Caroline Hugonenc (Teads) : “La mesure de l’attention est un bon moyen pour les sites de news de mieux valoriser leur inventaire publicitaire”


  • Teads innove, en proposant à ses clients de mesurer le niveau d’attention de chaque impression publicitaire qu’ils ont achetée.
  • Sa SVP research et insight, Caroline Hugonenc, nous explique pourquoi ce KPI est devenu précieux en même temps que celui de la visibilité est devenu trompeur. 

Minted. Teads veut aujourd’hui accompagner les annonceurs dans la mesure de l’attention à leurs publicités. Comment ?

Caroline Hugonenc. Teads Ad Manager sera la première plateforme à proposer nativement la mesure de l'attention pour les marques, sur tous les écrans, grâce à des partenariats avec des leaders du secteur, comme Adelaide, Lumen et Realeyes. Les annonceurs auront accès, à côté de leurs métriques de visibilité habituelles, à celles relatives au niveau d’attention. Nous serons ainsi capables de scorer chacun des emplacements de notre réseau publicitaire par seuil d’attention : 1 seconde, 2 secondes ou 3 secondes. 

L’IAB a établi qu’une impression vidéo est visible quand elle a été affichée plus de 2 secondes à 50% de la création. Quel serait l’équivalent pour la mesure de l’attention ?

Des travaux menés par Karen Nelson Field, “madame attention”, ont permis de déterminer que le seuil d'attention optimal variait en fonction de l'objectif. Du côté de chez Teads, on estime qu’une marque qui veut faire bouger ses items branding (awareness, préférence de marque…) doit au minimum viser les deux secondes d’attention. Bien évidemment, ce seuil dépend aussi de la marque, de sa notoriété, de la catégorie à laquelle elle appartient ou encore de l’objectif qu’elle veut atteindre.

C’est-à-dire ?

Vous n’exigez pas de votre client final le même niveau d’engagement, que vous soyez une marque automobile ou une marque de grande consommation. C’est évidemment beaucoup plus difficile de faire bouger une intention d’achat pour une voiture que pour un produit qui vaut quelques euros. Et cela implique donc d’être beaucoup plus exigeant sur le temps d’attention. 

D’où vous vient cet intérêt pour l’attention ?

Ce n’est pas nouveau. Nous analysons l’impact de la création publicitaire sur l’attention de l’utilisateur depuis 2017 déjà. Ce sont près de 2 000 créations, en provenance de nos plus gros clients, qui ont été évaluées depuis cette date par notre partenaire Realeyes. Nous regardons le pourcentage d’utilisateurs attentifs à la vidéo et précisons, pour chacun d’entre eux, la qualité de l’attention. Un bon moyen de voir, seconde par seconde, l’évolution de l’attention de l’utilisateur, et de rappeler une évidence : si l’engagement émotionnel arrive à la fin, comme c’est souvent le cas dans une bonne partie des vidéos publicitaire, alors que la publicité a perdu la moitié dès internautes exposés avant la scène finale, le ROI de la campagne est fortement affecté. 

Les annonceurs doivent donc être particulièrement vigilants à cela. Surtout quand, comme c’est le cas des annonces du réseau Teads, le visionnage de la publicité n’est pas contraint. L’utilisateur pas intéressé peut “skipper” cette dernière.

On se doute qu’un utilisateur attentif est plus à même de convertir mais je me demandais si vous aviez creusé scientifiquement le sujet ?

Nous avons participé à l'étude Attention Economy de denstu,  qui portait sur les marchés anglais et américains et qui a démontré qu’en matière de branding, une impression visible est trois fois moins efficace qu’une impression à laquelle l’internaute est vraiment attentif. Optimiser la diffusion d’une campagne sur le KPI attention, c’est en améliorer le ROI. Et c’est fondamental dans ce contexte d’inflation des coûts médias et de ralentissement économique.

Le critère de la visibilité, qui a été un peu la star de ces dernières années, ne suffit donc plus ?

On continue évidemment à l’utiliser et il reste un filtre important, via des critères comme ceux des standards MRC. Mais il ne peut plus se suffire à lui-même. Le problème, c’est que les leviers de visibilité d’une impression vont, aujourd’hui, à l’encontre de ceux de l’attention de l’utilisateur. 

Prenons la taille de la création publicitaire : plus elle est petite, plus elle a de la chance d’être visible à l’écran alors qu’évidemment l’impact sur l’attention est réduit en même temps que la taille. Idem pour la position de la création sur la page. Lorsqu’elle s’affiche au-dessus de la ligne de flottaison (above the fold), elle a souvent d’excellents scores de visibilité. Or on sait qu’un internaute est plus attentif aux impressions affichées en bas de cette ligne de flottaison (below the fold), lorsqu'il est bien engagé dans la lecture de son article. Le problème étant qu’une impression below the fold est souvent moins performante d’un point de vue visibilité pure.

Acheter des impressions visibles est donc parfois contre productif ?

Disons que l’essor du critère visibilité nous a entraînés sur un chemin qui n’est pas forcément le bon, avec des pages Web qui fourmillent désormais d’impressions qui sont, sur le papier, visibles mais, en réalité, non vues. Le passage de la visibilité à l’attention nous permet de passer d’indicateurs techniques à des indicateurs liés au comportement humain. Et ça, ça change complètement la manière dont les annonceurs opèrent leurs campagnes.

J’ajouterai que l’attention peut être un bon moyen, pour les éditeurs médias, de compenser la perte de valeur liée à la disparition de cookies tiers. Toujours selon notre étude, le ratio est de 1 à 2 entre un réseau social et un éditeur média sur ce KPI qu’est l’attention. Il est même de 1 à 3 entre un réseau social et un éditeur de news. C’est, pour cette catégorie, hyper précieux à l’heure où le ciblage contextuel et les préoccupations de brand suitability des annonceurs, ont rendu beaucoup plus difficiles la commercialisation des inventaires liés à l’actualité, car ils sont souvent anxiogènes. 

Comment optimise-t-on un KPI comme l’attention ?

Le moyen le plus simple, c’est de toucher des internautes qui sont intéressés, voire intentionnistes. Il faut donc prioriser la pertinence du ciblage. C’est d’autant plus vertueux qu’on limite, en plus, le gaspillage, en évitant d’afficher des publicités condamnées à l’échec. 

C’est, dans le contexte actuel, particulièrement intéressant. Car on associe souvent le sujet de l’attention de l’utilisateur à celui de la “sustainability” de la publicité. Il ne faut pas oublier que l’attention est une denrée rare. On a longtemps présumé que les gens regardaient la plupart du temps les publicités, les études nous montrent aujourd’hui que ce n’est pas le cas. Prenez le Royaume-Uni, les internautes y sont exposés à 84 minutes de publicité, en moyenne, par jour. Mais, selon nos chiffres, ils ne voient vraiment que 9 minutes de la publicité qui s’affiche à l’écran.

Va-t-on aller vers des standards de l’attention, comme c’est le cas dans la visibilité ?

Je pense que chaque annonceur déterminera, lui-même, ses propres standards. Je pense, en revanche, que nous avons besoin de labelliser les méthodologies des acteurs du secteur - peut-être via le MRC - pour donner un peu plus de garantie aux annonceurs. Je sais que l’ARF a créé un groupe de travail en ce sens, pour comprendre les méthodes de chacun, les auditer et, pourquoi pas, arriver à un peu de standardisation.

Où en est la France ?

C’est très troublant de voir le décalage de maturité par rapport à nos voisins anglais, qui ont au moins trois ans d’avance sur ce sujet. En France, on me parle souvent de l’expérimentation mort-né du Financial Times, qui avait développé il y a plus de 5 ans un mode d’achat au temps d’affichage de la création publicitaire, sans succès. Alors que ça n’a rien à voir puisqu’il s’agit, dans ce cas, de visibilité. Preuve que les amalgames ont la vie dure.