Paul Ripart (Prisma Media) : "Si Google, sous la pression du régulateur, a déporté ce choix sur l'internaute, sa volonté reste elle inchangée : un web sans cookie tiers"


  • Comment les éditeurs français accueillent-ils la décision de Google de déporter la responsabilité de la fin des cookies tiers sur l'utilisateur de Chrome ? C'est la question que nous avons posée à certains d'entre eux.
  • On commence avec Paul Ripart, directeur commercial et programmatique de Prisma Media. 

Minted. Comment accueillez-vous l'annonce de Google ?

Paul Ripart. La récente annonce de Google de ne pas supprimer les cookies tiers par défaut paraît raisonnée. En effet, la solution de remplacement, la Privacy Sandbox et ses différentes API, ne semble pas suffisamment au point comme le montrent les résultats des tests de Criteo.

De plus, cette alternative est encore difficilement testable, car elle n'est disponible sur aucune des grandes plateformes adtech, empêchant ainsi les agences médias, les annonceurs et les éditeurs de réaliser des tests à grande échelle.

"Cette approche rappelle celle d'Apple avec son système ATT (App Tracking Transparency), où environ 70% des utilisateurs rejettent les traceurs"

Il est crucial de noter que Google ne reporte pas la suppression des cookies tiers, l'entreprise déporte juste ce choix chez l'internaute. Plutôt que de les éliminer par défaut, chaque internaute devra ainsi choisir s'il souhaite ou non accepter les cookies tiers. Cette approche rappelle celle d'Apple avec son système ATT (App Tracking Transparency), où environ 70% des utilisateurs rejettent les traceurs.

Pensez-vous que les cookies tiers sont, malgré tout, condamnés ?

Les cookies tiers ont déjà été supprimés de tous les navigateurs à l'exception de Chrome. Si 70% des internautes de Chrome refusent les cookies tiers en plus, il n'y aura pas plus de 10% de Français adressables. Par conséquent, oui, les cookies tiers sont condamnés.

Si Google, sous la pression du régulateur, a déporté ce choix sur l'internaute, sa volonté reste elle inchangée : un web sans cookie tiers.

Ce changement implique une transition vers des solutions de publicité et de mesure d'audience plus respectueuses de la vie privée. Les annonceurs et les éditeurs devront se tourner vers des technologies alternatives. Cette évolution conduit l'industrie à innover et à repenser ses stratégies de ciblage et de mesure, ouvrant la voie à des approches plus transparentes et centrées sur l'utilisateur.

Cette annonce change-t-elle quoi que ce soit à votre stratégie ?

Chez Prisma Media, nous n'avons pas attendu Google pour s'attaquer au cookieless en intégrant des identifiants alternatifs dès 2021. Nous continuerons toutes nos initiatives cookieless, notamment à travers le développement des ID (UTIQ sur tous nos sites, nouvelles intégrations optimisées pour First ID et EUID, maintien de notre position de premier pourvoyeur de RampID en France) ainsi que le développement de la publicité contextuelle en renforçant nos sites thématiques (création d'un pôle luxe, développement du secteur de la santé avec Passeport Santé, renforcement du pôle food avec Cuisine AZ, etc.).

En outre, nous investissons dans des technologies de collecte de données first-party et dans des solutions de machine learning pour mieux comprendre et segmenter notre audience. Cette approche proactive nous permet non seulement de rester en conformité avec les régulateurs, mais aussi d'offrir des expériences publicitaires plus personnalisées et pertinentes.

Craignez-vous qu'elle change quoi que ce soit à celle du buyside ?

La principale menace réside dans le risque de dépriorisation des initiatives cookieless suite à la lecture des gros titres tels que "Google renonce à la suppression des cookies tiers". Les annonceurs, -qui ont mis du temps à adopter les projets cookieless-, continueront-ils à développer ces solutions ?

Les annonceurs, -qui ont mis du temps à adopter les projets cookieless-, continueront-ils à développer ces solutions ?

Mais une fois que l'on a bien compris que les cookies tiers restent condamnés, il n'y a pas d'autres d'alternatives pour le buy side :  il faudra impérativement mettre en place et tester ces solutions, si l'on veut continuer à capper, cibler et mesurer sur l'open web.

Il est également essentiel pour le buyside de collaborer étroitement avec les éditeurs et les plateformes AdTech pour développer et adopter des standards communs. Cette coopération facilitera la transition vers un écosystème publicitaire sans cookies tiers et encouragera l'innovation dans le domaine de la publicité digitale. Les annonceurs devront également investir dans des stratégies de marketing basées sur la first-party data et explorer de nouvelles méthodes de mesure d'efficacité publicitaire. 

Quelles perspectives donner à tout cela ?

Enrichir le débat sur l'avenir des cookies tiers et des alternatives cookieless pourrait inclure des discussions sur les initiatives législatives et les régulations en cours. Par exemple, la montée en puissance des lois sur la protection des données, telles que le RGPD en Europe et le CCPA en Californie, influencera considérablement la manière dont les données des utilisateurs sont collectées et utilisées.

De plus, l'essor des technologies de blockchain et des contrats intelligents pourrait offrir de nouvelles opportunités pour le suivi et la vérification des publicités tout en respectant la vie privée des utilisateurs. L'utilisation de solutions cryptographiques pour anonymiser les données tout en permettant leur utilisation à des fins de ciblage pourrait devenir une norme.

"Il est crucial d'explorer comment l'intelligence artificielle et le machine learning peuvent être utilisés pour créer des modèles prédictifs et des segments d'audience sans nécessiter de cookies tiers"

Enfin, il est crucial d'explorer comment l'intelligence artificielle et le machine learning peuvent être utilisés pour créer des modèles prédictifs et des segments d'audience sans nécessiter de cookies tiers. Ces technologies offrent un potentiel énorme pour révolutionner le ciblage publicitaire et améliorer l'expérience utilisateur tout en respectant la vie privée.

En conclusion, l'annonce de Google n'est qu'une étape dans la transition vers un écosystème publicitaire plus respectueux de la vie privée. L'industrie doit continuer à innover et à s'adapter pour répondre aux attentes des utilisateurs et aux exigences réglementaires tout en maintenant l'efficacité et la pertinence des campagnes publicitaires.