13 January 2025

Temps de lecture : 4 min

“L’IA est un formidable moteur de valorisation de la data”

Mick Levy accompagne depuis plus de 20 ans les entreprises sur leurs stratégie et projets en data et IA. Échange autour de cette transformation majeure que vivent actuellement les organisations.

Comment qualifieriez-vous la transformation data opérée aujourd’hui par un grand nombre d’entreprises ?

Mick Levy: La transformation numérique et le Big Data ont rendu accessible de très grands volumes de données de nature hétérogène, ce qui a soulevé un grand nombre de questions en entreprise: comment valoriser ce patrimoine, quelles données réellement collecter, à quelles fins, où les stocker… Dans le même temps, le sujet de la data a commencé à être abordé non plus uniquement sous l’angle tech, mais comme soutien à toutes les métiers de l’entreprise: marketing, RH, service client… Certains secteurs tels que la banque, l’assurance ou le retail ont bénéficié rapidement de cette transformation. Et toutes les entreprises souhaitent aujourd’hui accélérer avec l’émergence rapide des IA. 

Avant même de parler d’IA, où en sont les entreprises de cette transformation data ?

Le niveau de maturité sur le sujet data varie encore énormément d’une entreprise à l’autre, même si beaucoup font preuve de bonne volonté ! Le souci est que l’intention “créer de la valeur avec les données” n’est pas forcément suivie d’effets directs. Principalement en raison de l’organisation et de  la culture de l’entreprise qui sont des freins aux efforts transformationnels à réaliser. Par exemple, encore trop souvent, les décisions sont prises selon la vision ou le ressenti du décideur, sans que cela soit éclairé par des données concrètes et opérationnelles. Et bien souvent, les décideurs n’en ont même pas conscience. La culture de la prise de décision doit donc changer et elle entraînera alors naturellement le besoin de transformation avec les données. Pour toutes les entreprises, il y a donc encore un fort enjeu à acculturer (au sens propre du terme, c’est à dire changer la culture de l’entreprise) sur l’utilité de la data et sur le fait que celle-ci constitue un véritable actif, au même titre que les moyens financiers ou de production par exemple.

Comment traiter la data comme un actif à part entière ?

Le patrimoine des données est rarement valorisable au bilan de l’entreprise mais il peut être considéré comme un actif économique. Comme pour tout actif, il faut mettre trois choses en place: une organisation, des processus et des outils. Il s’agit donc en premier lieu de créer une organisation dédiée, généralement sous la houlette d’un Chief Data & AI Officer. Le sujet doit être remonté au niveau stratégique et non rester cantonné à un objet technologique piloté par les équipes IT. Second point, il faut instaurer des processus et bonnes pratiques de collecte, de traitement et d’analyse de la data. Cela inclut, entre autres, les sujets de protection des données, de cartographie du patrimoine et de mise en qualité des données. Enfin, il faut s’outiller pour constituer le système d’information data de l’entreprise et le positionner comme une véritable colonne vertébrale capable de se nourrir et d’irriguer tous les processus opérationnels et décisionnels de l’organisation.

Ce sujet data concerne-t-il uniquement les grandes entreprises ?

Cette transformation data concerne clairement toutes les entreprises, de toute taille et tout secteur. Elles doivent toutes s’emparer du sujet, a minima pour des raisons de conformité réglementaire (au RGPD notamment) mais aussi pour créer de la valeur. 

Une motivation qui s’accélère avec l’intégration de l’intelligence artificielle, pourquoi ?

La data constitue le carburant de l’IA. Si vous injectez à l’IA des données de mauvaise qualité (non vérifiées, pas à jour …), la qualité de ce que vous délivrera l’IA sera, elle aussi, médiocre et non fiable. Il y a donc un enjeu important à s’assurer d’une bonne qualité des données sur lesquelles l’IA va fonctionner. De plus, pour créer de la valeur, les réponses des IA génératives doivent être personnalisées avec le contexte de l’entreprise. Il faut “apprendre” aux IA génératives les spécificités de l’entreprise (ses produits, ses processus, ses clients…) pour qu’elle puisse être véritablement utile. Et pour ça, on s’appuie sur les données spécifiques de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle les sujets data et IA sont inextricablement liés.  

Où en sont les entreprises dans l’adoption de l’IA ? 

Il y a de la curiosité et de l’envie partout ! Les gains potentiels d’efficacité et de performance sont attirants. De plus, les entreprises comprennent que cette technologie est majeure et pourrait transformer des marchés. Par contre, en termes d’adoption, la réalité montre des situations très hétérogènes et ce, pour plusieurs raisons: faute de l’organisation en interne, manque de compétences, arbitrages financiers. Beaucoup d’entreprises mettent ainsi des PoC en place mais sans réel passage à l’échelle. D’autres font des tentatives autour des outils axés sur la productivité des collaborateurs mais avec un retour sur investissement difficile à mesurer. 

Quel conseil donneriez-vous aux entreprises pour faciliter l’adoption de l’IA ? 

Le problème est rarement celui de l’adoption ! Dans une majorité d’entreprises, l’IA est introduite par les employés et non par l’organisation. Selon une étude de Deloitte (août 2023), 61% des personnes qui travaillent sur ordinateur utilisent des programmes d’IA Générative “grand public” dans leur quotidien professionnel – parfois même à l’insu de leurs supérieurs !  Cela pose des risques majeurs de fuite de données, de confidentialité ou de gouvernance. Il faut que l’entreprise s’en saisisse avant de subir ! Et pour cela, il faut identifier les usages, impliquer les collaborateurs et définir un plan de déploiement pragmatique. C’est ce qui va permettre de créer un cadre pour une valeur durable de l’IA.  

Quels seront, selon vous, les sujets prioritaires sur 2025, concernant l’IA ?

Il faut traiter la data et l’IA de façon stratégique, sur le long terme et non comme des tentatives ou projets “one shot” accumulés les uns après les autres. Il y aussi des efforts à faire, encore, sur l’acculturation, que ce soit sur comment bien utiliser l’IA ou sur le partage des premiers cas d’usage pour éveiller la curiosité et susciter de nouvelles idées en interne. Mais, si l’IA générative est au centre de toutes les attentions, les entreprises auront tout intérêt à s’intéresser également aux autres IA (prédictives …). Enfin, le sujet de l’empreinte environnementale sera assurément des plus importants. Chaque instruction prompt a une IA mobilise de l’énergie, la généralisation à grande échelle va très rapidement poser un sérieux challenge.

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