- L'agence média Heroiks a profité d'une campagne digitale menée pour le compte de Systeme U pour vérifier s'il y avait bien un lien entre attention publicitaire et des KPI comme la mémorisation et la considération.
- Prochaine étape, raisonner en CPM attentif et trouver le niveau d'attention que chacun des clients de l'agence doit viser pour émerger.
C’est, dans un monde de la publicité digitale, qui est en pleine crise d’identité, l’un des sujets chauds du moment : la mesure de l’attention. Une pratique qui est portée en France par xpln.ai, une start-up fondée par Fabien Magalon, qui veut réinventer la mesure de l'exposition publicitaire alors que les métriques utilisées par le marché (visibilité, complétion, clic) montrent leurs limites. Notamment parce que la plupart des sites médias se sont adaptés à ces nouveaux standards (1 seconde à 50% de la création pour le display, 2 secondes à 50% pour la vidéo) pour donner vie à des kilos d’impressions publicitaires “visibles” mais pas vraiment vues.
On peut citer l’exemple des spots vidéos auto-play, qui se ferrent à droite de votre écran, en tout petit, à mesure que vous scrollez. Ou encore celui de l’encombrement publicitaire, qui est devenu tellement problématique chez certains sites qu’il est difficile d’accéder au contenu désiré, tant il est noyé sous des publicités. Autant de dérives qui font de la visibilité un KPI qui est de moins en moins pertinent, à en croire Salem Handoura, directeur en charge du digital chez Heroiks. “Aujourd’hui, la référence c’est la visibilité d’une impression, parce que c’est un standard avec lequel tout le monde est d’accord, dont la mesure est facile à industrialiser, remarque l’expert. Mais on sait tous que ce n’est pas suffisant.”
C’est la raison pour laquelle Heroiks a décidé de profiter d’une campagne menée fin 2022 par Système U pour creuser le filon de ce nouveau KPI qu’est l’attention. L’objet du test ? Comprendre s’il y a bien un lien entre attention publicitaire et impact pour la marque. En d’autres termes, si cela peut valoir le coup, à l’avenir, de faire de la mesure d’attention lle nouveau juge de paix. “Comme beaucoup de retailers, Système U reste assez traditionnel dans son approche média et même s’il accélère sur le digital, il avait besoin de réassurance pour cet écosystème beaucoup moins régulé”, justifie Salem Handoura. C’est particulièrement vrai pour tout ce qui touche aux items de marques (brand awareness, brand likeability…), pour lesquels, si on met les post-tests de côté, c’est assez compliqué de trier le bon grain de l’ivraie.
“Il s’agissait d’une prise de parole pluri-media autour des enjeux de pouvoir d’achat et consommation locale”, contextualise Salem Handoura. Rien que du classique pour un retailer comme U qui, dans ce cadre là, mêlait TV, radio et digital. C’est évidemment le volet digital qui était concerné par le test. xpln avait pour mission d’allouer une note d’attention à chacune des impressions achetées dans le cadre de la campagne. La vidéo n’étant, à l’époque, pas encore appréhendée par la technologie, pas plus que l’in-app, seul le display programmatique Web était concerné. Avec trois typologies d’inventaires : le display sur les places de marché privées, l’in-read, via Teads, et l’in-image, via Seedtag. “Cela représentait entre 20 et 30% des impressions de la campagne digitale”, chiffre Salem Handoura.
Deux groupes de répondants ont, ensuite, été constitués. D’un côté, des utilisateurs exposés aux impressions dont le score d’attention était élevé, de l’autre ceux dont le score d’attention était faible. Mesuré auprès de 780 répondants par Happydemics, le test a permis de définir que le taux de mémorisation publicitaire était plus de deux fois supérieur (+127%) chez les premiers. La considération était, quant à elle, 50% supérieure pour les utilisateurs exposés à des impressions dont le score d’attention est élevé. “On a la confirmation que la visibilité n’est plus un KPI qui se suffit à lui-même pour déterminer l’efficacité d’une publicité, analyse Salem Handoura. D’autres paramètres, inclus dans la mesure de l’attention, comme la surface occupée par la publicité, sa position au sein de la page ou encore l’encombrement publicitaire, jouent un rôle.”
Reste une question, à laquelle Heroiks n’a pas encore répondu. Quel est le coût d’un tel écrémage ? En d’autres termes, est-ce que ça coûte plus cher d’acheter des impressions qui retiennent l’attention de l’internaute et, si oui, dans quelle proportion ? La réponse n’est pas dénuée d’enjeux quand on connaît les problématiques de productivités des agences médias et des marques et que l’on sait que xpln prélève, lui aussi, un fee au CPM pour aider les acheteurs à optimiser leurs campagnes à l’aune de l’attention. “La qualité a un prix, c’est certain”, reconnaît Salem Handoura. L’expert espère être en mesure d’isoler prochainement un CPM “attentif”.
Le fondateur d’xpln, Fabien Magalon, se veut lui rassurant. “Nous avons étudié le sujet sur d’autres campagnes et n’avons pas observé de corrélation évidente entre la qualité de l’attention et le prix de l’impression”, explique-t-il. Sans doute parce que les acheteurs ne sont, pour l’instant, pas capables d’apprécier ce genre d’impressions à leur juste valeur. L’exemple des impressions visibles, devenues beaucoup plus coûteuses que les non visibles, à mesure que le marché a adopté le standard de l’IAB, le démontre. Quand l’inventaire recherché sature, les prix s’envolent.
“Nous manipulons des nouveaux KPI, reconnaît Salem Handoura. C’est une première approche qui doit nous permettre de construire un référentiel.” Référentiel qui sera enrichi avec de nouvelles analyses posts-test, pour voir, notamment, quel est le niveau d’attention que chacun de ses clients doit atteindre pour maximiser son efficacité. Un niveau qui, à l’instar de la couverture utile en TV, dépendra sans doute de nombreux facteurs (la marque est-elle leader ou challenger, quelle est sa typologie d’audience, quel est l’environnement publicitaire ?). “A nous de trouver le point d’équilibre pour chacun de nos clients”, conclut Salem Handoura. Du côté d’xpln, qui s’appuie sur des données campaign centrics et des panels, on continue aussi à faire évoluer le produit. “Nous sommes présents sur la vidéo depuis novembre, Youtube depuis janvier et nous regardons ce qu’il est possible de faire sur la CTV, l’IPTV et le social”, précise Fabien Magalon. Autre axe de développement : une intégration aux outils de custom bidding des principaux DSP. C’est déjà effectif chez DV 360, le DSP de Google. Ce sera le cas pour les autres (The Trade Desk, Xandr…) prochainement.