13 February 2025

Temps de lecture : 8 min

IA dans les médias: gare à la surinflation de contenus bas de gamme

Toutes les rédactions s’y mettent. L’IA générative est la coqueluche des médias qui voient là un outil précieux pour gagner en productivité. Attention toutefois à ne pas céder à la facilité en produisant plus, et non pas mieux.

Les outils d’IA générative permettent de gagner du temps sur pas mal de tâches de mise en forme éditoriale: titres, résumés, reformulations, structuration d’articles

Le résultat est assez magique sur des textes dont les informations sont déjà validées par un journaliste. Et effet “waouh” garanti quand il s’agit de modifier le ton ou le niveau de langage d’un contenu, comme l’adapter à un jeune public, par exemple.

Sans parler de la transcription d’interviews, la traduction, l’écriture des scripts ou le dérushage de vidéos qui prennent désormais quelques secondes ou minutes avec des outils automatiques, là où il fallait plusieurs heures à des humains.

L’IA générative automatise aussi des tâches à faible valeur ajoutée, comme la rédaction des fameuses méta-descriptions, les tags, les mots-clés destinés au référencement naturel. 

5 heures par semaine économisés

Tout cela permet un gain de productivité indéniable, difficile à calculer globalement, entre 10 et 90% selon la nature de la tâche réalisée. D’après cette large étude mondiale, 58% des utilisateurs d’IA générative considèrent qu’ils gagnent environ 5h par semaine grâce à ces outils, soit environ 14% (pour une semaine de 35h).

Quoi qu’il en soit, une large majorité d’utilisateurs d’IA générative estiment qu’ils gagnent du temps et de l’efficacité.

La tentation du productivisme

Le premier réflexe quand on gagne du temps, c’est de produire plus, voire beaucoup plus, quand on se repose sur la capacité rédactionnelle des LLM (large language models). 

On a vu se multiplier depuis deux ans de nouveaux rédacteurs LinkedIn, qui se sont mystérieusement découvert du temps, des expertises et un talent pour écrire des textes aussi longs que fréquents.

Dans un premier temps, le gain est évident : plus de contenus produits, c’est plus d’audience générée, plus d’occasions de se faire repérer et générer des leads potentiels. Avantage certain surtout à un moment où le trafic social et seo se fait plus rare: on met plus de charbon dans la locomotive pour garder une vitesse constante.

Le problème est que cette inflation des contenus se produit sur un marché déjà largement saturé. La grande majorité des contenus produits ne sont pas vus, pas lus, pas entendus, en grande partie parce qu’ils sont une réplication d’informations déjà vues.

L’INA et Julia Cagé dans le livre “L’Information à tout prix” constataient déjà en 2017 que 64% des contenus produits étaient du pur copier-coller.

L’autre raison tient tout simplement à notre disponibilité limitée. Certes, le smartphone a largement étendu cette dernière, mais les journées ne font quand même que 24 heures, face au déluge de contenus générés.

Avec l’IA, cette inflation prend une toute autre proportion encore, comme en témoignent ces milliers de sites générés automatiquement.

Trois exemples d’usage IA réussis

Les IA génératives peuvent aider les journalistes et producteurs dans l’édition de la titraille, mais la plupart du temps, ce sont des inspirations qui nécessitent une adaptation humaine. Notamment pour ne pas dériver de l’accroche au racolage.

Mais on peut surtout se servir de l’IA pour augmenter la qualité du service d’information proposé aux lecteurs, en voici trois exemples :

1. La RTBF a créé un agent d’IA pour analyser des milliers de catalogues de supermarchés depuis 2021. Il s’agissait de repérer les produits qui ont fait l’objet de “shrinkflation”, technique qui consiste à réduire la quantité de produits proposés, pour le même prix. Le robot a scanné les packaging de milliers de produits, et permis d’élaborer ce dossier.

2. Le Wall Street Journal en 2023, a utilisé pour sa part l’IA pour identifier les câbles en plomb qui restent aux États-Unis. Un journaliste a analysé les images Google StreetView autour des écoles du New Jersey, connues pour être câblées au plomb. Puis il les a soumises à un modèle d’apprentissage automatique. Celui-ci a permis de découvrir de nombreux autres câbles en plomb dans le pays. Les journalistes ont ensuite réalisé des tests et confirmé des niveaux de plomb élevés.

3. La BBC a créé en 2021 via l’IA un prototype permettant aux journalistes de générer automatiquement des histoires graphiques à partir de texte. Les journalistes saisissent un texte dans l’outil et obtiennent une première ébauche visuelle de celui-ci, qui peut être utilisée sur les plateformes de médias sociaux. Comment ça marche ? L’outil extrait des mots-clés des textes et fait correspondre ces mots-clés à une bibliothèque de visuels interne.

Les conditions pour cela fonctionne

Ce genre de projets nécessite de l’investissement, bien sûr. On a besoin de mobiliser un data-analyste, un développeur, un ou plusieurs journalistes… C’est un coût non négligeable : il faut donc bien choisir les sujets ou projets qui méritent ces efforts.

Mais il ne faut pas oublier que les enquêtes sont aussi des outils marketing très efficaces pour vendre des abonnements numériques. Le Monde, Médiapart ou Que Choisir en savent quelque chose

Cela nécessite une organisation adaptée en mode “projet” multimétiers qui fasse sauter les silos. Ce n’est pas un petit chantier dans les rédactions.

Enfin, surtout, cela implique une vision “produit” à long terme, orienté utilisateurs. Ce, au-delà de la quête d’audience et d’abonnés par le volume de production. Un combat perdu d’avance à l’ère de l’automatisation rédactionnelle. Et vous, qu’en pensez-vous ?

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