“L'égalité des sexes n'est pas seulement une question de morale ou de justice sociale, c'est aussi un facteur clé de réussite pour les entreprises”


  • En cette journée internationale des droits des femmes, Minted est parti à la rencontre du réseau “The Women In Programmatic France”, qui œuvre à l’accompagnement des femmes du secteur de la publicité digitale. 

  • Un réseau qui s’appuie également sur des “alliés” masculin pour porter son combat. 5 d’entre eux - François - Xavier Le Ray (The Trade Desk), Augustin Decré (Index Exchange), Arnaud Russ (Dailymotion), Alexis Bercion (Magnite) et Philippe Guillemot (DK) partagent leur vision du sujet.

Minted. Pourquoi c'est important qu’une initiative telle que The Women in Programmatic Network ait vu le jour ?

Alexis Bercion. En voyant le paysage programmatique, en France ou aux US, on s'aperçoit que ce sont les hommes à la tête de l'industrie ou tout simplement sur le devant de la scène, alors que beaucoup de femmes sont dans l'industrie. Il est donc nécessaire pour moi qu'il y ait des organisations permettant aux femmes de s'exprimer, et de communiquer sur les enjeux d'être une minorité de genre dans le milieu.  

Arnaud Russ. Toute initiative permettant d’échanger sur les bonnes pratiques d’aujourd’hui est une bonne idée, d’autant plus dans un contexte en perpétuel mouvement (cookieless, appels serveurs énergivores, méthodes de trading différentes selon les DSP). 

Augustin Decré. C’est important aussi qu’il y ait un espace (bienveillant et sans plafond de verre) dans lequel les femmes puissent s’exprimer et partager leurs expériences, et surtout être visibles. 

Quel est, selon vous, la place des femmes dans notre industrie ?

Arnaud Russ. Je m'aperçois que, bien qu'il y ait beaucoup de femmes dans les postes dits "fonction support", commerciaux ou de middle management, elles restent peu représentées dans les fonctions engineering ou la direction (position CEO, CRO ou CTO dans les groupes US, ou rôles de "country manager").

Agustin Decré. En France, 90% des régies publicitaires des grands groupes médias sont dirigées par des femmes ! Cela va aussi arriver dans la tech…

Pourquoi soutenez-vous cette initiative ?

Philippe Guillemot. Je la soutiens principalement car ce constat je l'ai fait il y a longtemps et cela m'a dérangé d'avoir toujours les mêmes points de vue, de voir les mêmes têtes et entendre les mêmes discours. On tournait en rond très sincèrement.

Chez Pubstack j'ai créé une table ronde ou justement je n'avais invité que des femmes pour aussi dénoncer cela; Et puis cela permet une prise de conscience et facilite grandement le passage à l'action pour avoir une voix féminine qui soit plus largement représentée et donc motive d'autres personnes à s'exprimer, et permettre à plus de femmes de rejoindre notre secteur. Attention cependant à ne pas "exclure" les hommes et reproduire ce qui a été fait par le passé.

François-Xavier Le Ray. La promotion de l'égalité femmes - hommes concerne aussi bien les hommes que les femmes. Pour progresser vers une plus grande parité dans un secteur largement masculin, il est essentiel que les hommes s'engagent activement aux côtés des femmes.

Alexis Bercion. Je pense aussi qu'il est important pour les hommes de se poser les questions sur leurs actes et méthodes de management et que c'est une des façons d'y arriver. 

Pourquoi pensez-vous que le marché de l'adtech et du programmatique est encore majoritairement masculin et que les femmes y sont sous-représentées (17 % dans notre secteur) ?

Philippe Guillemot. Y-a-t-il un intérêt plus fort des hommes sur ces métiers ? Est-ce un reflet du manque de mixité dans nos écoles d'ingénieur? J'ai étudié l'électronique, dans la promo sur 150 futurs ingénieurs, il y a avait 3 femmes. Le problème date hélas.

Alexis Bercion. Tout vient du mot "tech" qui pour moi est un frein d'entrée dans le milieux, comme peuvent l'être les formations STEM qui ne sont pas encore aujourd'hui plébiscitées par les femmes. Par exemple, si l'on regarde du côté des agences média ou des trading desks, on est bien plus proche de la parité. 

Lorsque des entreprises sont gérées par des hommes notamment dans les milieux tech / ingé, je pense qu'il faut vraiment rassurer les candidates qu'elles ne seront pas dans un "boys club", et aujourd'hui peu ou pas d'efforts est fait dans ce sens. 

François-Xavier Le Ray. La sous-représentation des femmes dans le marché de l'adtech et du programmatique n’est que le reflet d'une réalité ancrée depuis toujours dans les secteurs de la tech et de la publicité, où les femmes sont historiquement sous-représentées. Le problème est bien connu, peu de filles choisissent de s’orienter vers des études scientifiques ou techniques. Il suffit de regarder la proportion de filles dans les écoles d’ingénieur. C'est pourquoi nous devons aussi nous intéresser de près à la formation. Nous avons d’ailleurs noué plusieurs partenariats avec des écoles - de communication notamment, comme l’ISCOM - pour attirer les filles vers l'écosystème numérique.

Comment y remédier ?

Augustin Decré. En tant qu’homme, en étant un allié et en les aidant, en laissant plus de place aux femmes, dans des réunions, des prises de parole, en leur donnant plus confiance… Et en tant que société en soutenant (financièrement) et en faisant la promotion de cette association en externe et en interne. 

Philippe Guillemot. C'est à "elles" de mener cette petite révolution, d'aller dans les écoles et de séduire la future génération. TWIP pourrait monter un partenariat avec certaines écoles pour dès le début de parcours inciter ces jeunes femmes à rejoindre l'adtech. Nous devons les accompagner et favoriser cela à travers nos réseaux et faire des passerelles. 

Alexis Bercion. C'est un problème assez systémique mais on peut commencer par l'égalité du temps d'arrêt obligatoire parental, et une stricte application des lois anti discriminatoires. A titre personnel, si on travaille dans une entreprise qui a 20% de femmes, il faut commencer par se poser la question de pourquoi c'est le cas et comment changer ça. En tant que personne,  se poser la question des biais de genre dans son comportement etc. 

Pourquoi c’est important ?

François-Xavier Le Ray. L'égalité des sexes n'est pas seulement une question de morale ou de justice sociale, c'est aussi un facteur clé de réussite pour les entreprises. Nombre d’études montrent que les équipes les plus paritaires surpassent leurs concurrents, sont plus innovantes, créatives et aptes à répondre aux besoins d'une clientèle diversifiée.

C’est aussi une question de bon sens. La société est diversifiée, la publicité reflète de plus en plus cette diversité. Une équipe marketing se doit d’être aussi diversifiée que les publics qu'elle veut atteindre. Promouvoir l'égalité des sexes dans notre secteur n'est donc pas seulement bon pour les femmes, c'est aussi bon pour la croissance.

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