31 May 2023
Temps de lecture : 3 min
Guillaume Belmas est le fondateur de Realytics
Guillaume Belmas. C’est devenu de plus en plus compliqué pour les annonceurs d’aller chercher les bonnes audiences puisqu’ils doivent jongler avec divers environnements et modes d’achat. L’exemple du linéaire illustre bien ce point puisqu’il peut s’acheter de manière non adressée ou segmentée, en gré à gré ou en programmatique. Il faut par ailleurs pouvoir le confronter à d’autres univers comme la catch-up des broadcasters ou la vidéo en ligne de Youtube, Netflix et cie..
C’est d’abord un sujet de productivité pour les acheteurs médias, dont la tâche s’est considérablement complexifiée. Et c’est aussi, évidemment, un enjeu d’unification. Unification de la mesure, puisqu’il faut pouvoir comparer tout ça avec des indicateurs communs, et unification des méthodes d’achat, le but étant de pouvoir acheter un maximum d’environnements au sein d’une même interface, comme un méta DSP, tout en tenant compte des spécificités de chacun.
Le risque de cette unification, c’est le nivellement par le bas puisqu’une marque qui a trois ou quatre dispositifs stratégiques, et autant de méthodes de ciblage, pourrait être tentée de prendre le plus petit dénominateur commun. Par exemple, le ciblage socio-démo, qui reste majoritaire en TV linéaire alors que la vidéo en ligne est sur des segments intentionnistes beaucoup plus fins. Ce n’est pas forcément une évolution souhaitable.
Parce que je vois que les choses bougent sur les “nouveaux écrans publicitaires”, comme la CTV ou la TV segmentée, qui sont des environnements désormais ouverts aux DSP, mais que c’est beaucoup plus lent sur la TV linéaire non adressée, qui représente encore le gros du marché mais n’a que très peu évolué en ce qui concerne les méthodes d’achat. Prenez la TV segmentée, elle était compatible avec le protocole Open RTB moins d’un an après son déploiement. Je m’inquiète que la TV linéaire non adressée n’ait pas encore cet ADN un peu plus digital alors que le sujet de la “digitalisation de la TV” n’est pas nouveau en tant que tel.
Oui mais on voit que mis à part chez les petits et moyens annonceurs, ou pure players du digital, l’adoption n’est pas encore massive. Il y la nécessité de poursuivre la digitalisation du mode d’achat. Les besoins d’éducation du marché, mais aussi, le fait de ne plus se cantonner uniquement au ciblage socio-démo, sont autant de frein à l’achat programmatique.
Un des sujets clés, c’est la devise. Adkymia vend de l’inventaire au CPM, parce que c’est la devise des acheteurs programmatiques, alors que les 50 plus gros annonceurs TV réfléchissent, eux, en termes de GRP. Ça en refroidit pas mal au moment de la consolidation des reportings.
Ce passage au CPM, que TF1 et M6 appellent de leurs vœux, peut effectivement redonner de l’attractivité au mode d’achat programmatique.
C’est vrai. On le voit d’ailleurs sur la TV segmentée, pour laquelle le programmatique ne décolle pas non plus. C’est bien d’automatiser pour gagner en productivité mais ça se justifie difficilement si l’outil vous prend 10 à 15% de commission. À ce prix-là, les acheteurs préfèrent prendre leur téléphone pour négocier un deal en direct avec le commercial de chaque régie.
La bonne nouvelle, c’est que ça bouge un peu. Notamment sur la TV segmentée où on voit des régies commencer à proposer aux marques de faire du CRM onboarding pour toucher leurs audiences cibles. Ça peut donner un nouvel élan au programmatique.
C’est vrai. Une fois le plan média effectué, Adkymia ne peut pas faire mieux que de transmettre des listes aux outils de réservations de certaines régies, faute d’API disponible. De sorte que l’acheteur est obligé d’attendre le lendemain matin pour voir ce qui lui a été accordé. C’est un détail mais ça en dit long sur le chemin à parcourir avant d’arriver à de l’enchère en temps réel, comme ça se fait en open auction.
Mais ce n’est pas forcément le sujet, selon moi. Le vrai défi du marché pub TV, c’est d’offrir aux acheteurs la même facilité d’utilisation que les grandes plateformes digitales. Ce n’est pas une mince affaire car, si on stigmatise volontiers les acheteurs TV sur leur méconnaissance des outils digitaux, on oublie souvent que ceux du digital ont, eux aussi, vraiment du mal avec les codes de la TV. Il y a un gros travail d’évangélisation à faire.
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