- Toudoum ! La publicité arrive sur Netflix ce 3 novembre à l'occasion d'un lancement mondial qui inclut la France.
- L'occasion pour Minted d'analyser les contours de cette offre très attendue. CPM, types de spots et de ciblages disponibles... On vous dit comment Netflix espère réaliser plus de 600 millions de dollars de revenus publicitaires en France en 2024.
Confronté à la stagnation de son nombre d’abonnés, à la concurrence effrénée de géants comme Disney ou Amazon et à l'explosion de ses investissements en contenu, Reed Hastings a changé son fusil d’épaule. Alors que le fondateur de Netflix s’était toujours montré hostile à l’arrivée de la publicité sur Netflix, cette dernière fait son apparition en France le 3 novembre à 17h. Le lancement s’est fait simultanément dans 11 autres pays : Canada, Etats-Unis, Mexique, Brésil, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Allemagne, Japon, Australie, Corée du Sud. Voici tout ce qu’il faut savoir.
49 euros du CPM pour un spot de 30 secondes
Non, la publicité n’est pas vendue à 65 euros du CPM sur Netflix, comme c’est le cas aux Etats-Unis. Un tarif qui avait hérissé le poil de plus d’un acheteur média et que la plateforme vidéo, consciente qu’elle risquait d’être hors marché, a revu à la baisse pour la France. S’afficher chez Netflix reste néanmoins un luxe : comptez tout de même 49 euros du CPM (coût pour mille impressions) pour un spot de 30 secondes. A peine moins cher pour le spot de 15 secondes, qui est facturé à 39 euros. Dans la lignée de ce qui se fait sur Youtube, un spot de 20 secondes devrait être proposé début 2023, sans doute autour des 45 euros du CPM.
Évidemment pas donné quand on sait que le CPM se négocie autour des 10 euros sur la marché français de la vidéo en ligne et que les deux acteurs les plus premiums, MyTF1 et 6play, le monnaient au (grand) maximum autour des 20 euros. La comparaison avec les prix pratiqués par la TV linéaire non adressée est encore moins flatteuse puisque cette dernière est, dans l'Hexagone, 5 à 10 fois moins chère que la pub sur Netflix.
Une offre réservée aux très gros annonceurs…
La facture est d’autant plus salée que Netflix imposera aux annonceurs un investissement annuel minimum. Rien de surprenant, Snap et TikTok ont procédé de la même manière lors de leur lancement. Il fallait débourser au moins 100 000 euros pour faire partie des premiers annonceurs de TikTok. Le ticket est encore plus élevé sur Netflix. Il n’a pas encore été arrêté mais devrait, selon nos estimations, s’élever à 30 000 euros par campagne et plusieurs centaines de milliers d’euros par an.
Un ticket à 30 000 euros par campagne et plusieurs centaines de milliers d’euros par an
Une formalité pour les plus gros annonceurs du marché TV, qui déboursent plusieurs dizaines de millions d’euros par an. Un vrai arbitrage pour les autres (et ils sont nombreux) dont le budget est plutôt situé entre 1 et 10 millions d’euros dans la mesure où Netflix représenterait au moins une dizaine de pourcents de leur plan TV.
… et surtout aux plus beaux annonceurs
Il n’y a, de toute façon, pas de la place pour tout le monde. Netflix opère sur une ligne de crête : pas question de dégrader l’expérience utilisateur en matraquant ce dernier de publicités. Cela commence par une gestion drastique du “frequency capping”. Un utilisateur ne peut pas voir la même publicité plus d’une fois par session et plus de trois fois par jour. La montée en charge publicitaire se fera, elle, très progressivement et les annonceurs élus sont triés sur le volet. Les équipes de Xandr, en charge de la commercialisation de l’offre, le disent clairement : elles seront très regardantes sur la qualité des spots publicitaires. En d’autres termes, il est probable que vous voyiez surtout les publicités d’annonceurs du luxe et de l’automobile plutôt que celles des lessiviers, hypermarchés et autres gros acheteurs de TV. Parmi les premiers annonceurs choisis, on retrouve notamment Universal Pictures et Axa. Trois secteurs sont interdits de publicité sur Netflix : l’alcool, les cryptomonnaies et les jeux d’argent / paris en ligne.
Un inventaire très limité au début…
“Netflix veut construire la Roll’s Royce de la publicité”, explique un acheteur média. Cette recherche de l’hyper-premiumisation se traduit par une grande exigence vis à vis de la qualité des spots affichés mais aussi de leur durée. Pas plus de 4 minutes de publicité par heure et une durée d’écran publicitaire, c'est-à-dire la durée de la pause publicitaire, qui est limitée à 75 secondes. C’est très peu comparé aux standards de la TV linéaire. A titre de comparaison, une chaîne privée peut en diffuser jusqu'à 12 minutes par heure, avec des écrans publicitaires qui montent à plus de 5 minutes.
Les équipes de Xandr tablent sur un total de 13 millions d’impressions publicitaires le premier mois, 30 millions le second
L’offre de Netflix est, sur ce critère, plutôt comparable avec ce qui se fait dans la vidéo en ligne. Les spots affichés sont ainsi d’une durée de 15 à 30 secondes. Netflix fera d’ailleurs preuve d’une grande parcimonie puisque l’utilisateur ne verra qu’un pré-roll lorsqu’il visionne un film produit par Netflix. Le mid-roll n’est, lui, proposé que pour les films et séries sous licence, de même que les séries made in Netflix. Il n’apparaît qu’à partir de 20 minutes de visionnage. Ce qui donne, pour une série de moins de 20 minutes : pre-roll au début, enchaînement vers 2e épisode sans pub entre les 2 puis déclenchement du mid-roll à partir d’un certain temps de visionnage. Pas de post-roll en revanche. Vous l’aurez compris, il y aura donc très peu de publicités. Du moins au début. Les équipes de Xandr tablent sur un total de 13 millions d’impressions publicitaires le premier mois, 30 millions le second. Cela reste anecdotique par rapport à un acteur comme MyTF1 dont le potentiel publicitaire est de plusieurs centaines de millions d’impressions par mois.
… mais un objectif de plus de 600 millions d’euros de revenus publicitaires sur le marché français en année 2
Évidemment, Netflix ne compte pas s’arrêter là et l’objectif affiché, au bout d’un an, est lui très ambitieux : 1 milliard d’impressions publicitaires par mois. “C’est l’inventaire VOL de TF1, France TV et M6 réunis, avec une qualité que l’on n’a pas sur Youtube”, prévient notre acheteur. Et cela permettrait à Netflix d’atteindre les 50 millions d’euros de chiffre d’affaires publicitaire mensuel en à peine un an. Un calcul élémentaire nous permet donc d’affirmer que, si l’offre publicitaire de Netflix se développe conformément à ses prévisions, elle lui permettra de réaliser au moins 600 millions d’euros de chiffre d’affaires publicitaire en année 2 sur le marché français. Encore loin des 1,7 et 1,14 milliard de dollars de revenus publicitaires réalisés par TF1 et M6 en 2021 mais de quoi l’installer dans le top 5 des régies vidéos (TV, vidéo et autres) en France.
Un inventaire vendu en programmatique ou gré à gré…
L’inventaire publicitaire sera commercialisé en programmatique via la technologie de Xandr et en gré à gré, via une équipe qui doit être constituée. Les possibilités de ciblage seront, dans un premier temps, très limitées. Les annonceurs ne pourront ainsi pas choisir les programmes auxquels ils pourront associer leur marque. Ils devront se contenter de ciblage par genre : fiction, documentaire… Cela risque de décevoir pas mal d’annonceurs mais c’est un début. À terme, Netflix prévoit de permettre à une marque de sponsoriser la nouvelle saison d’une série, par exemple. Les ciblages Top10 (environ 50% du volume de consommation) et par genre seront disponibles au premier trimestre. Des options de ciblage aujourd’hui incontournables - socio-démo, géographie, consommation de contenu, device - arriveront plus tard dans l’année.
Mais encore beaucoup de choses à fignoler
“Netflix fait, ici encore, les choses très progressivement et c’est une bonne chose, observe notre acheteur. Mais la plateforme devra très vite muscler ses fonctionnalités. Très peu de mes clients seront susceptibles de signer un chèque de plusieurs centaines de milliers d’euros sans avoir l’assurance que les outils de ciblage et de reporting sont au niveau.” Pas de mesure d’audience de prévu via Médiamétrie. Du moins pas avant un petit moment. “On n’aura pas de notion d’apport de couverture incrémentale par rapport à un plan TV, déplore notre acheteur. Netflix sera vendu, dans un premier temps, comme une offre 100% digitale.” Du moins en France, car au Royaume-Uni, l’équivalent de Médiamétrie, Barb, sera intégré à Netflix. L’intégration des outils de mesure de la qualité d’exposition publicitaire, IAS et Double Verify sera, elle, possible au premier trimestre 2023. Pas d’outil de tracking externe : la création est hébergée par Netflix, qui ne permet pas la dépose de cookies tiers. Les créations seront non cliquables au lancement. Les choses changeront peut-être par la suite.
Dans un premier temps, seul le DSP de Xandr permettra d’accéder à l’inventaire de Netflix. Il n’est néanmoins pas exclu que la plateforme s’ouvre à d’autres DSP comme The Trade Desk. Difficile, en revanche, d’imaginer DV 360, le bras armé de Google y accéder.