- Guillaume Grimbert, fondateur de Greenbids, retrace les avancées de son entreprise en programmatique depuis deux ans. Avec 20 employés et une rentabilité atteinte, Greenbids se développe à l’international, notamment aux États-Unis, où 40% de son chiffre d’affaires est généré.
- L’interview aborde trois thèmes clés : l’optimisation du parcours publicitaire (SPO) pour réduire l’empreinte carbone et les coûts, l’adaptation de l’offre pour garantir aux clients performance et durabilité, et enfin, les défis de l’expansion internationale, avec des projets d’implantation aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Minted. Voilà deux ans que vous vous êtes lancés. Où en est Greenbids ?
Guillaume Grimbert. Nous venons de clôre un chapitre symbolique puisque nous avons quitté notre incubateur de toujours, pour emménager dans nos tous premiers bureaux. Il était temps puisque nous sommes déjà 20 collaborateurs dans la société !
Côté finances, nous sommes rentables depuis juin et avons un chiffre d’affaires mensuel qui a fait x15 en un an, même si j’ai conscience que cette statistique à elle seule ne veut pas dire grand chose. Ce qui est fort, en revanche, c’est que ce sont déjà 70% de nos revenus qui viennent de l’étranger.
A quoi est-ce dû ?
Tout simplement parce que notre client type, c’est l’annonceur qui a des antennes dans plusieurs pays, comme Spotify ou Accor A noter que les Etats-Unis pèsent déjà, à eux seuls, 40% de nos revenus.
Allez-vous recruter à l’international pour accélérer ?
Nous avons recruté notre premier country manager, puisque Michael Hanbury-Williams nous a rejoints au Royaume-Uni en septembre dernier. Pour info, il cherche deux sales et trois account managers, si jamais ’il y a des intéressés !
J’ai par ailleurs prévu de m’installer à New York pour amorcer les choses sur ce marché. Même si j’ai bien évidemment conscience que notre succès passera d’abord par le recrutement d’une pointure reconnue localement..
Une pointure de ce genre coûte très cher. Or votre première levée de 1,6 million d’euros commence à dater…
"Le moment de la série A approche"
Cela fait effectivement près de 18 mois que l’on a levé. Le moment de la série A approche..
Qu’est-ce qui a changé en deux ans ?
D’abord, une partie de notre discours puisqu’on lie la problématique de la sustainability avec celle de la qualité du média. Même si en France on est pionniers sur ce sujet de l’empreinte carbone, la réalité c’est que le CMO a d’autres problèmes, plus haut dans sa liste des priorités.
A commencer par le fait qu’il perde pas mal d’argent quand il fait du programmatique. On connaît tous cette étude de l’ANA, qui montre que 64% du budget média se perd dans la chaîne de valeur programmatique. C’est autant problématique pour l’annonceur, qui n’en a pas pour son argent, que pour l’éditeur, qui crée la valeur mais n’en capte qu’une petite partie.
Or, le meilleur moyen d’y remédier, c’est d’emprunter le chemin le plus court vers l’inventaire dudit éditeur. On parle de SPO, supply-path optimisation, une pratique qui est aussi le meilleur moyen d’optimiser son empreinte carbone, puisque les intermédiaires disparaissent. Notre développement commercial s’est vraiment accéléré depuis que l’on lie cette problématique business, réduire le gaspillage monétaire, avec le sujet du gaspillage de carbone.
Vous avez également fait évoluer votre modèle économique…
Pour dépasser certaines frictions, nous avons décidé de garantir la performance. Si vous achetiez des pubs vidéos à X centimes la vue, nous nous engageons à obtenir le même prix… mais en décarbonant de 40%.
Cette offre pèse déjà 30% de nos revenus. C’est un moyen d’apporter de la réassurance au client qui en a besoin puisqu’on lui garantit qu’il fera aussi bien d’un point de vue business, tout en ayant un véritable impact sur le sujet carbone. Et c’est rendu possible par l’efficacité de nos algorithmes d’optimisation.
Peut-on vous imaginer pousser le raisonnement du SPO jusqu’à vous intégrer chez les éditeurs, pour mettre en place une route la plus directe possible comme le fait un The Trade Desk par exemple ?
Je m’interroge sur la pertinence d’un marché où chaque acteur du buyside déploie des routes directes vers les éditeurs. Je ne vois pas en quoi ça résoudrait le problème de fragmentation du marché programmatique.
Ça ne ferait peut-être même que l’accroître. Et c’est problématique parce que le reach est indispensable pour avoir de l’impact.Et puis, je ne crois pas que l’on puisse se passer des DSP et SSP.
A dire vrai, je pense que l’on aurait plus d’impact en offrant notre solution de bid throttling aux éditeurs, comme nous l’ambitionnons à terme, qu’en essayant de déployer un Greenbids Direct.
Vous aidez annonceurs et éditeurs à optimiser le poids carbone de leur diffusion programmatique. A quand une fonctionnalité pour faire de même avec les SSP ?
"Nous venons de signer avec deux SSP"
C’est déjà le cas puisque nous venons de signer avec deux SSP : un acteur international et un acteur français d’envergure. Concrètement, il s‘agit de les accompagner dans leurs actions de traffic shaping, soit le fait d’écouter en priorité les bid requests qui sont susceptibles de les intéresser, mieux qu’ils ne le font aujourd’hui.
Jean-Baptiste Pettit, votre CTO, nous confirmait son ambition de passer d’un produit qui agit au sein de prebid à un produit qui concerne toute la monétisation publicitaire de l’éditeur, adserver compris. Vous confirmez ?
Oui, cela permettrait, par exemple, à un éditeur qui a vendu en gré à gré une campagne qui préempte toutes ses impressions, de couper prebid. Les gains carbone seraient encore plus conséquents.
Nous avons commencé par prebid car c’était le meilleur moyen de faire adopter rapidement notre produit, en le déployant sous la forme d’un module open source. Mais l’ambition, c’est bien de devenir le leader mondial de l’optimisation de la performance business et carbone de la publicité digitale. Et donc d’aller, à terme vers le retail media, la CTV…
Accompagner tous ces nouveaux environnements dans leur croissance pour, on l’espère, éviter qu’ils reproduisent certaines erreurs commises sur le programmatique Web, où les usines à gaz sont nombreuses.
Peut-on vous imaginer aller jusqu’à agir dans des environnements “offline”, comme la TV ou la radio ?
La TV non, la CTV oui. Le cœur de notre expertise, c’est vraiment le média digital en général et le programmatique en particulier. Et c’est déjà largement suffisamment pour aller là où nous voulons, puisqu’on parle d’un marché de 300 milliards de dollars, avec des barrières à l’entrée forte.
Votre périmètre d’action est aujourd’hui limité à l’Open Web. Or on sait que Meta, Google, Snap ou encore TikTok captent l’essentiel des investissements…
Nous travaillons effectivement sur un algorithme qui permettrait d’optimiser la partie sociale. C’est aussi prévu pour début 2025.
Vous aurez beaucoup moins de marge de manœuvre en termes d’optimisation carbone, puisque le SPO n’est pas possible sur ces plateformes où il n’y a déjà qu’un chemin d’accès…
C’est vrai mais il y a beaucoup à faire sur la qualité de l’inventaire publicitaire. C’est facile d’acheter cher de l’inventaire de qualité sur ces plateformes. Ca l’est beaucoup moins de le faire à un prix compétitif. Et ça change tout d’un point de vue carbone.
Nos algorithmes auront pour principal enjeu de détecter les meilleures opportunités d’affaires tout au long de la journée.
Certaines grosses agences médias misent sur le développement d’algorithmes de custom bidding propriétaires. Algorithmes qui intègrent évidemment la dimension carbone. Autant de nouveaux concurrents ?
C’est logique que les grosses agences médias lancent des solutions technologiques pour améliorer leurs opérations. Leur modèle d’affaires est hyper challengé ! Une récente étude d’eMarketer attestait que le big 5 avait perdu 30% de ses clients sur les 5 dernières années.
Le problème, c’est qu’une partie du modèle économique des agences repose sur les partenariats qu’elles nouent avec certains de leurs fournisseurs. Ce qui pose forcément la question de la neutralité de l’arbitrage, puisque la marge de l’agence média diffère d’un partenaire à un autre.
C’est sans doute ce qui explique la faible confiance qu’ont beaucoup d’annonceurs dans les agences, alors qu’elles apportent une valeur extraordinaire sur des sujets comme la créa…
Et pas le média programmatique ?
Disons que l’équation est compliquée pour les agences. Ont-elles les moyens de rivaliser dans un domaine où ils font autant investir en développement ? Je m’interroge car elles manquent de ressources par rapport à des adtech comme les nôtres.
Des acteurs comme Publicis Media ou Group M ont quand même les moyens d’investir autant sur le sujet qu’un Greenbids…
Oui mais ils ont tellement d’autres sujets sur la table... Alors que c’est notre seul focus chez Greenbids, par exemple. Et puis, j’en reviens encore à la nécessité d’avoir un tiers de confiance. Le procès du ministère de la justice US à l’encontre de Google est venu le rappeler : quand vous êtes présents des deux côtés de la chaîne, comme l’est Google, avec Google Adex et Google Ad Manager, vous finissez par favoriser vos propres intérêts.
C’est la raison pour laquelle un acteur comme Scibids a cartonné en si peu de temps. Il y avait besoin d’un tiers pour démocratiser le sujet du custom bidding.
Scibids, c’est une exit à plus de 100 millions d’euros en l’espace de quelques années. C’est l’objectif ?
Ce qu’ont réalisé les fondateurs de Scibids est évidemment extraordinaire et une inspiration. Nous allons essayer de suivre la même trajectoire, en termes de développement à l’international comme d’exit.
Ils ont vraiment ouvert la voie. A ceci près que nous ne nous contenterons pas d’acheter le CPM le plus bas, nous le ferons en prenant en compte l’impact carbone. Les mentalités ont beaucoup évolué depuis le lancement de Scibids, il y a 8 ans. On pourrait dire qu’on est une version 2024 de Scibids !