Clément Bascoulergue (IAS) : “On parle moins de sites MFA en France mais nous sommes quasiment autant touchés que les Etats-Unis”


  • Clément Bascoulergue, patron France d’IAS, révèle en exclusivité pour Minted les chiffres d’une étude qu’il a lancée sur le sujet des MFA.

  • Le dirigeant du spécialiste de la mesure de la qualité publicitaire nous explique observer une véritable prise de conscience du côté des annonceurs, qui disposent de plusieurs options pour faire tomber ce ratio en dessous des 1%.

Minted. On voit énormément de communications sur le sujet des sites “made for advertising” (MFA) aux Etats-Unis. C’est moins le cas en France, je trouve. Parce que c’est moins un problème ?

Clément Bascoulergue (IAS). Si on regarde les chiffres, en l'occurrence, les nôtres, ce n’est pas évident. Nous sommes à 3% d’impressions achetées sur des sites MFA en France sur la période d’avril à juin. Le ratio est de 5,5% sur la même période aux Etats-Unis. Le différentiel n’est donc pas énorme. 

La France n’est en tout cas pas le Japon, où ce ratio est de 0,3%. Pas plus qu’elle n’est comme le Mexique et d’autres pays d’Amérique latine où il monte à près de 15%. Nous sommes dans la moyenne basse… mais nous ne sommes pas parfaits.

3% c’est déjà beaucoup trop pour nos clients. A raison de 500 millions d’impressions par mois et à 2 euros du CPM, ça nous fait quand même 1 million d’euros jetés à la poubelle tous les mois. 

D’autres enseignements ?

Au niveau global, ce sont 4% des impressions achetées en Open Web qui proviennent de sites MFA. Ces sites produisent souvent du contenu très léger, autour de thématiques consensuelles comme le sport, les célébrités ou la santé.

Fait intéressant, le ratio est un peu plus élevé en gré à gré qu’en programmatique. Tout simplement parce qu’en gré à gré, certains acheteurs passent par des sous-réseaux qui ne sont pas irréprochables en la matière. Alors qu’en programmatique, vous pouvez assez facilement vous prémunir de ce phénomène en procédant par liste d’inclusion ou d’exclusion. 

Qu’avez-vous concrètement mesuré ?

Le périmètre de l’étude correspond au trafic sur lequel IAS est branché. Il convient donc de préciser qu’on est plutôt sur de l’upper funnel puisque nous sommes souvent activés pour des campagnes display premiums ou vidéo. Rarement pour de la performance pure et dure et l’achat en open auction.

Ce qui peut expliquer les écarts avec les statistiques qu’Edouard Brunet nous donnait, à l’époque où il était encore chez Publicis Media et qu’il parlait de 5 à 6 milliards d’impressions bonnes à jeter tous les mois.

Tout à fait. Ca et le fait qu’on n’intègre pas dans notre scope les sites médias qui ont un encombrement publicitaire supérieur à la moyenne parce qu’ils font de l’ad-cluttering. C’est un phénomène non négligeable mais qui est distinct, selon IAS, du MFA;

Ça fait un an qu’on parle de ce sujet. Est-ce que nous nous améliorons ?

Ca, je ne peux pas vous le dire puisque ce sont les toutes premières statistiques de ce genre que nous sortons. Nous venons tout juste de lancer le produit.

On est d’ailleurs tenté de vous demander pourquoi vous ne l’avez pas fait plus tôt. Ça fait quand même bien un an et la publication du rapport de l’Ana sur le sujet qu’on parle des dangers des MFA… 

Je pense que c’est surtout un sujet de time-to-market. Vous savez, nous proposions, il y a quelques années de celà, des indicateurs sur l’encombrement publicitaire. Eh bien personne ne les utilisait, de sorte que nous les avons retirés. Si nous avions sorti ce rapport MFA il y a un an de celà, je pense que personne n’en aurait parlé. 

Il y a toujours un délai entre l’existence d’un problème et son existence marketing. Ça vaut pour les MFA. 

Alors de quand date la prise de conscience ? 

Le rapport de l’ANA a ouvert la voie. Les différentes publications de ce lanceur d’alerte qu’est Adalytics n’ont fait qu’accélérer celà. Idem pour le “scandale” Forbes, même si c’est un sujet un peu différent du problème MFA.

Vos clients vous en parlent aujourd’hui ?

C’est simple, personne ne me parlait de MFA il y a 6 mois. Aujourd’hui, c’est l’inverse, tout le monde m’en parle. Les annonceurs veulent quantifier le problème et, surtout, ils veulent s’y attaquer. Comme pour la fraude, l’objectif de la plupart c’est de tomber sous le seuil des 1%. 

Comment peuvent-ils, concrètement, y arriver ?

La méthode la plus classique, mais aussi la plus artisanale, c’est de procéder par listes, d’inclusion ou d’exclusion. Ça a évidemment quelques limites.

Vous pouvez toujours vous faire berner par un site qui, par exemple, a une page d’accueil qui parait normale, quand vous vous y rendez en direct mais qui, pour l’ensemble des articles qui ont une source de trafic payant, est bourré de publicité. L’autre limite, c’est qu’en passant par une liste d’inclusion, vous vous coupez forcément de sites intéressants. 

L’autre méthode, c’est le recours à un spécialiste de la mesure de la qualité publicitaire, comme nous ou nos concurrents. Ce type de mesure, qui est gratuite, se fait historiquement “post-bid”, c'est-à-dire qu’on analyse le trafic après diffusion de l’impression publicitaire et qu’on évince les mauvais acteurs. La limite de ce dispositif, c’est qu’on est dans la réaction. On court après les tricheurs et c’est compliqué, dans ce jeu du chat et de la souris, de faire chuter le pourcentage de sites MFA.

Quelle alternative alors ? 

Faire du prebid, comme nous le proposons depuis quelques semaines. L’acheteur filtre en temps réel les sites qui trichent. Cela a permis à certains de nos clients de faire tomber le ratio de sites MFA à 0,3, voire 0,2%.

Mais c’est payant…

Oui et c’est logique car c’est une mesure qui demande pas mal de moyens supplémentaires.

Mais est-ce qu’elle est efficace pour autant ? Le rapport Adalytics que vous évoquiez a pointé du doigt certaines campagnes qui étaient mesurées par IAS, DoubleVerify et consorts. Preuve que vous n’êtes pas infaillibles…

Ce rapport a été réalisé en amont du lancement de notre nouvelle fonctionnalité. J’ose espérer que si Adalytics s’y collait à nouveau, ils ne pourraient pas nous prendre en défaut.  

Sur la notion de confiance que vous évoquez, c’est vrai qu’il n’y a pas de certification de type MRC. Mais nous collaborons avec des acteurs indépendants qui permettent de garantir la fiabilité de la mesure. Jounce Media nous aide à établir des listes d’inclusion qui sont faites manuellement et analysées via du machine learning. Sincera nous aide à identifier la part du trafic d’un site qui est d’origine payante. 

On va regarder jusqu’au niveau du sous-domaine car c’est souvent à ce niveau là que celà s’opère. Un système d’alerte va se mettre en place à partir d’un certain ratio. Ratio qui sera croisé avec d’autres variables comme l’encombrement publicitaire.

La méthodologie : 

L'étude provient d'une analyse mondiale des campagnes mesurées par IAS sur l'Open Web, sur la période avril - juin, avec une répartition par pays et une distinction entre MFA et ad cluttering.