23 January 2025
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À peine plus de deux ans après l’arrivée de ChatGPT, le constat est désormais largement partagé par les dirigeants du secteur: l’IA générative est bel et bien une révolution majeure pour les médias. “On change d’ère: on arrive dans l’ère de la génération de masse, où chacun peut être son propre média. […] Et ça change tout”, résume ainsi Xavier Galezowski.
Celui-ci ajoute: “il y a encore un an, on pouvait rencontrer des gens qui n’étaient pas convaincus du fait que c’était une révolution”, désormais, “tout le monde s’en est rendu compte. C’est devenu un sujet Comex”. Pour autant, l’expert du cabinet Onepoint constate qu’il “rencontre beaucoup de directions de groupes de presse et de médias qui se demandent pourquoi l’IA n’est pas encore en production dans leurs outils”.
Dans les faits, la plupart des clients du cabinet en sont encore au stade de l’acculturation et de l’appropriation de l’IA, mais très peu ont passé le cap du passage à l’échelle.
Car les défis pour passer du stade du proof-of-concept à l’industrialisation sont encore très nombreux. À commencer par la question des risques inhérents aux technologies d’IA générative. En effet, “on rencontre une complexité qu’on n’avait jamais vue jusque-là: les outils [d’IA générative] sont des outils statistiques. […] Cela signifie que si je passe en production, il y a des risques que l’IA se trompe.” D’où son conseil : accepter ce risque, ou, mieux, faire en sorte “qu’il y ait systématiquement un humain en charge de relire et de revoir le contenu produit par ces IA.”
Sur le terrain, cette révolution se traduit d’ailleurs par “un changement de posture” pour les équipes. “On passe du faire au faire-faire. [Par exemple,] je passe du rôle de designer au rôle de directeur artistique. Je passe du rôle de rédacteur au rôle de directeur de la rédaction. C’est l’IA qui va faire pour moi, et mon rôle, ça va d’abord être de donner l’intention”. Une révolution culturelle qu’il va falloir accompagner, notamment par des formations et des dispositifs d’acculturation…
Mais ces dispositifs sont loin d’être suffisants: il convient aussi de bien “outiller” les équipes – avec les outils appropriés et sécurisés. Le tout, en donnant des marges d’expérimentation. Car, même s’il est de plus en plus important que les développements dans l’IA générative soient alignés avec la vision stratégique de l’entreprise, il est tout aussi crucial de continuer à tester. “Si on n’expérimente pas aujourd’hui les nouvelles capacités, on n’est pas capable d’imaginer les cas d’usage de demain”, rappelle l’expert.
On touche ici à un autre défi à relever: la prise en compte de l’”hyper-vélocité” de la technologie, puisque les modèles et les outils évoluent à un rythme extrêmement rapide. “Quand on réfléchit à notre production de contenu média, il faut réfléchir non pas sur les capacités actuelles de la technologie, mais sur les tendances et ce sur quoi on va être capable de travailler l’année prochaine”, conseille donc Xavier Galezowski, qui invite aussi les dirigeants à prioriser les cas d’usage “par la valeur”, mais sans pour autant avoir uniquement la valeur financière en tête.
Autre frein courant à l’industrialisation: l’absence de gouvernance des données au sein des organisations. “Comment maximiser la surface du savoir que je donne à ces IA, pour qu’elles m’apportent de l’information intéressante pour moi dans mes process ? Donc concrètement, comment on connecte la donnée d’entreprise à ces modèles ?” Mais pour y parvenir, il faut d’abord que l’entreprise ait bien structuré ses données, tout en ayant défini des règles d’accès et de confidentialité.
Cette démarche n’a encore été mise en place que par peu d’organisations, alors qu’elle est pourtant un pré-requis pour pouvoir repenser tous les process grâce à l’IA – et pas seulement déployer des cas d’usage liés à la production de contenus.
Sur ce sujet des process, l’expert recommande notamment d’“avoir des équipes à qui vous donnez carte blanche, en leur disant de s’extraire de leur quotidien et d’essayer de repenser complètement leur métier. Sinon, on va juste mettre de l’IA un peu à droite à gauche, alors que le vrai challenge dans l’industrialisation, c’est d’avoir quelque chose qui se tient de bout en bout.”
En outre, en raison de leur statut et de leur place dans la société, les médias doivent se poser la question de leur responsabilité et développer “une éthique du regard”. “Vous avez un travail très important, qui est de nous accompagner, d’être un peu notre phare dans cet océan d’informations pour nous montrer ce qui vaut la peine d’être lu, vu, écouté, entendu, vécu”, explique-t-il.
Concrètement, Xavier Galezowski recommande donc de mettre en place une charte éthique adaptée aux spécificités de chaque média, car “on peut utiliser l’IA différemment quand on est dans un média d’information et quand on est dans un média de divertissement.”
Enfin, bien que l’IA puisse produire des résultats impressionnants, l’expert met en garde contre l’effet “wahou” des démos. “Quand je ne sais pas exactement ce que je veux, j’ai toujours quelque chose de vraiment très impressionnant, mais dès que j’ai une idée précise de ce que je veux, c’est là où ça devient extrêmement complexe”, explique-t-il.
À ce sujet, il rappelle la loi de Pareto: “souvent les IA d’aujourd’hui sont capables de nous faire un très bon brouillon. Mais c’est un brouillon qui ne fait que 80% du travail, pas 100%. À nous, il reste les 20%. Mais ces 20% sont ceux qui prennent 80% du temps. Donc il ne faut pas s’étonner si les ROI qu’on a lorsqu’on essaye de mettre en production ne sont pas ceux auxquels on s’attendait à la base.” À bon entendeur…
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