iOS 18 : quelles conséquences pour l’email marketing ?


  • Chaque année, le même timing. En juin, Apple dévoile les contours de son nouvel OS et en septembre, à l’occasion de la sortie de ses nouveaux iPhone, il en profite pour le déployer auprès du grand public. Entre les deux, une période de beta, qui permet aux développeurs de mieux comprendre les spécificités du nouvel OS.
  • Cette année, c’est iOS 18 qui entre en piste. Un OS qui, comme l’explique à Minted, Yacine Boukli, directeur CRM chez Jellyfish, aura quelques conséquences sur le déploiement des campagnes d’email marketing.
 

L’arrivée de l’IA dans Apple Mail 

Les grandes plateformes sociales y sont passées, il n’est pas étonnant que nos boîtes email fassent de même. Sur Apple Mail, terminé l’affichage antéchronologique, qui voit les derniers emails reçus trôner en haut de votre boîte de réception. Place à la curation par une IA.

“L’IA s’intègre à l’application de messagerie pour comprendre quels sont les emails les plus importants et les placer en haut de la liste, avec un marquage prioritaire”, explique Yacine Boukli. 

A noter qu’on ne sait, pour l’instant, pas au bout de combien de temps l’affichage antéchronologique reprend ses droits. “Ce sera peut-être une des choses qui seront testées dans les semaines à venir”, suppose Yacine Boukli.

Le risque : le déploiement de cette fonctionnalité remet forcément en question les efforts que les marques déploient pour envoyer leurs emails commerciaux au bon moment. Typiquement, une marque qui segmente ses bases en fonction des horaires habituels d’ouverture de ses contacts. 

“Que vous ayez envoyé votre email le matin ou l’après-midi, c’est Apple qui décide qui figure en premier”, rappelle Yacine Boukli. Un pouvoir qui est d’autant plus important qu’Apple Mail est compatible avec tous les emails (Gmail, Outlook, Yahoo). La seule condition pour y accéder étant de passer par un device Apple. 

C’est le cas de 35% des Français, dont la moitié utilisent Apple Mail, selon les estimations de Yacine Boukli. Ce qui nous donne vraisemblablement entre 10 et 30% de vos audiences, selon leur tropisme Apple. 

“C’est forcément inquiétant pour les marques, alors même qu’Apple a accès à un set de données limitées, comme le taux d’ouverture ou le taux de clic, pour se décider”, note Yacine Boukli. La firme à la pomme ne dispose, en effet, pas des données post-clic, comme le nombre de leads, de mises en panier ou de transactions générées par une campagne d’emailing. Ce qui pose forcément la question de la pertinence de ses arbitrages…

Comment y remédier : il va être crucial pour les marques de comprendre comment l’IA raisonne. Un “retro-ingeneering” qui doit permettre aux concernés d’identifier les critères clés pour apparaître en haut des listes. Et qui vaudra d’ailleurs aussi pour les push notifications (elles sont elles aussi concernées par cette nouvelle hiérarchisation).

Yacine Boukli estime que les marques vont devoir changer d’approche concernant le contenu des emails. “Plus de contenu à valeur ajoutée, moins de produits commerciaux”, prédit l’expert qui conseille aux marques de favoriser une approche relationnelle à une approche purement commerciale. “Apple veut s’assurer que les utilisateurs reçoivent des communications qu’ils souhaitent ou, du moins, qui les intéressent.” 

Il est donc conseillé de limiter l’upsell et le cross-sell à tout crin. Être plus raisonné dans ses campagnes car il y aura, à en croire Yacine Boukli, “un risque à sur-presser ses bases de données” et utiliser la data 1st party pour envoyer des emails ciblés (et donc plus à même d’être souhaités par l’utilisateur).

L’arrivée des onglets dans Apple Mail

Comme pour Gmail, depuis 2013, Apple Mail va procéder à une catégorisation des emails. Ces derniers seront désormais reversés dans différents onglets : 

  • L’onglet “Primary” réunit ce qui compte le plus pour le destinataire. Notamment les emails de ses proches

  • L’onglet “Transactions” réunit, lui, les factures et les confirmations d’achat.

  • L’onglet “Updates” regroupe les newsletters et les notifications des réseaux sociaux.

  • L’onglet ”Promotions” regroupe les emails marketing et les emails de vente.

Le risque : il est le même que pour Gmail lorsque ce dernier a déployé cette catégorisation. Une chute des taux d’ouverture et des taux d’engagement, les emails des marques étant transvasés dans une section “promotions” que l’utilisateur consultera forcément beaucoup moins.

“Si on se fie à ce qui s’est passé sur Gmail, on peut tabler sur une baisse de 7 à 8 points du taux d’ouverture”, prévient Yacine Boukli. 

Comment y remédier : pas vraiment de solution miracle malheureusement. 

Yacine Boukli dessine toutefois quelques pistes : inciter les utilisateurs à ajouter votre marque en favori pour remonter dans la boîte principale et changer l’adresse de l’expéditeur pour faire comprendre à l’application email qu’on n’est pas dans une communication promotionnelle (lorsque c’est le cas bien sûr). Cela peut être intéressant pour permettre aux newsletters plus inspirationnelles que certains e-commerçants ont lancées d’être labellisées dans l’onglet “updates”.

Le groupement des messages par expéditeur

Ici encore, un sujet d’expérience utilisateur. Permettre à ce dernier de retrouver plus facilement des discussions ou des transactions réalisées avec des expéditeurs particuliers.

Le risque :  plus les emails sont groupés, plus les utilisateurs seront en facilité de mettre en spam ou de les ignorer. “Ce qui aura forcément un impact sur la délivrabilité et le taux d’ouverture de vos emails”, prévient Yacine Boukli.

Comment y remédier : il y a tout de même des opportunités, estime Yacine Boukli. “Ce nouveau mode d’affichage peut permettre aux marques de créer des campagnes conversationnelles, avec des emails qui ne sont plus dissociés mais intégrés dans une vision d’ensemble.”

L’expert prend l’exemple d’une marque qui envoie une newsletter le samedi et profite de la mise en panier d’un produit mis en avant (mais finalement pas acheté) pour renvoyer un email de rappel “N’oubliez pas ce produit mis en panier”.

Où va Apple ?

“On a de moins en moins d’informations et de contrôle sur les campagnes d’email marketing depuis le déploiement d’iOS 15”, note Yacine Boukli. L’expert fait référence au déploiement de la fonctionnalité “private relay” et de “hide my email adress” qui voient la firme à la pomme s’interposer entre les marques et leurs bases de données email.

“C’est devenu de plus en plus compliqué de mesurer l’engagement des utilisateurs”, s’inquiète Yacine Boukli. Avant de se demander si la prochaine étape n’est pas d’imposer un consentement, au niveau de la boîte email, pour recevoir un email de marque. “Apple l’a bien fait pour la pub ciblée in-app…”