C’est l’un des nouveaux arrivants de l’écosystème publicitaire et c’était, de ce fait, l’une des attractions des Cannes Lions. Uber Advertising était en bonne place sur la Croisette et Minted en a profité pour rencontrer le patron de sa division France, Grégory Blay-Desforges.
Nous avons discuté des contours de l’offre publicitaire d’Uber, rebondi sur les dernières annonces et fait le point sur ses facteurs clés de différenciation dans un marché très encombré.
Grégory Blay-Desforges est le patron d'Uber Advertising France
Minted. Uber a annoncé à l’occasion des Cannes Lions qu’il allait nourrir Omnicom Media Group en data, pour lui permettre d’optimiser les campagnes médias de ses clients aux Etats-Unis. Peut-on imaginer un deal similaire en France ?
Grégory Blay-Desforges. Franchement, on n’y est pas encore. Cela ne fait que 7 mois que j’ai rejoint Uber pour chapeauter sa division advertising en France. C’est court et, pour être honnête, nous en sommes encore à un stade où nous construisons notre offre et l’équipe qui va avec. J’aime bien dire que nous sommes un petit acteur, parce que nous ne sommes qu’une dizaine dans mon équipe dans l’Hexagone, mais un petit acteur qui a un grand nom, parce que la marque Uber est reconnue globalement. La priorité, c’est vraiment de consolider ça, avant de réfléchir à passer des deals tels que ceux que vous évoquez.
Il y a un peu plus d’un an, Minted dévoilait les ambitions publicitaires d’Uber, qui venait de recruter Mark Grether, un ancien d’Amazon. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Vous relayiez à l’époque son ambition d’atteindre le milliard de dollars de revenus publicitaires en 2024. Je peux vous confirmer que nous respectons les temps de passage.
Comment se structure aujourd’hui votre offre ?
Uber Advertising, c’est une régie qui a pour vocation de monétiser l’inventaire des deux applications grand public du groupe : notre application de mobilité, Uber, que nous appelons “Ride” en interne et Uber Eats, notre service de livraison de repas et de courses.
Sur le premier, vous allez plutôt trouver des formats branding, plutôt haut de funnel. Sur le second, on a tout le spectre du retail media : du “direct response”, avec la possibilité d’apparaître en haut des résultats de recherche, et des formats un peu plus “upper funnel”, comme le format “Post Check out”, qui permet à un annonceur de faire apparaître une pub display sur la page où l’utilisateur suit l’évolution de sa commande.
Et votre équipe ?
Elle est structurée en trois pôles. D’abord, un pôle Quick services restaurants (QSR) qui se concentre sur les annonceurs endémiques de Uber Eats et leur propose toute une série de dispositifs : direct response, display classique ou OPS. Ensuite, un pôle CPG qui travaille main dans la main avec les supermarchés auprès desquels les utilisateurs de Uber Eats peuvent se faire livrer leurs courses. Nous proposons aux marques CPG de mieux être visibles dans ces espaces e-commerce. Et enfin un pôle qui est dédié aux annonceurs non endémiques, auxquels nous vendons des formats “Journey Ads” sur la partie Ride et “Post Check Out” sur la partie Uber Eats.
On ne compte plus les acteurs qui lancent leur division publicitaire. Qu’est-ce qui vous différencie des autres ?
Il y a d’abord le fait que nous proposons un véritable écrin publicitaire aux annonceurs qui choisissent notre format “Journey Ads” pour la partie Ride. Sur ce format, l’annonceur a 100% de part de voix sur trois écrans consécutifs (quand l’utilisateur cherche un chauffeur, quand il vérifie où il en est et quand il est à bord) pour la cible qu’il a choisie. C’est d’ailleurs une spécificité d’Uber, on vend le format au CPT, coût par trajet.
Et puis il y a le ROI, puisque quand pas mal de concurrents se contentent de remonter les impressions qui sont visibles selon les standards du MRC (plus de 1 seconde de temps d’affichage avec au moins 50% de la bannière qui est affichée, ndlr), nous revendiquons des performances bien supérieures. Si je prends l’exemple de Zadig & Voltaire, qui a récemment diffusé une campagne chez nous, c’est plus de 3 minutes 30 de temps passé, en moyenne. Et c’est une exposition qui est loin d’être passive puisqu’on parle d’un taux d’engagement (on peut swiper les bannières, ndlr) de l’ordre de 4% et d’un taux de clic de plus de 3%, quand la moyenne en France doit avoisiner les 0,7% sur ce KPI.
D’où viennent ces statistiques ? De tiers certifiés ?
Non, ce sont des statistiques internes mais nous discutons actuellement avec certains partenaires accrédités par le MRC pour les intégrer.
C’était quoi la population visée par Zadig & Voltaire ?
Zadig & Voltaire était intéressé par un segment “luxe”, que nous avons pu établir en nous appuyant sur les déplacements de nos utilisateurs : ceux qui se rendent dans des magasins ou des hôtels appartenant à cette catégorie. On peut évidemment en proposer d’autres. Le Service d’Information du Gouvernement a choisi un ciblage “utilisateurs de Uber Green” pour sa campagne “chaque geste compte” car il estimait que c’était un public affinitaire.
Le scale, c’est le nerf de la guerre. Ces deux annonceurs ont-ils été satisfaits de ce point de vue ?
Nous ne sommes évidemment pas comme un réseau social qui peut créer de l’inventaire à l’infini, en affichant des publicités entre deux contenus consultés par l’utilisateur. Nous sommes forcément contraints là-dessus puisque notre inventaire sur la partie “Ride”, c’est le nombre de trajets effectués par les utilisateurs. Pour rappel, nous avons 5 millions de “riders” en France depuis début 2023.
Et combien de trajets effectués ?
Nous ne communiquons pas ce chiffre. Uber a une audience plutôt jeune, urbaine et CSP+, qui intéresse évidemment beaucoup d’annonceurs. L’un d’entre eux a d’ailleurs décidé de diffuser sa campagne sur 100% des trajets, la semaine dernière en France, pour maximiser l’impact.
Aujourd’hui, la gestion des campagnes s’opère en gré à gré. Ça pourrait être en programmatique en jour ?
C’est une méthode de vente qui est intéressante pour démocratiser une offre mais ce n’est pas la priorité du moment. On a bien d’autres choses à faire avant cela.
Vous dealez plutôt avec les annonceurs en direct ou avec leurs agences médias ?
C’est très variable. C’est évident que c’est plus simple pour une petite équipe comme la nôtre de pouvoir s’appuyer sur les agences pour travailler avec un maximum d’annonceurs. Mais nous travaillons aussi avec certains en direct.
C’est quoi le poids d’un marché comme la France pour Uber Advertising ?
Que ce soit sur la partie “Ride” ou Uber Eats, la France est un des tops marchés d’Uber en dehors des Etats-Unis. Nous sommes présents dans 27 villes de l’Hexagone sur la partie Ride et 350 villes pour ce qui est de Uber Eats, qui héberge plus de 45 000 restaurants et est l’application de livraison la plus téléchargée en France, avec plus de 20 millions de téléchargements. Donc je peux vous dire que les attentes sont élevées et que nous serons prioritaires dans le déploiement des nouveaux formats.
Uber Advertising a annoncé celui de la vidéo au sein de “Journey Ads” aux Etats-Unis. La France, c’est pour bientôt ?
Mark Grether a annoncé que cela se ferait d’ici la fin de l’année, je ne peux pas vous donner plus de précisions.
Un dernier mot ?
Vous savez, cela fait un moment que je suis dans les médias et j’ai eu l’occasion de connaître plusieurs révolutions. Celle d’Internet qui, à l’époque où j’étais chez TF1 Pub, a évidemment bouleversé la domination des TV. Celle du mobile, avec l’émergence de Facebook qui était, à l’époque, le seul capable de réconcilier desktop et mobile, grâce à son login. Rappelez-vous, personne à part eux, n’était capable de le faire au début. Et puis il y a eu la vidéo, qui a inondé la plupart des médias et la révolution retail media, dont on parle beaucoup en ce moment, et à laquelle Uber Eats prend aujourd’hui part.
Mais la révolution la plus structurante, c’est peut-être celle que nous vivons en ce moment et qui voit les acteurs qui monétisent leur inventaire via de la donnée tierce être très challengés. Il y a eu l’arrivée d’IOS 14 et d’ATT qui considérablement réduit le tracking cross-application. Puis les recommandations de la Cnil en matière de cookies, suite à l’entrée en vigueur du RGPD, qui ont fait de même pour le desktop. Et il y a évidemment la disparition annoncée des cookies tiers de Chrome qui, même si elle ne cesse d’être repoussée, arrivera tôt ou tard. La réalité, c’est que cette nouvelle ère va consacrer les plateformes qui ont de la donnée propriétaire. La bonne nouvelle, pour nous, c’est qu’Uber est plutôt bien pourvu en la matière.
Ce qui vous permettrait de faire du CRM onboarding via une clean room, comme le font aujourd’hui pas mal d’acteurs du retail media…
Pour cibler leurs clients ou en exclure, et faire aussi du look alike, comme sur les principales plateformes sociales. C’est le sens de l’histoire mais on n’y est pas encore.