Gen AI et programmatique : ce qu’en pensent les spécialistes


  • Nous avons fait réagir cinq expert(e)s du trading programmatique à la démo de Viant AI, ce nouveau assistant de campagne dopé à l'IA générative qu'un DSP américain vient de lancer. Voici les réflexions que cette dernière leur inspire. 

Florent Couton, head of business & marketing programmatic Havas Media Network

“La démo de Viant AI est, sur le papier, une promesse incroyable pour tous ces collaborateurs en agence média qui viennent des médias traditionnels et peuvent avoir du mal avec la complexité du programmatique. 

Pour autant, attention à ne pas simplifier le métier du média planning et du media buying à son extrême. Attention aussi à challenger les recommandations de l’outil. Sur quelles données s’appuient-elles ? C’est bien d’avoir l’historique des campagnes réalisées via le DSP mais ce n’est pas suffisant… Aujourd’hui, on prend bien d’autres variables en compte : données Médiamétrie, données d’attention, données carbone… Tout cela, la plateforme ne le prend pas en compte. Pour l’instant ? Et avec quel niveau de sécurité et d'opacité à terme entre les annonceurs ?

Un DSP de la sorte, efficient sur l'ensemble des marchés et leurs propres spécificités semble être un doux rêve. Si les principales plateformes généralistes n'y vont pas encore, pour celles qui pourraient mettre en place cette logique d'IA générative, c'est avant tout parce que les users ne sont pas prêts : l'IA peut souvent être déceptive quand on ne sait pas comment lui parler via les prompts mais également parce que cette industrialisation est donc à date impossible.

La bataille entre les DSP dominants réside aujourd'hui sur l'IA prédictive via les algorithmes custom et la bascule de l'univers TV en programmatique. Les questions sont encore nombreuses et vous l’aurez compris, il est important de s’appuyer sur le savoir de l’agence en matière de planning stratégique et conseil média pour affiner les problématiques de l’annonceur.”

Thomas Allemand, VP adtech et supply de Jellyfish

“L’IA générative peut être aussi un excellent outil pour permettre aux traders de ne jamais aller à l’encontre des golden rules. Les golden rules, ce sont des règles qu’ils sont tenues de suivre au moment d’opérer les campagnes : s’assurer d’un niveau de visibilité de X%, ne jamais travailler avec tel ou tel provider. 

Le problème, c’est qu’elles sont souvent répertoriées dans différents documents qui sont mis à jour et que les traders n’auront pas toujours bien en tête. Intégrer ces golden rules via un master prompt qui permet de s’assurer que les recommandations média planning n’iront jamais à leur encontre serait un moyen intéressant d'uniformiser les pratiques de trading notamment pour le setup des campagnes.” 

Nicolas Chite, data science senior manager chez Ekimetrics

“La complexité des outils d’achat programmatique n’est un mystère pour personne. Intégrer un assistant AI comme le fait Viant et comme le feront sans doute d’autres DSP permet de préserver cette complexité, qui est indispensable à l’optimisation des campagnes, tout en la rendant intelligible pour les non-initiés, qu’il s’agisse d’un consultant média ou d’un annonceur. 

Ca a aussi le mérite de défausser l’acheteur des tâches techniques à faible valeur ajoutée, pour qu’ils se concentrent sur ce qui a le plus de valeur : l’intégration de la data en amont, pour nourrir le modèle, et le volet créatif. Il faut néanmoins faire attention à ce que les LLM qui nourrissent ces agents ne se cantonnent pas au média digital. 

On attendra d’eux, un peu comme le fait un modèle de marketing mix modeling, qu’ils aillent plus loin : mesurer la saturation des leviers entre eux, benchmarker les communications de la concurrence, observer l’impact sur les ventes. En bref, avoir une vision holistique.”

Antoine Saglier, PDG de ZBO Media

“Avant même de parler d’optimisation des campagnes médias, je pense que l’IA générative peut faciliter les relations entre une agence média et ses clients, en lui permettant d’accéder à la donnée à l’aide de simples questions, plutôt que de chercher l’information. L’IA générative analyse la demande et la convertit en requête API sur l’entrepôt de données statistiques.

En aval, les accounts manager y gagneraient à pouvoir dire en quelques minutes à leur client que la dernière campagne a bien fonctionné car elle a généré un taux de complétion de X% versus tant pour la moyenne du secteur, par exemple. Ce n'est pas toujours évident de structurer ce SAV et l'IA générative peut y aider !

Dans la même logique, en interrogant différentes données statistiques (multi clients, historique…) , l’IA générative sera à même d’aller plus loin et capable de répondre à des questions plus avancées en amont des campagnes dans la construction des plans medias : Pourquoi est-ce que vous me recommandez ce média là ? Pourquoi est-ce que vous estimez ce niveau de CPM ? Ce sont autant de questions auxquelles les agences doivent souvent répondre en amont, sans pour autant être capable de toujours y apporter des réponses détaillées."

Souaade Agmir, head of trading Publicis Media

“Le nouveau standard de l’achat programmatique, c’est le sur-mesure, c'est-à-dire l’utilisation d’algorithmes de custom bidding pour calibrer l’optimisation d’une campagne qui intègrent différentes variables d’objectifs (trafic, attention, carbone…) d’un client. C’est possible grâce à un scoring qui va pondérer les différentes variables en fonction des priorités. L’IA générative va permettre de pousser ce modèle plus loin. A condition, évidemment, d’être correctement nourrie. 

C’est le principe du ‘garbage in, garbage out’. Si vous ne donnez pas les bonnes infos en entrée, vous aurez des résultats décevants en sortie. Ces informations, ce sont bien souvent les agences médias qui les ont, il est donc important qu’elles soient au cœur de ce genre de dispositifs. 

C’est d’autant plus vrai qu’on aura toujours besoin d’humain pour aller au-delà. Parce que l’IA aura toujours tendance à vous donner la réponse la moins risquée, à défaut de vous donner la meilleure réponse. On a besoin de la créativité du cerveau humain pour proposer des campagnes médias performantes et différenciantes.”