Cookies tiers : l’annonce de Google analysée par les membres du Club Minted


  • Que retenir de la décision de Google de ne plus supprimer les cookies tiers de Chrome par défaut et de, finalement, laisser le choix aux utilisateurs ? Quelles implications pour l’adtech ? Voici les réponses des membres du club Minted.

Alain Levy (Weborama)

Nous voilà repartis pour une nouvelle période d’incertitude. Depuis le début, Google conduit un process brouillon et n’est pas à la hauteur du niveau de responsabilité qui accompagne sa position de toute puissance : toute cette affaire a été un  enchaînement d'approximations, de décisions floues et de revirements, ce qui est regrettable quand on connaît le poids de Google dans l’écosystème. La seule chose certaine est qu’il s’agit d’un renoncement considérable de la part de Google dont l'objectif est clair : changer les règles afin d'ouvrir de nouvelles opportunités de croissance grâce à la Privacy Sandbox. Google n'a pas réussi à l'imposer par la concertation. La nouvelle proposition de Google est un itinéraire bis qui donne la main au user, et qui pourrait au final accélérer la disparition des cookies tiers.

Pour les adtechs, la situation demeure complexe car on n'a pas de vision sur la manière dont ce nouveau changement va être implémenté. Quid de la CMA ? Quid de la notice qui sera proposée aux users de Chrome ? 

Chez Weborama, nous allons poursuivre sans relâche le développement de nos solutions de gestion de données, qui intègrent tous les types d'identifiants, cookies tiers et autres, ainsi, bien entendu, que nos investissements dans l'intelligence artificielle sémantique. L’annonce de Google ne change rien à notre road map. Côté média, il faudra continuer de jongler avec toutes les solutions disponibles et dont la combinaison permet d'apporter les meilleurs résultats à nos clients. Quant au contextuel, nous possédons un savoir-faire très spécifique construit depuis plusieurs années, qui demeure un atout essentiel.

Erwan Lohezic (3qtz) 

Certes Google ne va plus supprimer les cookies tiers de son côté mais il risque de mettre en place un protocole type ATT pour que ce choix se fasse par les utilisateurs… A voir d’ailleurs comment cela va se matérialiser vs les obligations RGPD et en espérant que cela ne soit pas confusant… 

Mais si on s’en réfère à ce qu’il s’est passé pour Apple avec un drop d’environ 70% des identifiants, ça revient en réalité au même. Google n’endosse plus réellement le costume du méchant qui tue la poule aux œufs d’or et laisse (cyniquement ?) l’internaute faire son choix. 

Donc cela ne doit rien changer sur tous les tests cookieless et sur les efforts engagés jusqu’à maintenant : sanctuariser sa first party et la gérer comme de l’or, tester d’autres opportunités de ciblage (contextuel, ID…) et avancer techniquement pour que cela soit « facile » (cloud, modélisation…). Bref rien de neuf sur le soleil, mais beaucoup d’article sur les réseaux sociaux, preuve que la fin des cookies tiers était bien un sujet finalement !

Guillaume Tollet (fifty-five) 

C'est une posture raisonnable de Google car le marché dans son intégralité n'était pas prêt à la fin des cookies tiers. Il faut attendre tous les détails de Google pour comprendre ce revirement et le nouveau plan et planning qui va être proposé par les équipes de Chrome. 

Ce qui est sûr, c’est que cette annonce de Google va malheureusement encore plus embrouiller les annonceurs. Annonceurs qui sont déjà perdus sur la stratégie à adopter pour maintenir leur capacité de ciblage, reciblage et de mesure de la performance.

De notre côté, cela ne change pas la stratégie proposée aux annonceurs de :

  • Constituer une donnée marketing propriétaire centralisée et de qualité, 

  • Lancer des programmes de refonte de collecte et de centralisation du consentement multicanal pour exploiter l'ensemble des touch points clients : web, app, TV, call center, agences

  • Combiner la logique d'attribution et le pilotage à chaud des campagnes avec une logique à froid de contribution MMM et de tests d'incrémentalité

  • Mettre en place des infrastructures de collecte server side pour déployer des dispositifs de type Google EC et FB Capi

  • (Re) lancer des quick wins pour stabiliser le ciblage et la mesure en accompagnant les équipes marketing et conformité dans les dispositifs de CRM onboarding via les plateformes

François-Xavier Préaut (Outbrain) 

Nous prenons acte de cette annonce qui, avec le temps, était devenue prévisible. Outbrain maintiendra toutefois ses efforts pour rester à la pointe de l'innovation, notamment grâce à l'IA qui ouvre certainement une nouvelle ère pour le ciblage et la mesure.

Camille Quiqueret (79) 

Est-ce la fin des tests que l'on doit mener pour trouver des alternatives aux cookies tiers ? Chez 79, nous pensons que la réponse est, bien entendu, non et on vous explique pourquoi :

  • Certains environnements sont déjà cookie3rdless

Nous avons déjà plus de la moitié des utilisateurs qui ne sont pas adressables via les navigateurs Safari, Firefox et d'autres comportements tels que la navigation privée ou le refus de consentir aux cookies publicitaires. Par conséquent, nous avons déjà une perte d'audience et de suivi des performances sur ces environnements.

  • Des tests menés depuis 2 ans chez 79 qui ont porté leurs fruits

Sur les différents tests que nous avons pu mener notamment sur le volet audience, nous notons une meilleure adressabilité des utilisateurs quand nous passons par des solutions d'ID alternatifs vs. Cookiebased. Nous avons un meilleur reach et une répétition plus faible sans perte de performances.

Nous devons continuer de réduire la dépendance aux cookies tiers de nos annonceurs afin d'avoir des plans plus respectueux de la privacy utilisateur.

Sur le volet mesure, nous devons continuer de mettre en place des solutions alternatives pour pallier aux environnements déjà cookie3rdless. Il est toujours nécessaire de déployer ce type de solutions (ID universel, API Conversion ou des solutions MTA 'Multi Touch Attribution') pour apporter une vision des performances la plus juste possible à nos différents annonceurs.

En résumé, la nouvelle de Google apporte un souffle de sérénité car le marché n'était pas encore prêt. Néanmoins, cela ne doit pas ralentir notre projet de réduire la dépendance aux cookies tiers pour assurer la stabilité et la justesse de nos campagnes médias

Masaki Halle (Havas Media Network) 

Le travail de l’IAB tech lab, qui a canalisé et exprimé les doléances du marché auprès des autorités de la concurrence, a sans doute joué un rôle décisif. Le dernier rapport trimestriel de la CMA, publié en avril, faisait état de 82 sujets de préoccupation (d’ordre technique ou économique) exprimés par le marché, et donc à résoudre avant que la CMA ne donne son blanc-seing à Google. Les équipes produit de Chrome en charge du projet privacy sandbox ont peut-être rendu les armes face à l’âpre détermination du marché à défendre ses intérêts…

La décision de maintien des cookies tiers sur Chrome ne présage pas d’un plein statu quo. En effet, Google annonce en parallèle une nouvelle approche sur le choix des utilisateurs de chrome concernant la confidentialité de leurs données. Les modalités précises de ce redesign du recueil de consentement restent inconnus à ce jour, mais certains termes employés dans le communiqué donnent certains indices pouvant donner lieu à interprétation :

1) le choix fait par un utilisateur serait applicable à l’ensemble de sa navigation sur chrome - c’est-à-dire valable pour l’ensemble des sites visités ( « a choice that applies across their web browsing »).

2) l’esprit de cette nouvelle approche est « d’élever » le choix de l’utilisateur, ce qui peut laisser penser que ce dernier ne serait pas rendu dans le tréfonds des paramètres de Chrome, mais sollicité en premier plan à l’ouverture du navigateur, à l’instar de l’interface ATT imposée par Apple sur iOS.

Nous restons donc suspendus à la concrétisation de cette nouvelle approche pour être en mesure d’évaluer l’impact de la réforme de Chrome sur l’accessibilité des cookies tiers.

Thibault Labarre (Ekimetrics) 

Cela fait plusieurs années que l’utilisation seule de cookies tiers pour mesurer et optimiser le mix digital n’est plus considérée comme la solution la plus pertinente du marché.

Chez Ekimetrics, nous sommes convaincus que le mouvement initié par les annonceurs, pour avoir une mesure plus holistique basée sur une combinaison de modèles économétriques, d’experiments et d’attribution va se poursuivre.

Selon nous, l’annonce de Google de ne pas supprimer les cookies tiers de Chrome, ne va pas changer la dynamique actuelle, mais au contraire, valider le changement entamé vers un écosystème digital plus privé, résilient et performant.

Raphaël Boukris (Didomi)

Ce changement en phase de test est très surprenant et pose la question des raisons pour lesquelles il est soudain devenu nécessaire. Est-ce que la CMA britannique a eu gain de cause? Est-ce que Google a soudain réalisé qu'il allait avoir besoin du consentement pour ses solutions de privacy sandbox? Est-ce pour des raisons purement mercantiles de préservation des revenus publicitaires de Google dans un contexte business difficile? Il est impossible de trancher à ce stade.

Ce qui nous semble sûr, c'est que cela ouvre de nombreuses opportunités pour travailler la question de la fatigue du consentement de façon pérenne, c'est-à-dire en combinant les attentes légitimes des internautes et les besoins des marques et éditeurs. 

A ce titre, Didomi anticipe une évolution intéressante du métier des CMPs pour continuer d'améliorer les performances des programmes marketing et publicité tout en protégeant les utilisateurs.

Marouane Benazzouz (Making Science)

Google fait marche arrière sur la suppression des cookies tiers et sur le fond, ça ne va pas changer grand chose. L'annulation de la suppression des cookies tiers ne garantit pas une amélioration des performances.

Même si Google Chrome offre aux utilisateurs la possibilité d'accepter ou non les cookies tiers, il est probable que beaucoup les refusent. Malgré la part de marché majoritaire de Chrome, le pourcentage d'utilisateurs acceptant les cookies tiers est potentiellement faible et n'atteindra probablement pas l'audience que nous avons connue auparavant.

Dans cette optique, il est essentiel de combiner une stratégie basée sur les cookies tiers avec une stratégie robuste utilisant des cookies first party. Cela permettra de réduire la dépendance aux navigateurs continuant à utiliser des cookies tiers tout en s'adaptant aux évolutions inévitables du marché.

D’autres navigateurs comme Safari et Firefox continuent de croître. Ces navigateurs ont déjà supprimé les cookies tiers, ce qui pourrait les rendre plus attrayants pour de nouveaux utilisateurs soucieux de leur vie privée. Adopter une approche sans cookies et privilégier des outils respectueux de la vie privée constitue la meilleure stratégie à long terme, car il devient impératif de réduire notre dépendance aux cookies.

Guilhem Bodin et Adrien Hug-Korda (Converteo)

Il n'est pas surprenant que Google ait finalement pris cette décision, compte tenu des retours des diverses autorités, notamment la CMA, ainsi que de l'industrie (tests par les adtech, et IAB/alliance digitale en particulier). 

L'annonce d'une future solution au niveau du navigateur permettant aux utilisateurs de faire un choix éclairé n'est pas étonnante non plus, étant donné que c'est une possibilité envisagée depuis longtemps par le législateur européen. Cette possibilité était déjà présente dans la dernière version de la directive ePrivacy en 2009 (reprise en France par l'article 82 de la loi informatique et libertés).

Cependant, la CNIL s'était exprimée sur ce sujet dans ses lignes directrices de 2020, estimant que les navigateurs ne permettaient pas réellement de recueillir un consentement valide, notamment parce qu'il était impossible de définir des choix "par finalité" (c'est-à-dire par catégorie de cookies) au niveau du navigateur. Par conséquent, Google devra à nouveau collaborer avec les autorités de contrôle pour faire évoluer son navigateur afin de satisfaire aux exigences du duo ePrivacy/RGPD, ce qui risque de prendre du temps.

Au fond, cela ne change ni le contexte ni les solutions pour l'annonceur.

Le contexte, c'est celui de la perte de vitesse générale et inéluctable des cookies tiers. Les annonceurs sont obligés de continuer à travailler sur le chantier cookieless :

  • Firefox, Safari font déjà et depuis longtemps des purges sur les cookies 3rd (15 à 35 % des internautes en france, et sans doute bien plus suivant la cible d'une entreprise comme dans le secteur luxe par exemple)

  • le consentement utilisateur fait que tu as de toutes les façons 30 à 50 % des internautes que tu ne peux pas raccrochés à une action marketing

  • le cross domaine, le cross navigateur et le cross device sont en pannes

  • les ID mobile ont tendance à disparaître, se masquer...

Nous ne savons pas encore à quoi ressemblera cette solution envisagée par Google, mais le choix sera laissé à l'utilisateur d'accepter ou non les cookies, il y aura donc forcément une nouvelle baisse d'optin, dans une méthode théorique qui se rapproche de l'ATT d'Apple sur iOS, qui conduit à un taux de consentement d'environ 20 à 30 %.

Romain Darrieus (Heroiks Media) 

Après 4 années d’effet d’annonces et de décalages, on ne s’attendait pas vraiment une totale disparition des cookies tiers en 2025. Néanmoins il est difficile de prédire s’il s’agit aujourd’hui d’une décision définitive, ou si Google s’achète plus de temps pour peaufiner la Privacy Sandbox, sans perdre en crédibilité avec un énième décalage…  

Il reste encore beaucoup de zones floues suite à cette annonce :

Chrome permettrait aux utilisateurs de faire un choix éclairé pour l’ensemble leur navigation sur le web ? C’est déjà le cas en Europe avec le RGPD et la directive ePrivacy. Donc comment cela va se traduire et sous quelle forme ?

La disparation des cookies tiers est annulée mais le projet Privacy Sandbox sur lequel Google travaille depuis 2019 n’est pas ? Quel sera sa vocation dorénavant, est-il amené à juste être utilisé au sein des produits Google ?

La Privacy Sandbox et l'élimination progressive des cookies tiers avait pour but :
- d’améliorer la confidentialité en ligne
- de faciliter le ciblage publicitaire sans suivre les utilisateurs individuellement tout en préservant un internet gratuit, financé par la publicité.

Avec cette annonce, Google ne répond ni à cette promesse, mais décourage aussi l’industrie numérique à s’orienter vers des alternatives plus respectueuses de la confidentialité des données. 

Cette saga (si elle est terminée) aura tout de même renforcé les GAFAM, les retailers et autres acteurs disposant de données propriétaires, mais aussi déstabilisé les éditeurs traditionnels dépendant fortement des cookies tiers. Elle a aussi permis d’inciter à l'innovation et de redévelopper des approches « back to basics » comme par exemple les ID déterministes et le ciblage contextuel. Affaire à suivre !

Rodolphe De Myttenaere (Peak Ace) 

Cette décision n'est pas une surprise, on l'attendait étant donné les reports incessants et les retours de la CMA (le régulateur britannique) depuis plusieurs mois sur le sujet, qui ne nous poussaient pas à être optimistes.

  • La pirouette de Google : un maintien des cookies tiers... mais basé sur le consentement

  • Quelles conséquences pour les annonceurs ? Entre soulagement... et frustration : Sur le papier, ça peut être rassurant de se dire que l'on ne sera pas obligé de vivre sans cookies tiers. Mais les annonceurs, qui avaient déjà du mal à se projeter, vont y voir encore moins clair sur la posture à adopter lors des prochains mois. Ceux qui avaient anticipé le sujet et fait des concessions dans la gestion de leur donnée ont des raisons d'être quelque peu frustrés.

  • Des impacts attendus sur la CMP (Consent Management Platform = plateforme dédiée à la collecte des consentements des utilisateurs) : quelles seront les répercussions sur les taux d'opt-in des bannières ?

  • Dans tous les cas, cela va pousser les solutions alternatives de mesure (ID déterministes / partagé, approches contextuelles, data clean room, attention publicitaire...) à tirer leur épingle du jeu.

  • On peut maintenant parler d'un retour sur le devant de la scène du remarketing, sur la base du consentement de l'utilisateur.

  • Quel sera l'impact sur les solutions de Google ?

  • Dans quelle mesure Google va-t-il ajuster Consent Mode et Enhanced Conversion ?

  • Les options de ciblage (signaux d'audience) de PMax et Demand Gen seront-elles améliorées avec cette nouvelle approche ?

Florent Couton (Havas Media Network)

Abandon de la dépréciation des cookies tiers dans Chrome, cela veut-il dire qu’un monde sans cookie n’arrivera jamais ? Faux. Ce monde existe déjà : ils ont disparu sur de nombreux browsers dont Firefox et Safari ainsi qu’une partie des users Chrome.

Le changement renvoie finalement encore une fois à une notion de calendrier qui s’étale cette fois si ouvertement dans le temps avec moins de brutalité et surtout dans une notion d’acceptation/de consent de l’utilisateur. Par ailleurs, même si le marché n’était pas prêt pour une fin en Q1 2025 - le nier est impossible - de nombreux tests ont pu être menés avec différentes adtech et prouvés l’efficacité de ces solutions. Le ciblage contextuel aussi old school soit-il dans l’imaginaire collectif a pourtant bien évolué et offre aussi une réponse certaine !

La bonne nouvelle est peut-être plus pour le volet mesure des performances site centric que pour la brique targeting/activation qui était surement la plus avancée en termes d’alternatives. Cela laisse notamment plus de temps aux annonceurs pour développer des approches server side.
La maitrise de la fréquence au global d’une activation programmatique est surement la vraie gagnante de cette non-dépréciation. Bien que cette dernière est et restera toujours imparfaite, la recherche de reach incrémental pourra perdurer sur les plans à plus long terme.
 
Dans cette nouvelle ère qui s’ouvre et toutes les incertitudes et questions qu’elle amène, le marché pourtant déjà quelque peu attentiste doit s’évertuer à soutenir le développement des alternatives ad techs qui pourraient, en ricochet de cette annonce, voir les sollicitations drastiquement diminuées.
Aujourd’hui et au contraire, les soutenir d’autant plus est une nécessité pour continuer à avoir une autre réponse aux cookies tiers qui restent malgré tout en voie de disparition avancée. Voyons même cette annonce comme une opportunité pour multiplier et prolonger les protocoles de tests sans avoir le couperet du Q1 2025 !