26 March 2025
Temps de lecture : 3 min
“Il y a quelques années, nous avons décidé de ne plus nous reposer uniquement sur les revenus publicitaires, qui étaient le modèle dominant pour beaucoup de pure-players digitaux”, raconte Swati Sharma, rédactrice en chef de Vox.
Ce média créé il y a 11 ans autour du concept de “journalisme explicatif”, combine donc désormais trois sources de revenus: la publicité, les subventions de fondations qui soutiennent le journalisme d’intérêt général, et un programme de membership lancé pendant la pandémie. “Nous avons constaté que les lecteurs voulaient soutenir notre mission et notre journalisme dans cette période déterminante. Et nous en avons fait le socle d’un véritable modèle d’adhésion”, explique-t-elle.
De son côté, The Guardian a lui aussi opté pour un modèle hybride, mais dans lequel les dons sont encore plus centraux. “Nos revenus sont répartis entre la publicité et les petits dons. Nous comptons désormais près d’un demi-million de supporters rien qu’aux États-Unis, dont 350.000 donateurs récurrents”, détaille Betsy Reed, son éditrice en chef. Avec une particularité: aux Etats-Unis, comme en Grande-Bretagne, The Guardian n’a pas de paywall. “Notre message est clair: en nous soutenant financièrement, vous permettez un accès gratuit à l’information pour tous.”
Avec cette diversification des revenus hors de la publicité, vient la nécessité de renforcer encore davantage la relation de confiance avec les lecteurs. Dans un contexte de défiance envers les médias et de “news fatigue”, les deux rédactions misent tout particulièrement sur la transparence et la pédagogie.
“Les gens veulent éviter les informations anxiogènes. Notre défi est de les accompagner, de rendre l’information plus accessible”, explique Swati Sharma. Avec cette approche, Vox a notamment lancé la newsletter “Good News” qui met en avant les informations positives et des solutions, “non pas pour édulcorer, mais pour montrer que tout n’est pas désespéré.”
Toujours pour lutter contre la “news fatigue”, le média a aussi lancé récemment “The Log Off”, une newsletter quotidienne qui résume en 200-300 mots les seules choses à retenir des actions de l’administration Trump. “L’idée est de vous dire quand il n’y a rien à suivre, mais aussi quand nous nous sommes trompés. Cette transparence renforce la confiance. […] Dire ‘je me suis trompé’ est extrêmement puissant pour construire la confiance.”
Ces newsletters sont aussi un moyen de nouer un lien direct avec le lectorat, dans un contexte où les plateformes d’IA représentent une menace de plus en plus forte pour le trafic des sites médias. “Le journalisme qui crée de la fidélité, le journalisme qui vous fait revenir: c’est la clé. Et je pense que c’est le meilleur moyen de combattre certains de ces changements,” estime Swati Sharma.
Au Guardian, “nous ne parlons pas aux lecteurs de manière condescendante, mais nous ne supposons pas non plus qu’ils connaissent tout d’un sujet particulier”, explique Betsy Reed. Concrètement, le média privilégie désormais des formats courts (600-700 mots) avec des points clés, plutôt que de longs articles de 5.000 mots. Une approche qui répond à un besoin réel: “nous avons constaté que les audiences réagissent très bien à ce type de contenu, notamment les récapitulatifs de type ‘ce que vous avez peut-être manqué cette semaine’ et ‘ce que vous devriez savoir’.”
Pour le Guardian, la construction de la confiance passe aussi par l’indépendance éditoriale et sa valorisation. “Notre propriétaire est un trust indépendant, nous ne dépendons pas d’un milliardaire qui pourrait influencer notre ligne éditoriale”, souligne Betsy Reed. Un sujet de plus en plus sensible aux Etats-Unis, où les incursions de Jeff Bezos dans la ligne éditoriale du Washington Post ont suscité de nombreuses réactions.
The Guardian US privilégie en outre un équilibre entre contenus incarnés et information factuelle, alors que ses données montrent que les articles d’opinion sont ceux qui génèrent le plus de dons. “Les gens ressentent un lien avec nos chroniqueurs”, observe Betsy Reed. “Ce qui les pousse souvent à donner, c’est quand ces chroniques évoquent le journalisme lui-même.”
Mais l’éditrice en chef du titre tient toutefois à nuancer ce point, en rappelant sa mission: “nos chroniqueurs créent un lien fort avec les lecteurs, mais nous devons aussi produire une information objective accessible au plus grand nombre”.
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