IA générative dans l’adtech: JCDecaux enrichit les données mises à disposition des marques

Dans sa série dédiée à l'intelligence artificielle générative, Minted interroge les entreprises du secteur de l'adtech pour comprendre comment cette technologie transforme les métiers et les pratiques. Cette fois, nous avons interrogé JCDecaux.

Comment l’intelligence artificielle générative transforme-t-elle l’univers de la publicité extérieure ? Entretien avec Sylvain Le Borgne, Chief Data Officer chez JCDecaux, pour comprendre les impacts concrets de la technologie en interne et auprès des annonceurs.

Comment JCDecaux utilise-t-il l’IA générative en interne ?

Sylvain Le Borgne, Chief Data Officer chez JCDecaux

Sylvain Le Borgne: Nous intégrons de l’IA dans nos systèmes de vente et d’exploitation depuis longtemps déjà, sans forcément la nommer ainsi. Nous avons décidé de structurer notre démarche il y a près de deux ans, avec la création d’un AI Lab en 2023 : une instance de gouvernance dédiée à cette technologie. Elle nous permet de tester différentes solutions sur nos métiers, d’identifier celles que nous pourrions faire
passer à l’échelle et surtout de former nos collaborateurs. On parle beaucoup de l’IA générative, ce qui crée un besoin important d’explication en interne et d’encadrement des usages.

Quels projets spécifiques avez-vous testé avec l’IA générative ?

Nous avons par exemple expérimenté la génération de designs pour notre mobilier urbain. Cela a permis de produire 1000 designs en quelques jours, sur lesquels les équipes opérationnelles ont ensuite mené une étude de faisabilité sur le plan technique. Nous utilisons aussi l’IA prédictive pour optimiser la maintenance et l’entretien de nos mobiliers, afin de garantir leur état technique et leur propreté.
Notre savoir-faire sur la modélisation des déplacements est également très recherché, notamment dans les aéroports ou les métros. Nous contribuons à la Software République aux côtés de 6 autres acteurs français (Renault, Thales, Atos, Dassault Systèmes, STMicroelectronics) pour explorer ensemble les nouveaux usages de la technologie, dont l’IA générative. Cela nous permet de tester plus
rapidement certains projets, tout en innovant en réseau.

Quel est votre cadre technologique en matière d’IA ?

Nous avons structuré notre approche en trois niveaux. D’abord, les usages quotidiens, liés à la bureautique et à la communication, pour lesquels il faut bien comprendre ce qui est disponible et comment les données sont protégées. Ensuite, des plateformes agentiques comme celles d’OpenAI ou Mistral, que nous explorons pour créer des agents et automatiser certaines tâches. Enfin, pour les usages stratégiques et confidentiels, nous utilisons des bibliothèques open source, comme LLaMA, que nous fine-tunons afin de garantir la propriété intellectuelle et garder le contrôle total sur l’outil.

Quelles sont les applications pour les marques partenaires ?

Nos clients n’attendent pas nécessairement de la technologie de notre part, mais des données. Avec l’essor de l’IA générative, ils ont besoin d’un accès à des données plus fines, plus fréquentes et mieux structurées. Ils veulent savoir où se trouvent nos mobiliers, comprendre les déplacements urbains, anticiper où leurs audiences vont passer. Cela nous amène à développer des outils qui, par exemple, permettent de prédire si une affiche va générer de l’attention grâce à du deep learning, avant même la diffusion de la campagne.

Cela modifie-t-il la manière dont les campagnes sont mesurées ?

Oui, en profondeur. Nous sommes passés de bilans de diffusion en fin de campagne à des données presque heure par heure. Cela rend le pilotage des campagnes plus précis, plus dynamique. Le média devient plus digital, plus flexible. Nous avons par exemple mis en place dans les aéroports un affichage contextuel, capable de s’adapter à l’heure de décollage ou à la destination des vols. Avec les avancées de l’IA générative, ce type d’usage est en forte croissance.

Est-ce que cela rend le DOOH plus accessible pour les petites marques ?

Absolument. Grâce à l’IA, il est possible de tester une campagne en amont, estimer le niveau d’attention qu’elle va générer, et ainsi maîtriser son budget dédié à la création. Cela réduit considérablement les barrières à l’entrée. Nous développons aussi des API qui permettent aux partenaires de connecter directement des données. Ces API sont certifiées par des tiers, ce qui garantit leur fiabilité.

Le marché du DOOH est-il prêt pour cette transformation ?

Nous avons pris les devants. Pour offrir aux annonceurs les mêmes capacités que dans l’univers digital, nous avons réalisé des alliances stratégiques et des investissements auprès de partenaires SSP, DSP et DMP. Cela nous permet de proposer de l’achat programmatique et d’accompagner la croissance constante du digital qui représente aujourd’hui 39 % de notre chiffre d’affaires. Nous devrions bientôt atteindre l’équilibre entre le digital et l’affichage classique.

Les consommateurs ne risquent-ils pas de saturer face à une telle intensité publicitaire ?

C’est une question essentielle. Notre média est dans l’espace public et se doit d’en être respectueux. Nous faisons donc très attention au contenu des créations que nous diffusons. Nous investissons également pour comprendre les mécaniques de l’attention en menant des études ad hocs. Les résultats de ces études nous permettent d’alimenter notre outil de prédiction de l’attention, Optix. Cette solution permet aux marques d’évaluer l’impact de leur message publicitaire OOH avant de lancer une campagne.

L’IA générative va-t-elle transformer durablement l’industrie ?

Elle rend actuellement le média DOOH beaucoup plus accessible. Les marques peuvent plus facilement intégrer la communication extérieure dans leur mix marketing. L’IA simplifie la planification, abaisse les barrières à la création et permet un meilleur suivi des performances. Cela va ouvrir le média à un plus grand nombre d’acteurs, qui pourront l’utiliser avec plus de souplesse et d’efficacité. Les outils existent, il faut les structurer, les intégrer et accompagner le changement. Pour nous, l’IA renforce la pertinence du DOOH, ce qui en fait clairement un levier de croissance.

Retrouvez les interviews de notre série dédiée à l’IA générative :