- Tour d'horizon des conséquences de la disparition des cookies tiers avec la directrice général de Molecule Science.
Annoncée par Google et redoutée depuis 2020, la nouvelle est finalement confirmée. En 2024, ce sera la fin des cookies tiers ! Dans le monde du marketing digital, la métaphore du cookie est facile : c'est un peu comme si on enlevait les bonbons et les pâtisseries de la table pendant une fête d'anniversaire.
L'utilisateur lambda d'un site web ne saisit pas complètement de quoi il s'agit, mais ces petits fichiers utilisés pour créer des profils d'audience, personnaliser les affichages et mesurer l'efficacité des campagnes publicitaires étaient un pilier essentiel de la publicité en ligne. Sans ces cookies, le ciblage publicitaire devient (presque) un jeu de devinette.
Sans les cookies, nombreux sont les défis
La disparition des cookies tiers présente plusieurs défis déjà largement identifiés par les professionnels du marketing digital. Non seulement le ciblage devient moins précis, ce qui peut réduire l'efficacité des campagnes publicitaires (donc le ROI ), et complique leur optimisation.
Côté utilisateur, les cookies tiers étant utilisés pour personnaliser l'affichage du contenu et des publicités, les propositions des annonceurs risquent d’être plus aléatoires et parfois saugrenues, ce qui peut également perturber l'experience utilisateur.
Par ailleurs, même si les méthodes alternatives existent, ce type de changement de paradigme provoque une incertitude profonde quant à l'avenir ; il est encore difficile de prédire combien de solutions alternatives émergeront et comment elles fonctionneront à long terme. Les évolutions technologiques récentes comme les IA génératives ou le métavers interrogent sur l'avenir des métiers créatifs ou analytiques. La fin des cookies tiers vient ajouter une instabilité supplémentaire à un contexte déjà complexe et mouvant.
De l'innovation viendra la solution
Face à la disparition des cookies tiers, certaines solutions existent et d'autres sont à construire. Tout d'abord, les cookies tiers disparaissent mais les cookies first subsistent !
De plus, si la publicité contextuelle ne date pas d'hier, elle est toujours d'actualité : en s'appuyant sur le contenu de la page en cours de consultation, on peut afficher des publicités en fonction du sujet abordé, ce qui peut être efficace pour cibler les utilisateurs selon leurs intérêts à ce moment précis. Bien sûr, une telle démarche est idéalement couplée avec une stratégie de création de contenu de qualité... à l'ancienne ! Ne dit-on pas que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes ?
Mais surtout, comme pour chaque changement brutal : c'est une incroyable occasion d'innover ! Il y a des alternatives aux cookies tiers, comme les identifiants uniques anonymisés, les solutions de ciblage basées sur la cohorte (comme FLoC de Google), les identifiants mutualisés ou encore certaines plateformes publicitaires qui privilégient l'agrégation de données. Sans oublier des stratégies de collecte de données de première partie, pour encourager les utilisateurs à fournir des informations pertinentes (et avec leur consentement).
Les enjeux pour les annonceurs (et les pistes à explorer
Une attitude positive serait de voir le verre à moitié plein : la pénurie de données comportementales rendra le ciblage plus complexe mais favorisera la protection de la vie privée et facilitera la compliance RGPD tout en stimulant l’innovation et la créativité. Outre la publicité contextuelle, le content marketing et le SEO qui sont déjà bien connus, d’autres alternatives sont prometteuses même si elles restent à construire et à tester.
Par exemple, les dispositifs d'intelligence artificielle et de machine-learning permettent de cibler les consommateurs en développant des outils de marketing prédictif qui utilisent les données d’achat et de navigation pour prévoir (et encourager) des achats futurs. La généralisation des chatbots permet d’interagir avec les visiteurs de manière plus naturelle et personnalisée mais aussi de détecter des besoins non pourvus ou des optimisations à mettre en œuvre. Par ailleurs, l'émergence de solutions d'identifiants uniques est également intéressante et plusieurs acteurs du Web comme Webedia et Unify ont déjà intégré ce type d'outil en prévision d'un déploiement à grande échelle. Que ce soit First-ID, ID5, Ramp ID, Shared ID, UID ou Criteo ID, vous avez le choix des armes !
Au-delà des nouveaux outils, n’oublions pas non plus le retail data : c’est une alternative à la fois robuste et éthique à la disparition du cookie tiers puisque les données viennent directement des consommateurs et sont limitées dans leur collecte et leur usage par le consentement de ces derniers. Toutes les grandes enseignes, de la Fnac à Carrefour en passant par Vivendi, ont déjà adapté leur offre et leur stratégie pour exploiter au mieux ce nouveau gisement de données.
Enfin, n’oublions pas un avantage non négligeable pour les annonceurs en général : le besoin d’un consentement explicite de l’utilisateur pour utiliser ses données allègera la pression publicitaire non consentie. Cet appel d’air permettra de personnaliser à la fois les offres et les supports, en intégrant plus naturellement les affichages, ce qui engrangera une perception plus favorable des marques et de leurs produits.
Et il faudra faire avec Google…
Souvenez-vous : le mois de janvier 2023 a vu beaucoup de monde s'amuser de la fin de la suprématie de Google, lorsque le CEO Sundar Pichai a annoncé un plan de licenciement de 12 000 salariés (soit 6 % de ses effectifs mondiaux). Les deux grands responsables : un contexte macroéconomique défavorable et le ralentissement de la publicité numérique. Mais avant d’écraser une larmichette devant une telle débandade, regardez plutôt ce qui se profile.
La fin des cookies tiers sous Chrome ne veut pas dire que la vie privée des utilisateurs restera saine et sauve. Certes, les cookies ne traqueront plus les utilisateurs, mais Chrome s'en chargera directement ! Et Google pourra ainsi proposer un nouveau service aux entreprises : acquérir des résumés très détaillés du comportement de navigation des utilisateurs, ce qui permettra de déduire leurs sujets d'intérêts en fonction de leur historique de navigation et de leurs thèmes préférés… et de proposer des publicités en conséquence.
Google a donc trouvé un moyen efficace d’engranger de nouveaux revenus publicitaires, en rebattant les cartes et en changeant les règles du jeu. Ce n’est donc pas la fin des haricots pour le marketing digital, mais ce nouveau contexte va repositionner la fonction stratégique des agences media, qui devront jouer un rôle de conseil accru auprès des annonceurs afin de les accompagner dans leurs investissements et leurs prises de parole.