14 April 2025
Temps de lecture : 3 min
Julien Rosanvallon : Depuis sa création, Médiamétrie a toujours investi massivement dans la technologie de mesure, qu’elle soit audio, vidéo ou digitale. Les audimètres ont énormément évolué au cours des deux dernières décennies. Là où les premiers dispositifs étaient lourds, parfois de plusieurs kilos, les derniers modèles sont désormais ergonomiques, faciles à porter, à l’image d’un bracelet de fitness.
Ces outils sont aujourd’hui capables de mesurer la consommation télévisuelle ou radiophonique à domicile comme à l’extérieur, grâce à une technologie dite de watermarking. Concrètement, une fréquence sonore est insérée dans le signal diffusé et détectée par les capteurs du bracelet. Cette méthode nous permet de distinguer la consommation en direct, en replay ou sur une plateforme.
Nous exportons ces technologies dans plusieurs pays européens, comme le Danemark ou la Norvège. Ces dispositifs sont développés par Médiamétrie, mais la technologie de watermarking est créée par Kantar et la mesure des services de vidéos à la demande est réalisé en partenariat avec Nielsen. Le système est branché au réseau Internet du foyer afin de suivre la consommation de plateformes telles que Amazon Prime ou Netflix. Nous donnerons accès bientôt, en bêta test, les résultats de la mesure d’audience sur ces plateformes.
Nous réfléchissons à intégrer d’autres appareils connectés dans notre mesure car ils génèrent une quantité considérable de données : téléphones, montres, enceintes, casques, téléviseurs, etc. L’enjeu est d’utiliser ces données de manière éthique, avec le consentement des utilisateurs, sans qu’il y ait nécessairement un service direct en retour, comme c’est le cas avec les grandes plateformes.
Nous avons déjà posé les bases d’un écosystème de mesure intégré, capable de détecter et d’analyser l’ensemble des usages dans un foyer. Cela suppose aussi de traiter la question de la privacy et de la réglementation, notamment au niveau européen. C’est un sujet fondamental.
C’est un véritable savoir-faire. Nos équipes, qui mènent déjà les enquêtes radio et téléphoniques, recrutent les membres de nos panels. L’objectif est d’avoir un échantillon neutre, représentatif de la population française. Le CESP audite ce processus en continu.
Les participants reçoivent une compensation symbolique, autour d’une dizaine d’euros par an, ainsi qu’un système de points échangeables contre des cadeaux. Ce n’est pas une motivation financière: les gens participent souvent par curiosité ou par engagement citoyen.
La question clé aujourd’hui est celle de la duplication des usages: un individu peut regarder un match chez un ami, continuer un épisode sur son smartphone, puis regarder une autre plateforme en replay. Il est crucial de savoir si ce sont les mêmes personnes qui consomment différents types de contenus, sur différents canaux.
C’est là que la notion de “single source” prend tout son sens: suivre la consommation d’un individu, quel que soit le terminal utilisé ou le mode de consommation.
Médiamétrie travaille depuis longtemps sur le sujet. Nous avons d’ailleurs lancé un comité cross-média (qui rassemble les acteurs traditionnels ainsi que quatre plateformes vidéo: Disney+, Netflix, Prime Video et YouTube, ndlr), qui a impulsé un véritable plan d’investissement. L’enjeu est de sortir des silos TV, radio, digital et de mesurer de manière intégrée l’exposition aux contenus et à la publicité.
La principale évolution tient dans l’hybridation des données. Autrefois, la mesure reposait exclusivement sur des panels: 5.000 foyers pour la TV, c’est-à-dire 11.500 individus pour l’ensemble de la mesure. Aujourd’hui, ces panels sont enrichis par des données massives (Big Data), issues des plateformes elles-mêmes, via les “voies de retour” (logs de connexion, démarrages de vidéos, etc.).
Cette complémentarité est essentielle. Les plateformes numériques fournissent des données très précises sur les volumes de consommation, mais elles ne savent pas toujours identifier les individus. Inversement, nos panels permettent de reconstituer les profils socio-démographiques, de mesurer le co-viewing (plusieurs personnes devant un écran) ou encore la consommation hors domicile.
Mais la collecte de toutes ces données nécessite la participation de tous les acteurs de la chaîne. Quand nous n’avons pas accès aux données, comme c’est le cas avec Apple, nous sommes néanmoins capables de connaître l’audience des sites et applications grâce à ces données voie de retour.
C’est un champ connexe, mais fondamental, notamment pour les annonceurs. Ils ne veulent pas seulement savoir qui a vu une publicité, mais aussi quel a été l’impact: a-t-elle déclenché un achat ? Renforcé une image de marque ?
La connexion entre audience et efficacité est une tendance forte. Elle implique de relier les données de visionnage aux données transactionnelles, par exemple celles issues d’Amazon. C’est complexe, car les objectifs varient selon les annonceurs — entre un produit de luxe ou une offre promotionnelle en grande distribution, les indicateurs ne sont pas les mêmes. Il n’existe pas encore de standard universel pour la mesure d’efficacité, contrairement à celle de l’audience. Mais c’est une direction que nous explorons activement.
Topics
TOUS LES JEUDIS, RECEVEZ UNE DOSE D'EVENEMENTS, D'INNOVATIONS, MEDIA, MARKETING, ADTECH...
Je découvre les news !