La synergie SEO - SEA, un vœu pieux ?


  • Une simple discussion avec quelques acteurs du marché vous permettra de vous en apercevoir. En matière de synergies entre SEA et SEO, on est au même point qu’il y a 10 ans : encore à débattre s’il faut ou non acheter sa marque. Voici pourquoi on n'a guère avancé.

La synergie SEO-SEA, tout le monde en parle, mais combien de divisions ? Depuis une décennie en tout cas, ce sujet semble débattu sans discontinuité. Ici, une agence annonce le lancement de son offre One Search, là un annonceur retail communique sur un beau succès de coopération sur sa stratégie shopping.. mais dernière, lorsque l’on soulève le capot et que l’on discute avec la plupart des acteurs du marché, on s’aperçoit que l’on est au même point qu’il y a 10 ans : encore à débattre s’il faut ou non acheter sa marque.

Alors pourquoi ce sujet a-t-il si peu progressé ? Analyse des 5 raisons principales

1 – SEO-SEA, comme chien et chat depuis toujours

Sans conteste, l’opposition SEO-SEA reste un avariant de l’imaginaire collectif du marketing digital avec d’un côté un levier qui est pensé comme long terme et gratuit et de l’autre un canal qui est vu comme réactif et payant. Commençons peut-être par déconstruire ce mythe à la vie dure : le SEO est loin d’être gratuit si on prend en compte le temps homme, les outils et le budget backlink ; et le SEA doit aussi s’inscrire dans une démarche de temps long pour les annonceurs qui souhaitent construire une stratégie d’acquisition ambitieuse.

Ces poncifs sont loin d’être anecdotiques puisqu’ils charrient avec eux tout une batterie de comportements et de pratiques qui constituent aujourd’hui un frein majeur à un pilotage unifié entre le SEO et le SEA. Le premier d’entre eux reste les objectifs poursuivis. Demandez à un expert SEO sur quoi il est attendu. Je vous le donne en mille : améliorer ses positions sur les tops mots-clés ; maintenir une couverture sémantique forte ; multiplier les annonces avec résultats enrichis (snippet – position 0, FAQ…)… Là où le consultant SEA sera jugé uniquement sur le business qu’il arrive à générer ou sa capacité à générer de la marge. 2 grammaires différentes et donc 2 objectifs différents.

Tant que les organisations n’auront pas aligné ces 2 métiers sur le même KPI, à savoir la génération de chiffres d’affaires, la coopération sera difficile. Pour le dire autrement, avoir son article de blog repris sur Google Discover c’est bien pour le trafic, mais ce n’est pas ce qui fera augmenter les ventes.

2 – Des profils différents

Il y a une quinzaine d’années, il n’était pas rare de voir chez les agences des consultants transverses SEO/SEA. C’était l’époque où Google Ads était une véritable usine à gaz  et où il était nécessaire de travailler la donnée à l’aide de macros Excel pour en extraire de la valeur. Résultat, les backgrounds des experts étaient assez similaires et nombreux sont ceux qui ont switché entre les 2 univers.

Aujourd’hui, nous assistons à la dynamique exactement inverse. Avec la simplification à marche forcée de la plateforme Google Ads, les profils ingénieurs/matheux tendent à laisser la place aux profils plutôt école marketing ou commerce. Pour réussir en SEA, il faut autant être expert de l’outil que de tout ce qui y est extérieur : copywritting, CRO, business model… 

A l’inverse, côté SEO, la prime est toujours donnée à ceux qui arrivent à gérer du Python, maîtrisent les rudiments du CDN ou encore savent interpréter une analyse de logs. L’apprentissage se fait dans le dur, à force de test et d’échecs. Il faut comprendre l’infra et devenir expert de son CMS. Résultat, 2 types de profils avec un bagage académique et une expérience professionnelle différente qui ont parfois du mal à se comprendre.

3 – Des organisations encore silotées

Si SEO & SEA ont finalement le même terrain de jeu, les moteurs de recherche, il est encore rare que cela se reflète dans les organisations. Les agences d’abord : il y a celles qui sont spécialisées en SEO ; en paid media ; et même celles qui proposent les 2 leviers ont des équipes différentes pour les adresser. Les annonceurs ensuite : il est fréquent de voir rattacher le SEO à l’équipe produit ou à la com là où cela fera plus sens de l’intégrer dans la même BU que le SEA pour avoir une approche search global.
Ce découpage crée naturellement de l’irritant, manière de dire que ces 2 disciplines n’ont que peu de choses en commun. En tout cas, cela ne permet pas d’inscrire dans l’inconscient collectif de l’organisation une visée commune. Fort logiquement, il en ressort l’absence de dashboards communs, de comitologie SEO/SEA ; ou même de partages de connaissance sanctuarisés.. La coopération reposera in fine plus sur les small talk et la bonne volonté de chacun.

2 exemples très concrets : combien de fois a-t-on vu une équipe SEO essayer d’identifier les tops requêtes convertissantes alors qu’il suffit de demander au SEA ; ou à l’inverse les consultants Google Ads passer un temps fou sur la construction de matrices mots-clés alors que la Google Search Console est à disposition

4 – A qui cela profite-t-il ?

Qui a intérêt à défendre une approche search unique ? Prenons le use case le plus emblématique : l’achat de la marque pure en SEA. Un consultant SEA in house ou une agence SEA aura évidemment tout intérêt à défendre la nécessité de se positionner sur sa marque : barrage à la concurrence ; hausse du QS ; personnalisation de l’annonce et de la LP… et évidemment des leads faciles à générer. A l’inverse, un consultant SEO maison ou une agence de référencement aura surtout tendance à prendre le parti inverse en mettant en avant « la cannibalisation ». Et au milieu, le CMO qui devra arbitrer ou préconiser la mise en place de tests pour identifier l’uplift de conversions générées.

Pour ceux qui ont déjà été confrontés à ce type de questionnement, l’enjeu est tout autant business que statutaire. Alors de là à réussir à mettre en place une roadmap commune SEO/SEA, on en est encore loin. Par expérience, les 2 parties sont plutôt pour, mais dès qu’il s’agit de passer à la pratique, étrangement, plus personne n’a de bande passante ou en tout cas ces sujets de synergies sont souvent très vite relégués dans les backlogs. Sans sponsoring fort de la direction, et sacralisation d’un temps dédié chaque semaine, cela me semble être un combat perdu d’avance

5 – Si même Google silote

Dernièrement, Olivier Duffez (expert SEO) a raconté qu’en 2011 il a donné une formation SEO aux accounts manager de … Google Ads. Véridique. Et pour échanger toutes les semaines avec des Googlers sur mes comptes payants, la frontière entre les équipes SEO/SEA chez les géants américains semble être immense. Grosso modo, dès que l’on parle synergie, la réponse est toujours la même : "nous n’avons pas la vue sur la roadmap SEO, nous ne communiquons pas avec ces équipes". 

Conceptuellement, la position peut s’entendre : il s’agit de ne pas favoriser un gros annonceur paid en SEO en lui donnant la secret sauce SEO. Il en va de la crédibilité et de la neutralité de Google. En revanche, de là à ce que les AM Google ne soient pas formés au SEO, cela reste une interrogation pour moi. Cela revient à penser que les recommandations qu’ils prodiguent aux annonceurs restent hors sol, comme si finalement la stratégie organique menée n’avait pas d’incidence sur le pilotage SEA. 

2 exemples là aussi très concrets pour illustrer ce décalage et où les accounts managers SEA de Google sont absents : les core web vitals restent aujourd’hui un sujet majoritairement adressé en SEO, alors que l’impact SEA est stratégique puisqu’il questionne le taux de rebond ; ChatGPT/Bard dont aujourd’hui la communication que j’en ai eue est plutôt venue de l’équipe Data de Google et non de l’équipe SEA. De là à penser que Google ou Microsoft trouvent un (leur ?) intérêt à ne pas aider à la construction de cette synergie