les contenus de moins en moins “vrais”

Le développement de l’IA accélère aussi la confusion entre le réel et le synthétique.

Les avatars virtuels se développent grâce à des technologies comme Heygen et certains médias étrangers, comme cette chaîne vénézuelienne, n’hésitent pas à y recourir.

Des milliers de sites sont déjà produits automatiquement par des IA génératives, sans intervention humaine. Et ce n’est qu’un début du tsunami de contenus qui nous envahissent peu à peu.

Le besoin de lien “de chair et de sang” 

C’est précisément un des éléments clés du succès des Youtubers, TikTokers, des podcasters et autres Twitchers… L’incarnation de l’information par Hugo Travers ou Gaspard G par exemple s’oppose au flux de dépêches AFP “bâtonnées” (plus ou moins retravaillées) depuis longtemps par nombre de sites d’informations.

On reçoit une information d’une vraie personne qui nous ressemble et nous parle simplement, sans nous toiser. 

Mieux encore, certains producteurs de contenus ont compris l’importance d’inclure leur communauté dans la conversation, de répondre aux commentaires, de mentionner les contributeurs et de créer ainsi un lien affectif avec leur audience.

Ce lien à un auteur ou autrice est aussi très moteur dans le succès des podcasteurs ainsi que des auteurs de newsletters éditoriales, comme la mienne. Il est plus facile de déléguer sa confiance à une personne qu’on a l’impression de connaître, plutôt qu’à une institution distante comme un média.

Le plaisir de l’expérience vécue

C’est l’un des ingrédients du succès de MédiaVivant ou Live Magazine

Tous deux mettent en scène des enquêtes journalistiques, sous forme de récits des journalistes et des témoins. Ils dévoilent les coulisses de la production de l’information, révèlent les doutes, peurs, joies des parties prenantes de l’histoire… Leurs émotions mettent en valeur une denrée précieuse devenue rare : l’authenticité.

La mise en scène : lumière, décor, musique… fait de ce moment un spectacle, une expérience unique, éphémère dont on ressort un peu comme dans un concert avec la fierté “d’en avoir été”.

MédiaVivant ajoute en plus l’interactivité, puisque le public peut aussi interroger en seconde partie les auteurs, les sources et témoins de l’enquête. Cette proximité physique et émotionnelle est un puissant levier pour retisser la confiance entre citoyens et médias.

Le site précise la raison d’être du média: “Il fallait trouver un moyen de recréer le lien, de casser les barrières économiques, culturelles, sociales qui séparent le citoyen de la presse. Le journaliste, ses sources, doivent être au plus près du public, tous réunis dans un élan de partage et l’envie d’apprendre. L’article se déroulera en direct, le journalisme deviendra vivant.”

Les médias et producteurs de contenus qui répondent à ce besoin d’authenticité et de rareté ont le vent en poupe, et se distinguent des contenus impersonnels et standardisés de l’IA générative.

En résumé

Face à un monde de plus en plus dématérialisé, distant, asynchrone et synthétique, nous sommes en quête de réel, d’authenticité et d’expériences collectives qui nous reconnectent à la société.  Les succès d’audience des compétitions sportives en direct ne se démentent pas. Les événements qui valorisent le partage d’expérience et l’émotion humaine se développent avec succès. Les producteurs de contenus “incarnés” tissent un lien fort avec leur audience. Autant de signes d’un retour au “physique”, gage de réalité face à des contenus de plus en plus douteux, en raison de l’IA et ses deep fakes.

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