- La plateforme Adrenalead offre sa solution de notifications Web aux éditeurs qui acceptent de lui confier la monétisation de leur parc d’abonnés notifications web.
- Les groupes Marie Claire, Reworld Media et Planet se sont laissés tenter par ce levier de croissance publicitaire… qui n’est pas sans risques. Je vous dis pourquoi.
De la publicité dans les notifications envoyées aux visiteurs de son site Web ? C’est le pari fait par plus de 600 éditeurs français, dont les plus connus sont les groupes Marie Claire, Reworld Media et Planet et qui ont décidé, entre deux notifications pour des articles de leurs journalistes, de faire la promotion de marques. Abonné depuis quelques jours à celles de modesettravaux.fr, marieclaire.fr et planet.fr, j’ai ainsi été exposé à des publicités mettant en avant la Fnac, Renault ou Showroomprivé.
Si vous n’êtes pas familier du format, un petit rappel. Les internautes sont invités, lors de leur première visite sur un site, à s’abonner ou non aux notifications de ce dernier. La mécanique d’abonnement, une pop-up qui s’affiche en haut à gauche de leur écran quasiment au niveau de l'URL du site, est gérée par leur navigateur Web mais les éditeurs qui veulent booster leur taux d’opt-in peuvent décider d’adjoindre une bannière personnalisée au message très générique que diffuse le navigateur, comme dans l’exemple de Marie Claire ci-dessous.
Une fois abonné, vous êtes alerté, en bas à droite de votre écran, lorsque le site concerné décide de pousser une information. C’est, généralement, un article qu’il a envie de promouvoir, voire une proposition d’abonnement à son offre payante. Et ce sont désormais parfois des publicités, pour les sites des groupes Marie Claire, Reworld Media et Planet, qui sont tous clients de la plateforme Adrenalead. “Nous leur proposons notre solution SaaS à titre gracieux, dès lors qu’ils nous confient la monétisation de leur parc d’abonnés notifications web”, explique Edouard Ducray, cofondateur de la solution française. L’éditeur accepte ce faisant qu’Adrenalead sollicite sa base d’abonnés push pour y diffuser les campagnes de ses partenaires.
Economiser le coût de licence d'une solution de notification classique et générer du chiffre d'affaires publicitaire incrémental
Pour l’éditeur, le bénéfice est double, explique Edouard Ducray. D’abord, il économise les coûts de licence d’une solution de notifications web notification classique. Compter plusieurs milliers d’euros par mois selon les sites, pour ce type d’outils qui, comme ceux de Batch et d’Airship, permettent aux médias de booster leur trafic en mettant en avant certains de leurs articles. Pas indolore financièrement à en croire Jérémy Parola, directeur des activités digitales de Reworld Media. “Prenons l’exemple d’un site avec un RPM visite de 5 euros, il faudrait que la solution lui permette de générer quelques millions de visites par mois pour être à peine rentable”, chiffre le dirigeant qui n’hésite plus, depuis un peu plus d’un an, à remplacer le prestataire des titres qu’il acquiert par la solution d’Adrenalead.
Il a d’autant moins de scrupules qu’Adrenalead lui permet également de générer du chiffre d’affaires incrémental. La plateforme lui reverse en effet une somme conséquente chaque année, qui équivaut à un pourcentage des revenus liés aux campagnes diffusées via ses bases. “Cela se fait en bonne intelligence, précise Jérémy Parola. On peut décider de bloquer certains annonceurs, parce qu’on préfère travailler en direct avec eux ou qu’on n’apprécie pas leur profil. À l’inverse, Adrenalead ne manque pas de nous contacter lorsqu’il estime qu’on ne lui offre pas assez de volume d’impressions.”
La régie doit en effet composer avec le nombre de slots que l’éditeur veut bien lui laisser commercialiser. Plus ce dernier s’approche de la limite quotidienne qu’il s’est fixée (généralement entre 5 et 10 notifications par utilisateur) pour son propre compte, en poussant des articles qu’il a envie de valoriser ou des OPS de partenaires auxquels il a promis du volume, moins Adrenalead a de marge de manœuvre pour diffuser ses campagnes.
“Nous sommes dans le top 5 des plus gros fournisseurs de trafic pour Criteo en France”
Si Edouard Ducray explique entretenir de bonnes relations avec certaines agences médias, “comme Publicis Media, Remind et Havas ou Adclick”, 70% du chiffre d’affaires d’Adrenalead est aujourd’hui réalisé en open auction, via des partenaires comme Criteo, Equativ, Xandr, Pubmatic ou encore Outbrain. Le retargeting est, de fait, l’un des principaux mode d’activation de l’outil. “Nous sommes dans le top 5 des plus gros fournisseurs de trafic pour Criteo en France”, assure Edouard Ducray qui précise que son taux de clic, “qui va de 5% pour un opt-in de moins de 15 jours à 0,4% pour les plus gros volumes”, est carrément décuplé en retargeting.
Un format immunisé contre les ad-blockers
“Nous sommes en forte croissance sur les deux dernières années”, se réjouit Edouard Ducray. Il faut dire que le format a de nombreux avantages. À commencer par le reach, puisque Adrenalead revendique une base de plus de 50 millions de profils et que ses publicités s’afficheront en bas à droite de l’écran de chaque utilisateur, qu’il soit ou non sur le site aux web notifications desquelles il est abonné. “Et même s’il a un ad-blocker, les web notifications y étant immunisées”, précise Edouard Ducray. Pour les éditeurs, dont l’inventaire display on-site commence à s’essouffler et n’est pas extensible à l’infini, c’est forcément alléchant. Pour les annonceurs qui sont, eux aussi, à la recherche de nouveaux points de contacts, ça l’est tout autant. “D’autant que le format est brand safe, puisqu’il n’y pas de risque que la publicité s’affiche sur une page Web exotique”, précise Edouard Ducray.
Et le respect de la vie privée dans tout ça ? “La récolte et le stockage du consentement sont gérés par le navigateur. Nous n’avons pas la main là-dessus”, rassure Edouard Ducray. Et de rappeler que c’est d’ailleurs la configuration que la Cnil avait, à l’époque, proposée. Avant d’ajouter : “L’utilisateur peut se désinscrire au système de notification directement depuis l’une d’entre elles. C’est quand même beaucoup plus simple que pour le ciblage via les cookies.” Et on ne peut plus respectueux du RGPD donc. À condition que le média concerné récolte une permission spécifique et informée pour les messages publicitaires, ceux des partenaires, ce qui ne semble pas toujours le cas”, nuance Patrick Mareuil, MD EMEA d’Airship, solution de notifications concurrente d’Adrenalead.
Le RGPD n’est sans doute pas le seul caillou dans la chaussure des médias qui se laisseraient tenter. La principale menace pourrait venir des navigateurs qui ont, comme rappelé plus haut, la mainmise sur cette fonctionnalité. Et, s’ils n’excluent pas la diffusion de publicité, comme Apple et Google le font pour les push notifications in-app, ces acteurs, qui ont à coeur l’expérience utilisateur, pourraient très bien changer de position en cas d’abus. “C’est ce qui m’inquiète le plus”, témoigne un éditeur qui préfère ne pas tenter l’expérience.
Edouard Ducray se veut, lui, rassurant. “Rien n’indique que c’est un risque. Au contraire, le vent tourne plutôt favorablement, puisqu’Apple a récemment fait volte-face sur le sujet pour les notifications in-app”, explique le dirigeant. Un argument qui fait hérisser les poils d’un acteur du secteur, qui assure qu’il ne s’agit pas du tout de publicités mais de messages auto-promotionnels et de marketing direct. En lien avec l’activité de l’éditeur de l’application donc. “S’il s’agissait de publicités, Apple l’aurait écrit en tant que tel”, poursuit notre expert.
Patrick Mareuil rappelle, de son côté, les risques encourus par les médias pris en faute. “Les navigateurs monitorent les comportements des utilisateurs vis-à-vis des notifications web. Si des utilisateurs se plaignent des notifications reçues par un site, il peut alors être catégorisé comme abusif par le navigateur et alors l’intégralité de ses notifications sera bloquée par défaut par Chrome. De même, quand un utilisateur refuse trop fréquemment les notifications web, le navigateur peut ne plus lui afficher proactivement les demandes de permission.”
“Il ne faut pas oublier que cela ne concerne que les 5% d’internautes qui acceptent les web notifications. Les autres ne sont pas embêtés”, défend Edouard Ducray. L’expert reconnaît néanmoins que cela n’empêche pas “nombre de groupes médias à avoir du mal à sauter le pas.” Plusieurs raisons à cela. Il y a d’abord la crainte d’abîmer sa base d’abonnés aux web notifications en l’exposant à des messages publicitaires. Un éditeur y voit “une rupture de confiance avec le lecteur, qui s’attend surtout à recevoir du contenu éditorial.” Un autre déplore “le côté intrusif du format” et la crainte de “porter préjudice à un outil qui est devenu clé dans l’acquisition d’audience.” “Les notifications app et web ont toujours eu un impact considérable sur l'audience, la rétention des utilisateurs et les revenus des éditeurs, sans pour autant que cela ne se fasse au détriment de l'expérience de l'utilisateur”, rappelle Patrick Mareuil.
Des gros problèmes dans la maîtrise du capping
Cela pourrait changer avec l’introduction de la publicité. D’autant que la solution d’Adrenalead ne semble pas bien gérer le sujet de la fréquence d’exposition. J’ai par exemple reçu trois notifications pour la même publicité en l’espace de quelques secondes via différents médias. “Je fais de la veille sur le sujet et c’est vrai qu’étant abonné aux notifications d’une quinzaine de médias français, c’est vite l’enfer”, confirme un patron d’agence. Un enfer qui a un impact sur le taux d’opt-in ? “On ne le voit pas sur les bases que l’on active”, répond Edouard Ducray. En précisant qu’il est, de toute façon, impossible de lier une désinscription à une notification en particulier.
“On suit de près le churn, comme on le ferait pour une base d’abonnés à une newsletter”, rassure de son côté Jérémy Parola. Tout en confirmant qu’effectivement “plus vous envoyez de publicité, plus votre churn est impacté”. De quoi donner des scrupules à plus d’un média français. Des scrupules qu’Edouard Ducray explique “comprendre”, tout en précisant qu’ils sont plus rares hors de nos frontières. “C’est moins un problème dans des pays que nous démarchons actuellement, comme l’Allemagne, l’Espagne ou certains pays d’Amérique Latine”, assure Edouard Ducray.