Benoît Coucke (Jellyfish) : “Notre Google dépendance est avant tout dictée par les choix de nos clients annonceurs”


  • Jellyfish est-il “accro” à DV 360 ? Ce dernier représentait… 99% des investissements programmatiques Open Web de la filiale de Webedia en avril 2022, selon une étude réalisée par Adomik pour Minted.
  • Une situation qui tient plus aux choix des annonceurs français qu’à ceux de son groupe, assure Benoît Coucke, VP display et programmatique de Jellyfish.

Minted. Jellyfish, qui a investi 99% de ses investissements programmatiques sur l’Open Web via DV360 en avril 2022, a-t-il un problème de Google dépendance ?

Benoit Coucke. Cette Google dépendance est réelle mais elle n’est pas drivée par les agences médias, comme le sous-entend votre article. La réalité, c’est que nous subissons les choix des annonceurs avec lesquels nous travaillons et que ces derniers se sont considérablement rapprochés de Google au cours des dernières années.

En passant au crible les pratiques des 20 plus gros annonceurs programmatiques du marché français début 2019, vous aviez relevé que 40% d’entre eux passaient par DV360, le DSP de Google. C’était déjà beaucoup. Mais si vous étiez amené à refaire l’étude aujourd’hui, vous découvririez que le ratio est beaucoup plus important. Les deux annonceurs qui étaient chez Appnexus à l’époque (l’ancien nom de Xandr, ndlr), Air France et Se Loger, passent aujourd’hui quasi exclusivement par DV360. 

Et vous n’y pouvez rien ?

Pour rappel, 70% de nos investissements programmatiques sont aujourd’hui opérés via le siège DSP du client. Ce n’est donc pas Jellyfish qui décide d’investir 99% de son budget média programmatique via le DSP de Google, ce sont les choix technologiques de ses clients qui l’y contraignent. En 2018, on était à 50% de DV360 mais le ratio a augmenté à mesure que les annonceurs, auxquels Google vend une solution full stack - Google Analytics, Campaign Manager, DV360 - ont pris un siège chez DV360. La bascule a débuté en 2019 et la tendance n’a depuis fait que se renforcer.

Par ailleurs, je tiens à préciser que l’étude sur laquelle vous vous appuyez n’est qu’une photographie à l’instant T. Comme je vous l’ai expliqué, le pourcentage de nos investissements qui transitent via DV360 dépend de notre portefeuille client. Vous auriez fait cette étude il y a un an, à une époque où nous pilotions encore les investissements programmatiques de la Poste et d’un annonceur du secteur des jeux, vous auriez eu un autre ratio. Car ces deux annonceurs privilégient Xandr et que nous n’avons évidemment aucun souci pour passer par cette technologie avec laquelle nous avons une relation historique forte. 

N’est-ce pas un peu facile de se cacher derrière les choix de l’annonceur ? N’est-ce pas la responsabilité de son agence média, a fortiori celui de Jellyfish qui vient de l’univers du conseil, de l’alerte sur les dangers de mettre tous ses oeufs dans le même panier, surtout quand celui-ci appartient à un groupe qui est juge et parti car il vend aussi de l’inventaire pub ?

Vous avez raison dans l’absolu. Mais c’est dans la réalité beaucoup plus compliqué. Sur les trois appels d’offres annonceurs que nous avons gagnés en 2022, tous avaient déjà contractualisé avec Google. C’est difficile de dire à un annonceur dont vous venez de gagner le budget qu’il faut tout remettre en question. Il faut que la confiance s’installe et qu’en fonction des besoins du client, on corrige le tir, si c’est nécessaire. 

Et ça peut l’être ?

La réalité, c’est que la Google Marketing Platform est bien plus qu’un DSP. C’est une plateforme marketing fullstack et c’est la seule plateforme, avec celle d’Amazon peut-être, qui est capable de réconcilier données site-centric, via Google Analytics, et performances ad-centric, via Campaign Manager. C’est crucial pour les annonceurs qui veulent avoir une meilleure visibilité sur l’efficacité de leurs campagnes publicitaires cross-canal. Ca leur permet de consolider leurs campagnes médias et d’avoir un pilotage unifié du capping. Chose que les DSP “classiques” ne leur permettent pas. Pas plus qu’ils ne leur permettent d’acheter de l’inventaire Youtube. Hors sur plus de 50% des briefs que l’on reçoit, on nous demande d’investir sur cette plateforme vidéo. 

Cela ne vous empêche pas d’utiliser un autre DSP pour le reste de l’inventaire vidéo…

Ce serait fastidieux car ça impliquerait de doubler le temps consacré au set-up et au reporting des campagnes. Utiliser un seul DSP facilite considérablement le travail des équipes.

Utiliser DV360, c’est aussi favoriser l’inventaire servi par Google Ad Manager. N'est-ce pas problématique pour la diversité du Web ?

Oui, on investit plus sur Google Adex quand on passe par DV360 car les connexions sont meilleures et les intermédiaires moins nombreux, ce qui a un impact sur le CPM final. Mais est-ce que cela dessert vraiment l’Open Web ? Dans la mesure où la grande majorité des éditeurs sont aujourd’hui équipés de Google Ad Manager, je ne pense pas, bien au contraire. Et on le voit dans les bilans d’achats qu’on réalise tous les semestres.

Il n’y a donc aucun espoir pour un acteur comme The Trade Desk ?

Nous souhaiterions vraiment pouvoir travailler avec The Trade Desk et des discussions sont d’ailleurs en cours. Mais tout ne dépend pas de nous. Je reste optimiste néanmoins car on sait que le marché du programmatique évolue sans cesse. The Trade Desk a une belle carte à jouer avec la fin du cookie tiers et le développement de média sur lesquels il s’est assez tôt positionné, comme la TV segmentée, l’AVOD ou le DOOH. L’important pour Jellyfish, c’est d’apporter les solutions les plus performantes à ses clients.

Et tant pis si ce n’est pas Google, dont vous revendez la technologie depuis des années ?

Ce sont deux sujets qui n’ont, selon moi, rien à voir. Tout simplement parce qu’il s’agit de discussions différentes. Les annonceurs qui viennent nous voir pour les accompagner dans le déploiement de technologies Google ne font pas de média avec nous. Et depuis que nous sommes Google reseller, il n’y a pas un annonceur auquel nous avons vendu des licences Google après avoir gagné son budget média. Ils sont généralement déjà équipés de solutions Google vendues par un autre reseller et passent, ensuite, les contrats de licences chez nous car ça leur permet de faire des économies. Ca s'arrête là.